La malédiction de Kadhafi poursuit Sarkozy

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On ne peut empêcher ceux qui voient dans les déboires de Sarkozy une vengeance post-mortem de Kadhafi, mais ce serait alors une vengeance à deux vitesses, car les autres responsables de ce qui est arrivé en Libye courent toujours et ne sont inquiétés en aucune façon. Quand les Anglo-Israélo-Américains préparaient la Chute de Kadhafi, Sarkozy ne se doutait même pas encore qu’il allait devenir président, et encore moins qu’il serait l’outil de cette chute. S’il y avait une justice divine sur terre, ça se saurait. 
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Beaucoup d’Algériens se réjouissent, secrètement ou publiquement, des malheurs de Nicolas Sarkozy.

A Paris, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour une sordide histoire de comptes de campagne trafiqués. L’ancien chef de l’Etat français est aspiré par une spirale qui va non seulement détruire toutes ses ambitions de revenir au pouvoir, mais qui va certainement le forcer à consacrer toute son énergie à éviter la prison, au vu des charges qui pèsent contre lui.

A Tripoli, les libyens entrevoient ce qui peut constituer le bout du tunnel. Alors que leur Etat n’existe plus, que le pays est déchiré entre tribus et organisations rivales, les principales tendances politiques se sont enfin mises d’accord pour former un gouvernement d’union nationale, étape nécessaire pour, peut-être, entamer le long chemin de la reconstruction d’un Etat.

Il était temps: l’autre Etat, celui du fameux Daech, qui se veut transnational, et qui veut gouverner l’ensemble d’une Oumma chimérique, a établi un fief en Libye, et menace d’utiliser ce pays comme base de départ pour étendre son influence en Afrique du Nord, dans la région du Sahel et en Méditerranée, juste en face de l’Europe.

Dans les capitales européennes, précisément, des experts militaires, assistés d’analystes, de stratèges chevronnés, d’éminents spécialistes et de lobbyistes, planchent sur des plans d’attaque destinés à reconquérir la Libye, pour en extirper Daech et les groupes jihadistes. Ils établissent des stratégies, cherchent des partenaires, définissent des objectifs, évaluent les coûts et cherchent des financements pour mener leur opérations, se demandant si le pétrole libyen sera suffisant pour payer la facture qu’ils présenteront lorsqu’ils auront réinstauré la démocratie en Libye !

AVENTURISME

En Tunisie voisine, c’est un tout autre calcul qui prévaut. Le seul pays arabe à avoir survécu au « printemps » dévastateur sait ce qu’une nouvelle intervention militaire en Libye va engendrer: la mort, la dévastation, la destruction de ce qui reste de la Libye, des milliers de réfugiés, et une multitude de groupes jihadistes qui vont se répandre dans toute la région. Cela rappelle d’ailleurs une histoire vécue il y a cinq ans, celle à laquelle avait activement participé Nicolas Sarkozy, et qui avait abouti à la destruction de la Libye. Le flamboyant chef de l’Etat français, après avoir fait échouer un séduisant projet méditerranéen, se lançait dans une guerre destinée à établir la démocratie dans le monde arabe. Peu après, les mêmes stratèges et les mêmes guerriers tentaient la même formule en Syrie. Pour aboutir à un résultat effrayant.

Cela n’absout pas les potentats locaux, et ne diminue en rien leur responsabilité dans la déchéance de leurs pays. Cela n’épargne pas non plus ceux qui aspirent à leur succéder, et qui font preuve d’un nihilisme destructeur, tant ils font preuve d’aveuglement face à l’engrenage qui emporte la Libye, la Syrie, l’Irak, et le Yémen et d’autres contrées. Cela montre, enfin, à quel point un pays comme la Tunisie se trouve désarmé face à une terrible machine qui menace de le broyer.

C’EST QUOI, UN CRIME ?

En arrière plan, se trouve évidemment l’Algérie qui, à défaut d’imposer son point de vue, a réussi à ne pas se laisser emporter. Et aujourd’hui, face aux va-t-en guerre, l’Algérie et la Tunisie serrent les rangs. Pour une fois, les deux pays jouent la même partition. Pas uniquement en raison de la fraternité, mais parce que l’intérêt froid des deux pays le commande. L’instabilité en Libye coûte cher aux deux pays, à la fois à cause du manque à gagner direct, et du dispositif, très lourd, qu’il faut mettre en place pour se prémunir des possibles retombées.

Une nouvelle intervention militaire en Libye provoquerait une véritable catastrophe. C’est l’analyse qui domine à Tunis et à Alger, mais les deux pays n’ont pas les moyens militaires pour empêcher les Occidentaux de se lancer dans une nouvelle aventure. Que leur reste-t-il à faire ? Rappeler inlassablement les vertus de l’action politique. Rappeler quotidiennement, à travers les expériences encore en cours, l’impasse à laquelle mène l’aventurisme de type Sarkozy.

Ce qui nous ramène, précisément, au début de cette chronique : les malheurs de Nicolas Sarkozy. Beaucoup d’Algériens se réjouissent, secrètement ou publiquement, des malheurs de l’ancien président français. Ce ne sont pas les raisons qui manquent. Mais dans toutes ces attitudes, on ne peut occulter cette injustice suprême : Sarkozy n’est pas inquiété pour avoir contribué à la désintégration d’un pays, la Libye, ni pour avoir provoqué, par ricochet, la destruction d’un autre pays, le Mali ; il n’est pas menacé pour avoir, peut-être, reçu de l’argent de Kadhafi -l’affaire est en cours d’instruction- ; il est poursuivi pour une vulgaire affaire de fausse facture.

Les morts libyens et maliens ne comptent pas.

Abed Charef

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