Hélène Legall, la responsable Afrique de l’Elysée est à peine compétente, et Thomas Mélénio, son assistant n’a pas les coudées franches, résultat, « rien ne marche sur l’Afrique
Le « jusqu’au-boutisme » pour Faure, l’« appui » des Allemands pour Fabre, la pression des « frères » Maçons sur les deux…
Max-Savi Carmel /27Avril — Jean-Pierre Fabre vient de finir, au pays de Merckel, une tournée internationale qui l’a amené à la rencontre de plusieurs hauts responsables allemands. Pendant ce temps, il subit la pression des loges dont il est lui-même membre et devrait choisir. Boycotter, aller et perdre, jouer la main jusqu’au dernier moment, il a toutes les cartes et à défaut de gagner il devrait au moins mettre Faure Gnassingbé en difficulté.
S’il est apparu rapidement à Paris au début du quinquennat de François Hollande aux côtés des Socialistes, s’il a même pu, à distance, être un moment près du nouveau président français, depuis, tout a changé ou semble l’être. François Hollande a montré d’énormes limites sur l’Afrique notamment celle subsaharienne, son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius n’est que passablement à la hauteur. Vieux, il a plus de 72 ans, ancien pion de la vieille classe françafricaine, il connaît trop peu l’Afrique et s’est vite mis dans l’étau de l’administration. Son portefeuille, à cause des conflits de par le monde est bien plus influencé par la défense et les réseaux militaires.
Les multiples conjonctures structurelles et économiques internes que connaît Paris mobilisent toutes les forces à faire face aux attentes des Français, ce qui repousse au second degré la question africaine. Hélène Legall, la responsable Afrique de l’Elysée est à peine compétente, et Thomas Mélénio, son assistant n’a pas les coudées franches, résultat, « rien ne marche sur l’Afrique » a pu reconnaître Pascal Canfin, alors ministre de la Coopération et du développement qui, faute d’autonomie suffisante, n’a pas pu faire grand-chose. Depuis, son parti a quitté le gouvernement. C’est dans cette condition que le principal opposant togolais a fait sa tournée germanique, pays dans lequel il a été reçu au plus haut niveau, notamment par des responsables de parti politique mais aussi par le président du parlement européen, lui-même Allemand. Si le soutien allemand, depuis le départ de Joseph Weiss, équilibriste ambassadeur à Lomé qui s’est contenté de « comprendre le pouvoir » sans mettre la moindre pression, est inévitable, M. Fabre doit compter avec les pressions maçonnes pour se décider. Et il n’est pas prêt de le faire, même s’il est investi dans la foulée « candidat unique » de l’ANC, son parti, pour la présidentielle de 2015.
Les Allemands d’un côté…
Traditionnellement, l’Allemagne a toujours soutenu le Togo notamment la société civile et l’opposition comme sa contribution au renforcement de la démocratie dans cette colonie africaine qui fut la sienne avant sa défaite à la Première guerre mondiale. Ce soutien se lit aussi dans les positionnements des divers ambassadeurs et autres diplomates qui se succèdent à la chancellerie à Lomé. Le dernier, Joseph Weiss, qui vient d’être remplacé a totalement influencé cette politique carrément dans « le sens qui lui semble être le meilleur », celui de la passivité sinon de soutien au régime. Cela a duré trois ans avec les conséquences que vous pouvez imaginer. Un rapprochement entre Lomé et Bonn, une visite d’Etat de Faure Gnassingbé à Berlin où il fut reçu par Angela Merckel, Chancelière et plusieurs visites d’autorité allemandes au Togo. Le comble, c’est la visite, début février dernier, de Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères à Berlin. M. Weiss, encore ambassadeur en a fait un rendez-vous diplomatique d’ovation d’un régime qui pourtant, n’a jamais été aussi contesté à l’intérieur, comme si cet ambassadeur ne vivait pas à Lomé.
Quelques mois plus tard, mi-juin 2014, il était déjà en fin de mission, départ opportun pour de nouvelles relations. Dans la foulée, le Ministre togolais des Affaires étrangères a salué un artisan de relance de relations entre le Togo et l’Allemagne, avant de saluer, au nom des Togolais, « un diplomate chevronné et déterminé« . Aussi bien l’actuelle chargée d’Affaires que la Secrétaire particulière de l’ambassadeur partant, qui sont encore à leurs postes, connaissent bien le Togo. Ils préparent, avec les autres diplomates, la politique générale du nouvel ambassadeur qui devrait faire face à l’élection présidentielle de mars 2015, baptême de feu bien délicat dans un pays où les tensions n’ont jamais été aussi vives. D’un côté l’Eglise catholique, associée aux églises presbytérienne et méthodiste appellent à relancer les réformes constitutionnelles et institutionnelles, de l’autre, l’Union européenne, les ambassadeurs de la communauté (France, Allemagne notamment) se sont associés aux Etats-Unis et au Système des Nations Unis, Pnud, pour fustiger le comportement du gouvernement. Notamment la résistance de Faure Gnassingbé aux réformes. Toutes ces réactions n’ont pas empêché le président togolais de faire un saut en arrière et de ramener, dans le cadre de nominations, plusieurs officiers contestés pour leur passé et leur implication dans des cas avérés de tortures.
