Vingt ans de gâchis, ça suffit !

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Par Kodjo Epou

Si la vocation d’une opposition c’est d’accéder à l’exercice du pouvoir, alors, on peut dire que l’opposition togolaise a encore du chemin à faire. Elle est à la peine : la durée, trop longue, du combat pour la démocratie en est une des causes  majeures. Mais pas la plus importante. C’est dans les retournements de veste, le refus de s’unir, l’exacerbation des intérêts personnels, la volonté de détruire l’autre pour paraître le mieux placé pour un fauteuil non encore libéré, qu’il faut chercher le mal. Et, plus le temps passe, plus le leadership de cette opposition périclite, pour échoir, ces dernières années, entre quelques mains courageuses certes mais inexpertes, inaptes à retourner les situations. L’état présent de l’opposition repousse, ne donnant aucun gage du futur auquel les Togolais aspirent. L’espoir de l’alternance, petit à petit, prend ses distances.

 Ce ne sont pourtant pas les opportunités qui ont fait défaut. L’opposition en avait connues beaucoup, autant qu’elle les a ratées. Tellement qu’on se demande si elle n’est pas aujourd’hui à court de cartes face au RPT, une « quasi-mafia », politiquement plus constant et stratégiquement plus méthodique. Les Togolais ont cent raisons d’être sceptiques et très critiques à l’égard de leurs représentants qui peinent, s’ils ne se font pas, par des moyens obliques, les auxiliaires du pouvoir. L’emballement s’évanouit derrière cette opposition qui ne sait que perdre. Au lieu de procéder à un recensement froid de ses insuffisances, de ce qui peut encore être fait dans le sens de l’union qu’exige le peuple, seul moyen pour elle de se donner du souffle, elle élargit ses divisions, voyant ses chances se réduire à un rythme dissuasif. Quel intérêt une opposition aussi fracturée peut-elle susciter aux yeux de la communauté internationale? Pas beaucoup. Elle n’en suscite même plus tellement dans ses propres rangs.

Dans la sous-région, le Togo constitue une rare exception de pays à n’avoir jamais eu la chance d’un débat politique sain et rédempteur ayant débouché sur une alternance politique. Cela n’est pas seulement la faute du RPT, même si ce parti est le principal fossoyeur du processus démocratique. Très souvent, un pouvoir ne se sent pas lié par une obligation de résultats lorsqu’en face de lui se trouvent une opposition et une société civile sans poigne dirigées par des gens qui aiment la vie et le temps présent, qui se contentent de faire de la figuration, incapables de trouver le talon d’achille de l’autocratie gouvernante et les moyens de faire aboutir la volonté de la majorité. Certains de leurs fidèles supporteurs d’hier, nationaux et étrangers – s’ils n’y participent pas – sont de plus en plus sans gêne de voir l’avenir du Togo se maintenir entre les mains du RPT, faute de mieux.Tant nos opposants et syndicats inspirent peu de confiance. C’est profitant de l’absence absolue d’un contre-pouvoir que le RPT continue d’éblouir la masse, grâce à de subtils faux-fuyants. Cela crée une grande confusion qui prévaudra aussi longtemps que ne verra pas le jour une nouvelle opposition plus vigoureuse, reconstituée autour d’un idéal commun, aussi longtemps  que l’actuelle ne corrigera pas ses tares afin de rendre l’intérêt général plus grand que les petits calculs individuels.

 On a soif au Togo d’une opposition qui ravive la lutte pour la démocratie restée trop longtemps un morne soliloque et qui de surcroît a été trop coûteuse en vies humaines. A défaut de ça, persiste une opposition inconsistante dans ses convictions, peu endurante, brouillonne dans ses stratégies, fébrile dans l’action, truffée d’esprits étroits qui sont prêts à se mettre à plat ventre au pied de la tyranie, pour des miettes. Une opposition qui ne finit pas de se combattre, de battre l’air pour flatter son égo et qui refuse de voir qu’aux grands maux il faut de grands remèdes, qu’ensemble on peut gagner. Disons-le sans crainte, on a affaire à une sorte de grand corps diffus, à un monstre malade que le parti presque cinquantenaire au pouvoir n’a aucun mal – à sa guise – à malmener en le tirant par le bout du nez. Et pourtant, des exemples récents nous montrent qu’ailleurs, lorsque l’injustice sociale et la prestidigitation politique se sont installées à la tête des états, se parant des dehors de légitimité et distillant subrepticement la peur et la terreur dans les esprits, l’élite patriote de l’opposition s’est fait le devoir suprême de fusionner, intelligemment, pour  restaurer le rapport de force, toutes divergences internes tues.

