Tout feu sur Pascal Bodjona

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L’atmosphère politique togolaise très tendue actuellement échappe sans nul doute au contrôle du Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé. Celui-ci, accablé par de nombreuses préoccupations, inutiles les unes que les autres, semble gouverner le Togo par procuration.

Isolé dans un silence accablant, sclérosé devant l’emprise d’une situation socio politique totalement hérissée, le  » Président  » laisse la gestion du pays à qui veut et le peut. Gestion des crises sociopolitiques répétitives, contrôle des nombreuses magouilles qui se succèdent dans le système, administration du pouvoir d’Etat incarné par un parti dont le soutien est balbutiant et un entourage totalement déçu par la pérennisation d’une gouvernance approximative, restent un trop lourd fardeau que le profil mou et flexible du président ne peut supporter. La nature ayant horreur du vide, un homme, un profil, un destin vint à la rescousse.

Pascal Akoussoulèlou Bodjona est l’homme fort du régime actuel, qui gère politique et économie, social et familial, etc. C’est le propriétaire de tous les dossiers dont la lourde responsabilité ne le laisse pas à l’abri de toutes sortes de magouilles : Détournements divers, trafics tous azimuts, affaires louches lui vont comme des gants. Et pour couronner le tout, l’homme joue sa partition. Sans doute qu’il réussira à tirer son épingle du jeu, surtout que le pouvoir est en décrépitude. Voici le parcours controversé d’un homme qui sait mettre en valeur le vrai et le faux. Descente dans les dossiers noirs d’un espiègle politique.

Le plus fanatique des disciples de Jésus, Jean, écrivait en substance pour conclure son évangile que  » Jésus a fait encore bien de choses et si on l’écrivait une à une, le monde ne pourrait pas contenir les livres qu’on écrirait  » Jean 21 v. 25. Ce rapprochement comparatif pour dire que l’homme dont il est question dans ce dossier a aussi, dans son cadre togolais, fait beaucoup de choses qu’il n’est pas possible de révéler une à une. Le Togo risquait de ne pas contenir les livres qu’on écrirait. Pascal Bodjona est aujourd’hui ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation chargé des collectivités locales. Son titre de Ministre d’Etat a été sacrifié sur l’autel d’un accord mal ficelé entre le RPT et l’UFC, il ne s’en préoccupe pas trop, le roi aura perdu sa couronne mais sa démarche n’a pas changé. Pascal Bodjona conserve à cet égard son titre de Porte-parole de Gouvernement, étant originellement le Secrétaire national aux affaires politiques du Rassemblement du Peuple Togolais, RPT, parti qui détient les manettes du Togo depuis quarante ans.

Un étrange destin, un profil ragaillardissant, des manœuvres sordides les unes les autres, pour détruire ou dribbler son adversaire, un avenir prometteur en valeur absolu, mais jonché de risques sur le fonds, Pascal Bodjona marche sur des œufs, sachant bien que ses emprises ne plaisent pas nécessairement, déplaisent ou encore mieux agacent son entourage. Extrêmement bon et extrêmement mauvais, grand de taille s’il veut s’engager sur une revendication, petit de profil s’il veut défendre ses intérêts, Akoussoulèlou est un micromégas qui sait se servir du bâton et de la carotte et qui y arrive toujours. Il est craint pour son passé tumultueux au campus universitaire de Lomé, son ascension incompréhensible dans la politique après son séjour aux Etats-Unis, son extraordinaire force nuisance, autant de préceptes qui lui garantissent un parcours controversé, décrié et rocambolesque. Les uns s’en méfient comme le coryza, les autres font avec. Le Président lui-même en est conscient au point où Pascal Bodjona, se retrouvant au centre de toutes les polémiques est un mal nécessaire. Sa présence provoque remous, très souvent, son absence laisse un vide. Histoire légendaire d’un homme qui marche droit vers le sommet.

Le portait de toutes les polémiques

Pascal Bodjona, carrure gargantuesque, regard agressif qui cache tout, le bien et le mal ensemble, est né le 17 mai 1966, 19 jours avant la naissance de son mentor, Faure Gnassingbé, dans une petite localité du Nord Togo dénommée Kétao, dans la Préfecture de Binah. Ce n’est qu’après ses études primaires et secondaires dans le Kétao qu’il pourra rejoindre Antoine Bodjona, ce Kabyè nationaliste intègre et intransigeant qui subissait encore les pires formes de maltraitance du général Eyadéma pour sa position critique vis-à-vis du pouvoir du dictateur Togolais. Mais le petit Pascal aura tiré son épingle du jeu en se frottant très tôt avec les idées politiques. Ce qui lui a valu un art oratoire apprécié dès les années 90 sur le campus universitaire où il a joué un rôle trouble à suffisance.

