Tout pour plaire… Et toujours célibataires

0

La vie à deux, un modèle dépassé ?C’est le grand paradoxe de notre époque.

Font-elles peur aux hommes ? Sont-elles trop exigeantes, trop dures, trop blessées ? Mais qu’est-ce qui cloche aujourd’hui pour que de plus en plus de femmes se retrouvent « sans amour fixe » alors qu’a priori, elles ont tout pour elles ?

La vie à deux, un modèle dépassé ?C’est le grand paradoxe de notre époque. Jamais il n’y a eu autant d’outils pour communiquer et se rencontrer. Jamais, pourtant, on n’a autant compté de femmes, belles, brillantes, drôles, punchy, sexy, bref, qui ont « tout pour plaire », et se retrouvent dans un désert amoureux difficile à comprendre.

« C’est un signe des temps, remarque le sociologue Pascal Lardellier(1). Le nombre de célibataires a plus que doublé en France en trente ans, passant de 6 à 12 % de la population. Les femmes étant les premières concernées : elles sont 4,4 millions aujourd’hui contre 3 millions d’hommes. »

Certes, elles sont toujours plus nombreuses que les hommes célibataires (ceci d’ailleurs pouvant expliquer cela) mais une étude récente de l’Insitut national d’études démographiques (Ined)(2), sur les « personnes résidant seules en France », précise que si le nombre de femmes vivant seules a doublé entre 1962 et 2007, la proportion d’hommes vivant seuls a triplé. So what ? La vie à deux -serait-elle juste un modèle usé, dépassé ? Un vieux rêve devenu inadéquat ?

« L’entrée en couple de plus en plus tardive est l’un des facteurs pouvant expliquer la montée du célibat, analyse Pascal Lardellier. Notamment pour les femmes les plus diplômées qui souvent font peur aux hommes et ont, de leur côté, une attente immense et des critères impitoyables. Mais l’une des causes du célibat est aussi qu’il devient de plus en plus difficile de se rencontrer, du moins dans la vraie vie. On assiste en fait à une glaciation des rapports hommes/femmes. La drague est devenue ringarde. Dans les années 80, le monde du travail était le premier lieu de rencontres. C’est inimaginable aujourd’hui ! » C’est un vrai fait de société. On se lance aujourd’hui plus tard dans la vie à deux, avec déjà un bagage sentimental sur le dos, et des attentes précises sur le couple, « l’autre » idéal. La multiplication des réseaux de rencontres ne faisant qu’illustrer et envenimer le phénomène. Jamais le couple n’a été autant rêvé, idéalisé (devant associer l’amour, le sexe, la complicité…). Jamais non plus l’individu et l’épanouissement personnel n’ont eu autant la priorité. Les deux n’allant pas forcément ensemble.

Femmes célibataires, elles ont fait un choix

« A un moment, il faut choisir, résume Suzanne, 47 ans. Et c’est cruel. J’ai fait de longues études, puis me suis lancée dans un boulot passionnant qui me conduit aux quatre coins du monde. Le yoga et l’aïkido me prennent aussi beaucoup de temps, mais ils sont fondamentaux à mon équilibre. Avec les hommes, je n’ai jamais eu de problèmes, plutôt même des facilités. Mais je n’ai jamais trouvé le temps de me poser ni de faire des enfants. A l’âge où les autres se casaient, j’explorais les possibles. Le couple qui dure, la famille, c’était pour « quand je serai grande »… J’ai même renoncé à un homme que j’aimais profondément mais qui, lui, était plus pressé. Et dû me rendre à l’évidence, quelques années plus tard, que j’avais peut-être laissé passer ma chance. Celle de faire comme les autres, et de construire autre chose que moi-même. Il y a un cap difficile à surmonter. Je ne dis pas qu’il n’y a pas un fond d’amertume en moi. Mais cette femme hyperactive, qui n’a jamais manqué d’amis, d’amours et d’adrénaline, sans jamais supporter la routine ni su tisser une relation durable, c’est moi. J’ai choisi sans le vouloir. La suite risque d’être difficile mais je ne me projette pas. J’aurais sans doute été plus malheureuse autrement. »

C’est bien plus subtil que l’image de l’amazone triomphante. Pas une question de révolte antihomme, antifamille, anti-tout… Juste le résultat d’un difficile grand écart entre des désirs contradictoires. A une époque qui permet de choisir.

« La grosse problématique de notre époque, c’est le choix, affirme la psychanalyste Sophie Cadalen, qui a consacré tout un ouvrage à la question(3). Avant, le couple était une étape obligée pour les femmes. Aujourd’hui, elles sont beaucoup plus ambitieuses. L’indépendance a accru leur niveau d’exigence. »

Certes, le célibat gagne du terrain mais il a changé de visage. Mûrement consenti, cela n’a rien d’une défaite. L’angoisse de la belle trentenaire qui voit toutes ses copines se caser, et panique à l’idée de finir seule, est une réalité. Mais le cliché de la vieille fille qui cache forcément un vice de forme a vieilli.

« Il fut un temps où l’on fêtait Sainte-Catherine à 25 ans, remarque le sociologue Laurent Toulemon, coauteur de l’étude de l’Ined sur les personnes résidant seules. C’est bien fini. D’abord parce qu’on est jeune plus tard. Dans les années 60, une femme de 35 ans sans mari ni enfants était une vieille fille. Aujourd’hui, rien de perdu pour elle ! Et il n’est pas scandaleux qu’elle ait une vie affective et sexuelle épanouie. De même, on vit longtemps seul(e) désormais après une séparation, avant de se “recaser”. Ce qui était juste impossible pour les femmes, à une époque où elles n’avaient pas les moyens de vivre seule. ». Aujourd’hui une femme « sans amour fixe » n’est plus suspecte, si ce n’est surtout d’être sûre de ses désirs, exigeante.

« J’ai pas mal de copines de mon âge qui, comme moi, ne sont pas en couple, remarque Anne, 36 ans. Et qui ne sont pas pour autant des vieilles filles en attente que leur vie commence ! Elles sortent beaucoup, voyagent, font des rencontres, s’éclatent dans leur boulot… Elles ont une vie riche ! Personnellement, je refuse qu’on me juge comme une victime. Bien sûr, je suis plus heureuse quand je suis amoureuse, quand j’ai quelqu’un avec qui partager. Mais ne pas avoir d’homme régulier dans ma vie ne m’empêche ni d’avoir des histoires (des CDD très agréables !), ni de profiter du présent. J’ai trop vu de femmes de la génération de ma mère tout sacrifier pour leur mari. Ou rester par convention. J’ai la chance d’appartenir à une génération de femmes indépendantes et libres de choisir. Aujourd’hui, je suis seule parce que je n’ai pas encore rencontré celui avec lequel j’ai envie de construire sur le long terme. Je suis encore dans une période où je papillonne, je teste, j’explore. Et, parfois, je me sens bien plus épanouie que certains couples avec enfants qui n’arrivent pas à se quitter alors qu’ils n’ont plus rien à se dire…»

Par Alix Leduc, marieclaire.fr

Partager

Laisser une réponse