Années politiques au féminin, l’Afrique n’en n’a presque plus connues depuis la fin ’50. Le féminisme, une autre trouvaille occidentale désincarnant la pensée a désarticulé l’activisme militant, patriotique, et nationaliste de la femme Africaine. En avant, ont été mises les théories lacrymogènes sur la femme battue, diminuée, déshumanisée.
Et les femmes Ivoiriennes dans tout ça? Si les cinquante dernières années n’ont pas été marquées par une figure combattante aussi majeure que celle de celles qui ont apposé leur marque sur la lutte contre la colonisation, elles ont toutefois vu sortir du lot et discrètement une femme: Simone Ehivet Gbagbo.
Ses empreintes ont apporté du relief aux domaines d’engagement des femmes: social, culturel, journalistique, artistique, scientifique-technologique-ingénierie, ou religieux, mais surtout politique, qui est une soupape d’aération ou d’asphyxie de ces champs de connaissance et d’épanouissement. Dans un contexte croissant de conflit d’intérêts en interaction entre les forces interne et externe, elle a été simplement industrieuse dans ses actions.
Façonneuse de son idéal pour certains, anarchiste selon la lecture borgne et dominante occidentale, Simone ne rentre pas dans le moule du ‘prêt-à-penser.’ Rares sont alors des conférences et/ou colloques, ou ouvrages, consacrés à cette combattante pour dresser un portrait des formes de son engagement et évaluer le rôle qu’elle a tenu dans l’émancipation de la Côte d’Ivoire, ou mettre en lumière la portée de son parcours politique.
Femme Intellectuelle, intelligente, et effacée, elle aurait pu dormir sur ses lauriers patriotiques et militants et profiter de la rente qui en aurait découlé…Tant d’autres l’ont fait avant elle.
Sur ces faits, comprendre Simone Ehivet, oblige que les critiques se déchaussent de leurs lunettes stéréotypant. Ces écailles tombées, Ils pourront examiner pourquoi et comment elle s’est engagée politiquement. Puis s’interroger sur la place jouée par cette femme dynamique sur la scène politique et les arcanes du pouvoir. Ensuite, faire une projection sur le rôle qu’elle pourrait jouer une fois débarrassée des liens de l’embastillement. Et enfin, réévaluer le lien entre engagement politique, civique, et femmes intellectuelles Africaines.
Bien sûr, cette approche permettrait aux analystes et critiques de réduire leurs limites politico-intellectuelles, par des mises en perspectives historiques et/ou des approches transnationales permettant de tracer la trajectoire et les caractéristiques de la lutte de Simone, en parallèle dans un cadre spacio-intemporel avec celles d’autres femmes. Un inventaire comparatif donc.
On pourrait alors, en se rapprochant des faits historiques trouver du Ehivet dans l’engagement de Olympe de Gouges—1748–1793—qui encourageait les femmes à se ‘constituer en Assemblée nationale’; ou dans la résistance de Rosalie Solitude—1772-1802—incarnant le courage des esclaves guadeloupéens—exécutée le 29 Novembre 1802. Un jour après qu’elle ait accouché d’un petit garçon. Crime odieux fut l’œuvre du bataillon du général Richepance, envoyé par Napoléon Bonaparte pour mater la rébellion des anciens esclaves et leur remettre le joug au cou.
Marguerite Johnson, connue sous le nom de Maya Angelou—1928 –2014—, femmes de lettres, actrice et militante afro-Américaine ou Manuela Sáenz Aizpuru connue aussi comme Manuelita Sáenz—1797– 1856—, patriote et révolutionnaire Equatorienne, héroïne de la lutte pour l’indépendance des anciennes colonies Espagnoles et figure de la femme engagée en Amérique Latine, ont toutes un zeste du Ehivet.
Tout près, Winnie Mandela, combattante anti-apartheid, qui, sans elle ‘il n’y aurait pas eu de Mandela’ a du Simone Ehivet Gbagbo. Ramener les faits chronologiquement, Simone Ehivet qui milite pour ‘en finir avec les totalitarismes,’ est le condensé de toutes ces femmes politiques, combattantes, artistes, littéraire,… Les femmes dignes de tous les domaines et de tous les horizons.
Mais ce tableau reluisant ne fait pas de Simone Ehivet Gbagbo une femme sacrée. On a le droit de l’aimer ou pas. D’approuver son combat ou de le rejeter. Cependant, cette femme-mère-politique distant du double discours, dont un est pour l’occident, et un pour les Africains, est l’incarnation des femmes résistantes qui refusent de courber l’échine. Elle est en somme l’héritière des grandes figures Africaines paysannes combattantes, et légataire de celles qui ont un goût affirmé pour les choses de l’esprit. Et qui toutes, prennent position pour des problèmes politiques ou sociaux.
Dr Feumba Samen
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