Curieusement, l’orientation politique de Pascal Bodjona a été radicalement parallèle à celle du vieux  » Antoine « . Le père ayant une vision totalement à Gauche, le fils se donnant un fanatisme à droite. Ce qui donna lieu à des interprétations les plus fougueuses.

De Kétao à Lomé beaucoup de choses ont été racontées sur l’actuel homme politique. Ses détracteurs pensent qu’il n’est pas le fils de son père et le justifient par les dissemblances à tout point de vue. Le fils qui bénéficie d’un surpoids génétique totalement contraire au père et aux frères, étant le seul à avoir dans toute la lignée une carrure imposante suspecte. Ils vont plus loin, ceux qui veulent descendre le Ministre en l’attribuant à un père Cotocoli auquel il finira par s’identifier. L’Afrique traînant ses réalités les plus sottes et parfois les plus superstitieuses, Pascal aura été obligé de revenir se faire baptiser  » Sani  » au bercail dans des cérémonies solennelles en terre tem. L’homme s’étant aujourd’hui confondu entre Kabyè et Cotocoli suscite convoitise et admiration de l’une et de l’autre de l’ethnie qui le revendique mutuellement. Tact, malice, perspicacité qui le marquent, lui permettent de gérer ces humeurs en satisfaisant l’un ou l’autre des géniteurs.

Il ne manque pas d’occasion de faire réaliser le pèlerinage par des proches Cotocoli ou de faciliter l’intégration de son  » ethnie d’accident  » dans plusieurs domaines. Passons, ce sont simplement des ragots de détracteurs étant donné que l’homme même ne renie pas l’ethnie Kabyè en installant sa base à Kouméa, mais ne se refuse pas du tout de manifester une grande considération et un respect mérité à ses frères Cotocoli. L’essentiel pour les deux camps qu’il reste à leur service et de celui de la République togolaise.

Un parcours Universitaire mouvementé

Pascal Bodjona a obtenu son premier diplôme Universitaire le baccalauréat au Lycée Technique Eyadema de Lomé avec une mention à travers le CV officielle Assez bien. Au Togo, quand on devient Ministre, il est facile de fabriquer des diplômes pour la cause de son portrait. Etant donné que le niveau de nos ministres devient de plus en plus bas, on procède par des gymnastiques pour maquiller le CV. On fait généralement recours à des Universités, a des écoles étrangères pour se donner raison d’un profil qui ne sied pas.

A l’Université, Bodjona entre à l’Ecole Supérieure d’Administration et des Carrières Juridiques (ESACJ) actuelle faculté de droit de l’Université de Lomé. C’est le début d’une véritable carrière politique faite d’actes et comportements graves qu’on lui reproche. Les années 90 ont vu Pascal Bodjona dans des rôles atroces avec son appartenance au célèbre mouvement estudiantin qui avait totalement pris une allure de milice. Le HACaME, Pascal est l’un des fondateurs et principal animateur. Les membres de ce mouvement ont exécuté des horreurs à l’endroit de leurs camarades étudiants, horreurs restées impunies à ce jour. Brimades, tueries, enlèvements étaient la méthode. On a même accusé le mouvement estudiantin d’être le meneur des fameux taxis de la mort qui ont fait disparaître des centaines de militants de l’opposition dans les années 90.

C’est un parcours universitaire nettement rocambolesque qui est venu se greffer sur une autre histoire fantastique qui lui colle à ce jour aux fesses : La question de la tricherie. Des témoins ont restitué ce qui s’est réellement passé ce jour  » J’étais juste derrière lui le jour de l’examen. Il donnait l’impression d’être déconcentré. Je le vis sortir de sa poche des feuilles pliées. Il les avait aligné et copiait sans être gêné. Quelques minutes je vis un surveillant s’avancer vers lui, lui intima l’ordre de se lever et ne faire aucun geste. Bodjona très nerveux répondit qu’il n’était pas le seul à détenir les épreuves déjà corrigés. Plus loin il menaçait notre professeur, Mme Adjamagbo d’être une complice de la vente des épreuves avant examen  » Un autre témoin raconte  » Bodjona n’était pas seul. Cette bande n’était toujours pas á la Fac mais leurs notes toutes les fois après le partage des devoirs nous faisait réfléchir… mais on avait aucune preuve « 

