TOGO : L’impossible réconciliation sous les Gnassingbé

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La réconciliation entre les filles et fils du Togo n’est pas pour demain. Ce n’est pas nous au Lynx qui le souhaitons ainsi mais les actes que pose au quotidien le régime en place qui nous pousse à le croire. Du moins, la réconciliation telle que décrétée par le régime en place n’aura jamais lieu. Il faut attendre un autre rendez-vous et une nouvelle génération de gouvernants de bonne foi pour enfin voir les Togolais se réconcilier entre eux. Celle voulue aujourd’hui par les Gnassingbé et alliés au pouvoir et qui en est d’ailleurs une de mauvais goût ne pourra aboutir aux résultats escomptés. 

La première condition, l’alternance n’est même pas réunie que Faure et ses amis montent sur leur 34 pour inviter les Togolais à la réconciliation.  Il y a des décennies que le Togo est dirigé par les mêmes têtes qui passent le pouvoir à leurs rejetons comme si c’en était d’un héritage. Le président Eyadema est mort en 2005 mais sans le consentement des Togolais,  son fils Faure lui a succédé au trône perpétuant le règne des Gnassingbé. Certains des ministres du père ont des fils aujourd’hui ministres dans les gouvernements formés par Faure depuis sa capture du pouvoir. Il y en a pour qui tout est possible pendant que les autres Togolais sont appelés à végéter dans l’impossible et à broyer du noir sans fin.

  Personne au monde n’accepte serrer la main de ses bourreaux qui continuent à le narguer et à blesser son amour propre. Un bourreau qui refuse de faire amende honorable pour bénéficier du pardon ne mérite pas d’être pardonné. Tous les Togolais ont en mémoire comme si c’était hier, le rôle très néfaste de l’armée pour sauvegarder la dictature sanguinaire des Gnassingbé. Mais au lieu que cette institution de la République reconnaisse ses nombreuses responsabilités et assume, elle verse plutôt dans la provocation et l’arrogance. Après tout, personne n’est invulnérable éternellement.

En tout cas, tous ceux qui se laissent encore prendre au piège de la comédie en cours au Togo et dont l’homme de Dieu Nicodème Barrigah est chargé d’inaugurer les chrysanthèmes, n’auront que leurs beaux yeux pour pleurer. Nous voulons bien que les Togolais meurtris par plus de quatre décennies d’injustices, de déni de droit et de mauvaise gouvernance sur fond de régionalisme dosé, acceptent pardonner à leurs bourreaux mais que ces derniers fassent les premiers pas.

Un régime aussi oppresseur que celui des Gnassingbé et qui plus est boulimique comme il n’est pas permis, ne peut pas demander aux Togolais de se réconcilier maintenant et tout de suite. Personne n’est dupe pour se laisser enfariner. Voici un pouvoir qui concentre tous les leviers de décisions entre ses mains,  distribue à tour de bras les postes les plus juteux à ses affidés et qui n’a que faire des droits de l’Homme mais qui vient solliciter la réconciliation comme si celle-ci était forcée. De la provocation gratuite !

« Qui est fou de qui dans ce pays. D’aucuns aiment aussi naïvement croire que les autres sont cons. Avec tout ce qui s’est passé dans ce pays, le bon sens aurait voulu que le pouvoir actuel crée les conditions minimales d’une véritable réconciliation avant de demander aux Togolais de sauter le pas. Mais à quoi assistons-nous ?  A la provocation et au retour des vieux démons. Dans cette atmosphère malsaine, vous voulez parler de réconciliation ? Elle aura lieu en tout cas avec une nouvelle génération de dirigeants animés de sincérité et d’un esprit patriotique », tempête depuis Lomé Kossi Dansou, jeune chauffeur.

Pour être sincère avec nous-mêmes et les Togolais, nous disons qu’à l’heure où nous sommes, aucune condition d’une véritable réconciliation n’est encore réunie au Togo comme l’a si bien souligné notre interlocuteur ci-dessus. Les exemples dans ce cas sont nombreux. L’actuel Directeur Général de la société nationale de télécommunications TOGOTELECOM Sam Pètchètibadi Bikassam est à son poste depuis 2002. Il boucle ainsi dix ans. Le DG de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) Koffi Kadanga Walla, l’homme qui a occupé des postes ministériels sous Gnassingbé père, reste scotché à la tête de la caisse des travailleurs togolais il y a plus d’une dizaine d’années. Sans oublier le règne sans partage du tout puissant DG de la Loterie Nationale Togolaise (LONATO), Kudjow Koum Pekemsi qui y émarge depuis plus de 18 ans. Pour la petite histoire, ces trois personnalités sont d’une même tribu. En principe, un DG d’une entreprise publique fût-il excellent gestionnaire ou homme intègre, ne peut excéder plus de 15 ans à son poste. Passé ce délai, l’homme finit par confondre l’entreprise publique à la sienne et bienvenue les dégâts. Malheureusement,  c’est le cas de la LONATO où le patron des lieux a déjà battu le record de longévité à la tête d’une société publique. A la LONATO, Pekemsi Kudjow Koum a vite sauté le pas de la gestion patrimoniale embauchant au passage sa belle famille, ses frères et petits cousins de village. Les machines de la LONATO appelées machines TPM prévues pour les jeux sont exclusivement réservées à ces derniers et à leurs proches. Parlant des proches avec lesquels Pekemsi Kudjow Koum file un parfait coton, il faut retenir que les plus privilégiés sont le général Béréna Gnakoudè et le colonel Télou, l’ex mari de la ministre Ibrahima Mémounatou des Affaires Sociales avec qui elle a eu deux enfants, une fille et un garçon. Béréna et Télou sont les plus « chanceux » de la Maison de la Chance Togolaise, la LONATO. Ils ont droit aux machines TPM alors que les autres demandeurs moins chanceux ou pas du tout, sont priés d’attendre leur tour qui ne viendra peut-être pas.

