Le Togo vit une période douloureuse. Période de petites et grandes trahisons. A cause de ce fléau, le pays est à l’orée d’un abysse et pourra, à tout moment, sombrer. Alors qu’il est temps de lutter, sans faux- fuyant, pour que l’homme togolais quitte les soutes sombres de la dictature, nos leaders, vont à la soupe les uns après les autres. La traîtrise ! Hommes et femmes se livrent à la transhumance politique sans se soucier ni de l’opinion, ni des dommages qu’ils causent à leur propre dignité. Quels projets de société ont-ils, ces traîtres, en dehors des vibrants mensonges qu’ils ont à la bouche, pour notre peuple? Aucun.
Le cas qui fend le cœur, c’est celui de Gilchrist. Les togolais ont désormais dans le nez l’ancien président de l’UFC parce qu’ils ne peuvent pas pardonner qu’il change comme ça, après tant de victimes, son fusil d’épaule en plein combat existentiel contre la tyranie. L’imposteur, lui, se dit mû par le souci d’un « partage du pouvoir avec le RPT… pour soulager les souffrances du peuple ». Pendant qu’il déclamait une telle fourberie, ses partisans crèvent dans les prisons du régime, lequel continue la traque sans frontière aux opposants. Comment peut-on d’ailleurs parler de partage de pouvoir, au Togo, en oubliant d’exiger, avant tout autre portefeuille, celui de premier ministre pour son parti ? Bancale finasserie qui ne convainc personne. Sinon, une ubuesque trahison qui cache mal « le dieu argent ». Gil a profané les martyrs de la liberté dont son propre père, et poignardé dans le dos ceux qui, par loyauté, l’ont porté en hamac pendant des années.
En effet, la traîtrise se généralise chez nous, dans une proportion inquiétante. Parfois au-delà de l’entendement humain. Trahir est devenu, aujourd’hui, une seconde nature chez beaucoup de togolais. Comment avons-nous pu tourner si facilement le dos au respect de la parole donnée et à l’intelligence pour nous embourber aussi profondément dans la médiocrité. Pourquoi de plus en plus de togolais deviennent-ils identiques au genre « pascal bodjona »qu’ils ont l’impérieux devoir de combattre ?
C’est l’ivoirien Serge-Nicolas NZI, chercheur en communication qui a bien diagnostiqué le mal : L’argent. «L’argent roi, l’argent devenu maître, a étouffé les énergies, dicté les extravagances et les faiblesses de notre société en ouvrant les portes à toutes les indécences et à tous les abus. L’argent, à tout prix et maintenant, a mis en danger la culture authentique de nos peuples africains. Cela débouche sur de moins en moins de liberté, moins de respect des uns envers les autres et met la famille déboussolée en hypothèque ».Un tel constat ne laisse pas pressentir des lendemains qui chantent au Togo. Gilchrist, tel un judas Iscariote, a pervertit les solidarités, brisé l’ordre social et la cohésion du parti dont ses pairs co-fondateurs lui ont confié la direction.
De ce point de vue, il n’est pas moins un danger public que son allié, Faure Gnassingbé. Les deux sont non seulement liés par un étang de sang d’innocents togolais mais aussi par un agenda secret d’évacuation, voire d’extinction pure et simple de la démocratie au Togo. Comment un chef de parti dont le rôle est d’entretenir l’espoir chez ses militants – s’il n’a pas des intérêts obscurs différents de ceux du peuple – peut-il signer un accord aussi aliéné et dingue que celui que monsieur Olympio a conclu avec l’abattoir d’espoir qu’est le RPT?
Le fils du père de l’indépendance, plus que ses anciens compagnons de misère de l’opposition, est la réalité la plus humiliante des vingt ans de lutte des togolais pour la démocratie. Nous sommes même arrivés à une situation insolite où c’est le président du parti lui-même qui a pris la tête de la dissidence. La portion congrue qu’il détient de l’UFC se retrouve sous la coupe réglée du Ministre de l’intérieur qui manage son calendrier. Et, c’est avec le RPT qu’il organise son congrès, non plus au quartier populaire de Nyékonakpoè mais – cela se comprend – dans le confort de l’hôtel Ibis de Lomé, en bordure de mer. Personne ne pourra s’étonner si le RPT prête à Gilchrist certains de ses animateurs drapés aux couleurs de l’UFC et convoyés des préfectures pour aller faire le nombre complétif à l’hôtel Ibis. Gilchrist Olympio, c’est fini. La grosse bête que le RPT brandit au bout de son hameçon est bien morte. Il y aura des « laveurs de chat » pour flatter le leader désespéré qu’on considère déjà au RPT, sans le dire, comme « un investissement à fonds perdus ».
Les martyrs de la démocratie, Attidépé, Amorin, Agbobli, Togbassa, Deh… et ces milliers de pauvres sympathisants doivent se retourner dans leurs tombes. Mais, à quelque chose, malheur est bon : Gilchrist peut avoir le crédit d’avoir servi, s’il en est encore besoin, d’instrument de mesure du record d’impopularité atteint par le régime. Ce qui est navrant, c’est qu’il n’y ait, parmi les 6 millions d’âmes qui peuplent ce maudit de territoire, une seule ayant l’autorité et la raison pour faire comprendre à Gil qu’il ne devait pas, pour quelque motif que ce soit, se permettre de jeter le manche après la cognée. Ca veut dire quoi ? Que le Togo n’a plus de sages? Le « dieu argent facile » étant solidement aux commandes, la sagesse a foutu le camp. Evidemment.
Kodjo Epou
Washington DC
USA