Le verdict de cinq ans de ne plus exercer comme étudiant tombe á l’Université du Bénin Pascal Bodjona est exclu, avec lui, une bande de jeunes d’Adewui, plutôt rompue à la tâche subversive. Humilié et embarrassé, il quitte l’université sans gloire. La nouvelle est répandue et il devient la risée des étudiantes et étudiants du Togo. Ceci a fait l’objet du débat pendant plusieurs mois. Plus tard, Pascal est revenu sur les lieux où sont conservés les archives du campus universitaire pour incendier les documents. Histoire de brouiller les pistes de son passage tumultueux à l’Université. Mais malheureusement il sera encore démasqué. Les forfaitaires de la destruction des archives étaient cagoulés pour la cause de l’exécution de l’infraction. Mais en fuyant, les témoins ont aperçu dans le groupe un gros profil qui avançait difficilement. Ils ont longtemps rigolé en pensant que ce profil n’était pas autre que celui de Pascal Bodjona. Il regrettera plus tard d’avoir participé à cette opération.

Gnassingbé Eyadéma, à l’époque qui avait de l’admiration pour ces genres de personnalités, courageuses, hurleuses s’est saisi de l’affaire et a remis Pascal Bodjona en selle dans le fonctionnement du tristement célèbre mouvement Hacame. Bien qu’exclu de l’Université, il leur était permis, lui et ses acolytes d’animer le mouvement sur le campus, en toute tranquillité. A partir du quartier Adewi réputé fief du pouvoir, l’actuel Ministre menait des actions qui avaient pour but de neutraliser les contestations populaires incarnées par l’opposition au nom d’un autre groupe dénommé Ekpémog.

C’est cette passerelle qui permettra à Pascal de monter au sommet de la gloire. Il sera envoyé aux Etat Unis avec comme titre chargé commercial de l’ambassade, une fonction bizarre pour une représentation diplomatique qui n’est pas une société. Il avait pour vraie mission d’espionner le chargé d’affaire d’alors, en qui la confiance ne se nourrissait pas, en raison de l’appréciation par les Etats-Unis de la situation politique du Togo. Rusé et maître en coups bas, Pascal réussira à détrôner l’ambassadeur par la fourniture de rapports mettant constamment en cause son ambassadeur. Il sera nommé trois années plus tard, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République du Togo près des Etats-Unis d’Amérique et de la République Fédérative du Brésil, fonction qu’il exercera jusqu’en mai 2005, après la mort de son maître, Gnassingbé Eyadéma.

Dans la foulée, on étale une ribambelle de diplômes obtenus par le Ministre lorsqu’il était aux Etats-Unis : l’Université Haward et à Columbus University couronnées par le Bachelor of science, option Public Administration, titulaire d’un certificat d’études de l’Institut d’Etudes Politiques de Washington D.C., diplômé de l’Ecole John Kennedy School of Gouvernment de la prestigieuse Université de Haward de l’Etat de Massachusetts sont autant de distinction alignées. Au Togo, il y a trois façons d’avoir des distinctions : Il y a des diplômes qu’on mérite, les diplômes qu’on achète et les diplômes qu’on vole. Quitte à pascal Bodjona de nous dire le genre des trois qu’il aligne dans son CV. Surtout que certains qui veulent vérifier l’authenticité de tout ce baragouin sont allés vérifier et sont revenus bredouille. Ils donnent pour preuve qu’avec ces diplômes obtenus l’on devrait être capable de parler un bon anglais. Mais les téléspectateurs ont été récemment surpris de suivre Pascal Bodjona massacrer l’anglais récemment au cours de la cérémonie d’adieu des médecins de Mercy Ship. Il déchiffrait les mots avec peines et mélangeait adjectif, pronoms et adverbe sans respect pour la logique grammaticale. C’est triste.