Et puis, au sein de la Fonction Publique togolaise, il y a des intouchables à qui personne n’ose demander aucun compte. Ceux-ci vont au boulot au gré de leurs humeurs mais aux fins de mois, ils sont prompts à percevoir leurs salaires pour l’on ne sait quel service rendu à la nation. Au CHU Lomé-Tokoin, le plus grand du pays, la femme du Colonel Kabia Egbagbam, l’officier en charge de la sécurité des frontières, vient bosser quand ça lui plaît sans que son directeur ne trouve à dire.

Lors des concours officiels, certains Togolais bien nés ne prennent même la peine d’aller composer mais, au moment de la proclamation des résultats, ils sont les premiers à réussir. Et cette pratique qui met hors de lui tout Togolais de bonne foi, se perpétue jusqu’à nos jours. Au Togo et ce, dans un passé très récent, d’aucuns qui ne valaient pas le pouce, ont pu obtenir des bourses d’études pour aller se perfectionner à l’extérieur tandis que les plus méritants étaient obligés de ronger leurs ongles au pays parce qu’ils ne connaissent personne pour les aider. Les exemples de ce genre, nous pouvons les multiplier à loisir.

Pour finir, quelle est cette méthode de gouvernance qui consiste à ne considérer souvent que deux tribus dans la répartition des postes clés au sein de l’administration publique ?   Sur ce plan, nos frères kabyè et ewé sont les plus gâtés.  Il est de notoriété que ces deux ethnies se partagent les plats les plus juteux de la « cuisine togolaise » invitant au passage qui elles veulent à table comme si le Togo était leur propriété exclusive. Pour toute nomination de DG d’une entreprise publique au Togo, le pouvoir en place pense immédiatement à un Kabyè ou à un Ewé. Généralement, lorsqu’un Kabyè est nommé, il a d’office pour adjoint un Ewé et vice-versa. Comme si au sein des autres ethnies (il y a au moins 41 ethnies au Togo, ndlr) du pays, les personnalités compétentes étaient oubliées par Dieu.
Toujours dans ce registre de l’administration publique, il y a lieu de noter que des familles entières y ont séquestré les emplois pour en faire leur chasse gardée. Le père se fait recruter dans un premier temps, la maman suit et pour finir, ce sont les enfants qui y atterrissent aussi comme si le service public était un domaine privé. Dans des administrations publiques notamment Togo télécom et Togocell pour ne citer que ces deux sociétés parapubliques où la gangrène est à son comble, seuls des individus « bien nés et bien appuyés » sont recrutés au nez et à la barbe des laissés pour compte appelés toujours à circuler et à aller voir ailleurs tels des pestiférés.

Les concours d’entrée dans la Fonction Publique ou au sein de l’armée, à en parler encore, l’on risque de piquer une crise de nerfs. Les listes des admis à ces concours sont établies depuis des officines bien connues du pouvoir. Nous avons encore en mémoire le concours d’entrée dans la Fonction publique organisée en 1995 sous la primature d’Edem Kodjo et dont les résultats ne sont jamais rendus publics jusqu’à ce jour. Allez-y savoir pour quelles raisons !

Et si nous ajoutons à cette longue liste de conditions qui militent en défaveur d’une réconciliation, les assassinats politiques, les exécutions sommaires et extrajudiciaires à l’actif du régime des Gnassingbé, il devient évident que le Togo d’aujourd’hui ne peut être réconcilié avec lui-même. Non pas que les Togolais ne veulent pas du tout se réconcilier avec leurs frères mais, ils ne désirent point le faire du bout des lèvres. «Sourire au visage mais au fond de soi, c’est autre chose » ! Cet adage du peuple Ewé du sud du Togo qui exprime l’hypocrisie, les Togolais n’entendent pas en faire sien pour le plaisir de ceux qui les martyrisent sans cesse.
  
Sous le règne des Gnassingbé,  chaque jour que Dieu fait apporte son lot de frustrations, d’injustices et de comportements à la limite de la bestialité.  Les mêmes personnes qui tiennent les rênes du pouvoir depuis des décennies, ont fini par considérer le pays comme leur propriété exclusive. «Ça frustre et fait très mal de voir d’aucuns abuser des biens communs comme il n’est pas permis et au même moment, ils refusent aux autres d’exprimer leur ras-le-bol. Dire que dans ces conditions, l’on vient nous parler de réconciliation. Une provocation de mauvais goût ! » Dieudonné Opékou n’a pas fini de ruminer sa colère et sa frustration. Il faut réagir avant qu’il ne soit trop tard. A cette allure, que l’on ne soit surpris de voir une colonne de jeunes braves armés jusqu’aux dents prendre possession de certains points névralgiques du pays un de ces quatre matins. La frustration grandit et la colère monte. A quand l’explosion ? Que Dieu en préserve le Togo !

Désirée Bigui Lynx.info
 
 

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