Tout porte à croire que la politique allemande reprendra de nouvelles formes avec le nouvel ambassadeur. L’accueil inédit réservé à Jean-Pierre Fabre, le patron de l’opposition togolaise en terre allemande montre que de nouveaux contacts, sans doute plus fiables, sont en train d’être noués. L’opposition a déjà quelques oreilles du côté de Berlin, une source diplomatique a confié à Afrika Express que « Merckel attend de Faure Gnassingbé des actes concrets qui tardent à venir » . Konstantin Voinoff, le responsable Afrique du SPD (Socialiste) a exprimé à M. Fabre « le soutien sans relâche pour le renforcement de la démocratie au Togo » avant d’évoquer, parlant de 2015, « une élection qui ne doit pas échapper aux règles de l’équité ». Le Monsieur Afrique de la CDU, Union chrétienne-démocrate, parti de la Chancelière, Schüller Wenger promet « une réorientation de la politique africaine de l’Allemagne ». Le plus intéressant, c’est la rencontre entre Jean-Pierre Fabre et le Socialiste Martin Schulz, président du Parlement européen, social-démocrate pour qui, « l’Afrique de demain doit être celle des réformes ». Il dénoncera à demi-mot, les mandats illimités. Fabre pourra, tout comme l’opposition, compter sur l’apport allemand pour un scrutin équitable, ce à quoi le chef de file de l’opposition devrait s’atteler, sans attendre.
Blaise Compaoré et les Maçons de l’autre
Compte tenu des conditions déséquilibrées de la présidentielle de 2015, des voix s’élèvent de plus en plus pour demander le boycott. Fabre qui s’est présenté comme « candidat naturel » de l’opposition » est insensible aux appels au boycott. Son parti, l’ANC vient d’ailleurs de l’investir officiellement candidat pendant que Faure Gnassingbé bloque toutes les réformes. Dans l’ombre de la loge, les francs-maçons qui se sont imposés sous le mandat de Faure Gnassingbé somment Fabre de « ne pas boycotter », garantissant ainsi la victoire du président sortant. Aussi bien sur Faure, à travers Denis Sassou Nguesso et autres, que sur Fabre, les loges ont de plus en plus d’influence. Maçon depuis deux décennies, le chef de file de l’opposition est aussi entouré de quelques frères de loge, notamment Isabelle Ameganvi, influente femme au sein de son parti. Le président togolais sortant ayant été très favorable aux loges, des pressions viennent de part et d’autre pour que Jean-Pierre Fabre ne boycotte pas et il ne le fera pas.
Dans la situation actuelle, il ne sera pas possible pour l’opposition de gagner la présidentielle. Non seulement les conditions ne sont pas réunies pour une élection équitable, mais les recommandations de la CVJR ont été écartées et dans la foulée, aussi bien à la Cour constitutionnelle qu’à la Ceni (organe chargé de l’organisation du scrutin), le RPT/UNIR, le parti du président sortant a multiplié des coups de forces pour garder ces institutions sous son contrôle. Il sera difficile, voire impossible, pour l’opposition togolaise, comme toute opposition, de gagner l’élection dans l’état actuel des choses. En faite, elle va gagner cette élection, mais cette dernière sera volée à travers le coup de force habituelle de Faure Gnassingbé et de son clan. Faure Gnassingbé, candidat naturel de la « majorité » présidentielle dispose de tout : les organes impliqués dans l’organisation, la force militaire, des moyens de l’Etat, le ministère de l’Administration, etc, aucune condition de transparence n’existe à ce jour et gagner ce scrutin sera d’autant plus une illusion pour Fabre contre qui une bonne partie des « partis d’opposition » au dessein inavoué se sont retournés. L’incapacité de l’opposition d’avoir un candidat unique aggrave une situation déjà fragilisée par les montages de Faure Gnassingbé. Dans une telle situation et malgré la pression de la Franc-maçonnerie, Fabre n’a aucune raison objective d’aller à l’élection, il devrait exiger plus de réformes. Mais c’est aussi sans compter avec la pression de Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso qui a joué longtemps le rôle de médiateur mais qui aussi, on ne le dira pas assez, « n’a jamais manqué une occasion d’aider financièrement l’opposition » selon le témoignage d’un membre influent de l’ANC et dont nous avons le son.
Coincé entre l’étau et l’enclume, Fabre doit faire le choix du raisonnable et surtout, « éviter que le scrutin ne tourne en bain de sang ». Sur ce, il est attendu ardemment.
cameroonwebnews, 14 Octobre 2014