Les Togolais ont trop gobé l’ineptie et trop vénéré les faux messies pour ne pas voir que le FRAC, c’est la montagne qui a accouché d’une souris. Un noble projet politique!Mais des hommes ignobles tapis dans l’ombre, des soi-disant opposants au service d’obscurs intérêts, ont réussi à tordre le cou à ce projet qui aurait pu bien s’organiser pour être salvateur. Le front républicain pour l’alternance et le changement est à repenser.  De fond en comble. C’est aussi dire que la contestation par le FRAC résiduel de la légitimité et de la gouvernance de Faure Gnassingbé a du plomb dans l’aile. N’est-on pas en train d’assister aux mêmes bévues du passé lorsque, pendant les manifestations, le FRAC est maladroitement assimilé à un parti dominant? Banderoles et pancartes en disent long.Ces manifestations de la plage sont trop tranquilles, trop joyeuses et sont devenues trop habituelles pour faire trembler le RPT sur ses bases. Elles sont trompeuses. C’est d’ailleurs pour mettre en relief les limites de ces marches que le parti au pouvoir les laisse couler, tout en prêchant, du bout des lèvres, « un dialogue inclusif » qui refuse à dessein de dire son objet.

Le RPT ne bâtit toujours pas le Togo. Il continue de l’abîmer. Sa gouvernance reste des plus chaotiques, désespérément tribale et calamiteuse. Mais il faut reconnaître que le visage entre l’agréable et le désagréable que présente le pays est aussi imputable, dans une certaine mesure, à l’opposition qui pèche par manque de convictions véritables, de cohérence idéologique ou de simple logique politique. Quels objectifs peuvent atteindre ces manifestations qui atterrissent, non pas au pied du monument de l’indépendance, à la Place de la Libération, devant le siège du parlement ou encore sur un autre site emblématique de Lomé, mais en bordure d’océan, à la plage? Quel nom peut-on donner à ces marches que les initiateurs ne sont toujours pas capables de maintenir en semaine et selon un cheminement voulu par eux? Jusqu’où va t-on marcher?

Une oppostion vise des cibles. Elle exploite des symboles. Au Togo, entre autres abominations commises sous l’égide du régime, l’assassinat de l’intellectuel Atsutsè Agbobli, l’exclusion abusive de neuf parlementaires jugés indésirables, le déni du droit de vote à la diaspora pourtant majoritairement favorable à l’opposition ou encore, la supression unilatérale de l’allocation de départ à la retraite par les nouveaux milliardaires du pouvoir, n’ont pas été suffisants pour faire lever cette opposition comme un seul homme. Contre toute attente, elle est restée ancrée dans ses habitudes : les mêmes cafouillages qui contribuent à son affaiblissement, les mêmes déclarations à l’emporte pièce qui la fendent en petites parcelles. L’opposition s’est tellement divisée, vilipendée, tapée dessus qu’elle n’a plus la force de se battre contre le régime, alors que le peuple ne demande qu’à être guidé pour chasser illico presto la bande organisée de malfaiteurs qui a fait main basse sur la patrie et ses ressources. Au total, l’opposition togolaise a l’air d’un mirage, dominée par une terrible idolâtrie du “c’est moi ou rien” et qui continue de se faire sur des considérations de personnes, d’intérêts parallèles égoïstes et de jugements subjectifs, au lieu d’être à l’écoute du Togo profond et de la jeunesse. Aussi donne t-elle, dans sa mauvaise posture, une image dégradée de la volonté populaire. 

Il est plus qu’urgent que s’élève au Togo, une forme nouvelle d’opposition véritable où des leaders qui n’ont aucune honte à retourner leurs vestes, à mettre leurs culottes à l’envers en public ou à raviver la division n’ont pas leur place. Il s’agit d’un appel pour une opposition cohérente qui intègre et non exclut, disposant d’une stratégie d’action efficace, qui met  toutes les options sur la table et qui est habitée par une détermination sans faille à apporter une alternative salvatrice au peuple. Car, celle qui a droit de cité aujourd’hui fait montre d’une absence de vitalité, tel un cadavre à la renverse, devant un pouvoir de Faure Gnassingbé qui – pour comble de malheur – s’affermit chaque jour sans donner le moindre signe de se limiter dans la durée. Faute de s’unir et de se redynamiser, avant longtemps, cette opposition court à sa propre perte.Vivement une nouvelle !

Kodjo Epou

Washington DC

USA

 

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