Mais il a fait l’effort de prouver qu’il peut au moins parler l’anglais charabia. Son président et ami Faure Gnassingbé lui, est extraordinaire. Après un diplôme de MBA obtenu aux Etats-Unis, il fait recours encore aux interprètes chez ses homologues pour comprendre ce qu’ils disent. Certains opposants, proches de lui aujourd’hui ont raconté qu’ils rient à se fendre la mâchoire lorsque le Président tente de faire une phrase en Anglais. Du vrai pidgin des frontières. Désolant.

Aux Etats-Unis, Pascal aura servi à opérer tous les trafics des autorités togolaises envers le pays de l’oncle Sam. A l’époque le trafic de drogue n’étant pas combattu comme aujourd’hui, tout était possible, mais rien ne prouve que Pascal a également entretenu ce trafic. Mais on lui reproche des transferts d’argent et de devises étrangères importantes, opérations noires dont la pérennité a failli créer un isolement diplomatique du Togo par les USA. Les conditions du départ de l’ancien ambassadeur David DUNN des Etats-Unis au Togo sont révélatrices de la pertinence de ce dossier. Les mauvaises langues racontent qu’il menait ces opérations avec un fils du Général Eyadéma dont il avait la mission de protéger à Washington. Faure Gnassingbé, actuel président qui finira par le nommer le Premier, à ses côtés, Directeur de Cabinet de la Présidence, après avoir conquis le pouvoir, dans le sang et la pagaille.

Cette responsabilité fait de Pascal Bodjona, un homme extrêmement riche, mais très prudent, qui ne se manifeste pas avec grandiloquence et arrogance pour faire exprimer sa fortune. Il se réfugie souvent derrière l’aisance de sa belle famille qui, selon lui pourra lui permettre de vivre bien même s’il arrivait qu’il ne soit pas aux affaires.

Pascal Bodjona, un Franco- Togolais

Pascal Bodjona serait l’heureux bénéficiaire de la nationalité française en 2009. Cette demande répond à une urgence stratégique à lui conseillée par ses avocats blancs. En effet, dans l’espace de trois ans, les services de renseignements français ont été surpris des mouvements de fonds faramineux au nom du Ministre togolais. Des dizaines de millions d’Euro. Inquiets, ils ont dû alerter les ambassades du Togo à l’étranger. Alerté sur la question, il demande à savoir de quoi se mêlent ces blancs, s’ils ne sont pas arrivés à inquiéter les enfants Gnassingbé qui opèrent sans souci. C’est ainsi que ses avocats lui ont conseiller de trouver une voie intermédiaire plutôt que d’essayer à pinailler sur la situation. L’ultime recours pour lui serait de demander la nationalité française et de l’obtenir.

Son épouse étant elle-même Franco-libanaise, les choses seraient plus aisées. Ce qui fut fait. Cela lui permettra de faire une économie de menaces judiciaires et d’éviter le fisc français très sévère aux non français. Voilà pourquoi, depuis décembre 2009, Pascal Bodjona a adouci le ton face à l’interprétation de la double nationalité des responsables de l’opposition et n’a pas mis les bâtons dans les roues à Jean-Pierre Fabre lorsqu’il s’était agit d’étudier les dossiers de candidature à l’élection présidentielle.

Désormais, le franco-togolais Pascal Sani Bodjona Akoussoulèlou aura de bonnes raisons de justifier sa citoyenneté française si le Togo venait à basculer dans les conflits ou si le régime RPT laissait place à l’opposition. C’est pourquoi tous les observateurs pensent que l’homme très espiègle joue sa partition en enfonçant inexorablement Faure dans les erreurs. Il a des soutiens sur tous les plans, armée, presse, populations, représentations diplomatiques, officiers et armées des autres pays. Il a la capacité de diriger le Togo, beaucoup mieux que son mentor, il est incontournable dans la sphère RPT, ennemi apprécié dans l’univers de l’opposition. Que reste-il donc encore à un homme de jouer sa partition, s’il est mieux que celui qu’il sert.

C’est n’est que la première partie d’une descente dans le monde noir de Pascal Bodjona.
Que s’est-il passé au cabinet de la présidence ? Comment est-il arrivé à anéantir les amis du Président ? Quelles sont ses intentions et ses relations avec Kpatcha Gnassingbé ? Quelle est sa responsabilité dans les tueries de 2005 ? Comment prépare-t-il le probable basculement du RPT ?
Grandes interrogations qui auront leurs réponses après le bouclage de nos investigations qui se poursuivent.

Carlos KETOHOU / ACP Inter

 

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