Analyste géopolitique, il a dénoncé à plusieurs reprise la déstabilisation du Burundi par les pays tiers. Il s’appelle Luc Michel et depuis son arrivée au Burundi, il y a une semaine, il visite les provinces, rencontre la population et découvre ce pays qu’il a défendu plusieurs fois dans ses émissions sans l’avoir foulé. Ikiriho l’a croisé en cours de route ce lundi à Kayanza.
IKIRIHO : Pour ceux qui ignorent qui est Luc Michel, quelques mots sur votre engagement politique ?
Luc Michel : Je suis consultant et panéliste chez Africa Media, avec un parcours en eurasisme, aujourd’hui une idéologie en vogue en Russie. Mais principalement, j’ai un parcours de plus d’un quart de siècle en Afrique, surtout en Libye de Kadhafi, où j’ai été notamment le coordinateur des comités des mouvements révolutionnaires libyens en Europe depuis l’Espagne jusqu’en Russie. Les Burundais me connaissent de la part d’une collaboration que j’ai avec Afrique Media en tant que panéliste et représentant de cette chaîne à Bruxelles et a Moscou.
D’où viens votre intérêt pour le Burundi ?
C’est une longue histoire, que je vais résumer: mon oncle avait une compagnie d’import-export dans les années 1960 qui travaillait avec le Burundi. J’avais autour de 5 ans, et j’entendais souvent parler de ce pays, des Hutus et des Tutsis. Mon oncle et ma tente sont venus en visite à quatre reprise, et ils revenaient enthousiasmés. C’est à la même époque que j’ai découvert le Congo. Le Burundi pour moi a donc toujours fait partie de mon univers. Et quand j’ai commencé a m’intéresser sur la politique en Afrique, je suivais également la politique du Burundi.
Pourquoi avez-vous choisi de défendre souvent le Burundi dans vos analyses ?
C’est parti d’une réaction énergique que j’ai eu sur les plateaux de la chaîne Afrique Media. Vous savez qu’au départ, ce medium était contre Pierre Nkurunziza, en faisait une mauvaise lecture des Accords d’Arusha démentie par la Cour constitutionnelle. Souvent, on attend que les panélistes reprennent ce que diffusent les media occidentaux. Et là, je me suis retrouvé au milieu d’un panel qui peignait le portrait d’un Nkurunziza-Bashir … Je suis intervenu en dernier et j’ai piqué une colère : j’ai expliqué que ce qui se passe au Burundi est une révolution de couleur, que c’était une déstabilisation d’un gouvernement, par ailleurs démocratique et légitime. A partir de là, il s’est développé une grande polémique sur la Afrique Media, et le sujet du Burundi revenait assez souvent. En deux semaines on a fait basculer le public, certains des panélistes m’ont rejoint et on a vu beaucoup de choses changer sur les réseaux sociaux. Mes interventions étaient polémiques et très vigoureuses, parce que je trouvais qu’il fallait défendre ce président et surtout ce gouvernement qui subissait des déstabilisations pilotées par les Américains à travers le Rwanda avec le soutient de la Belgique et des Français.
Vous avez suivie la crise burundaise régulièrement, d’après vous quel sont les issues possible actuellement ?
Auparavant, j’avais vu le scenario de révolutions de couleur classique. Puis, quand ça n’a pas marché, il y a eu le coup d’État. Et quand cela n’a pas marché, on a cherché à saboter les élections. Et puis on est passé aux escadrons de la mort, à partir du mois de juillet 2015. Votre gouvernement est quand même parvenu à stabiliser la situation, puisque toutes les formes de renversement du pouvoir tournent désormais au terrorisme. Cela montre une perte de stratégie qui tienne la route. Et la guerre contre le terrorisme, le Burundi est entrain de la gagner. Vous avez une police efficace, car la police n’est jamais tombée dans le violence, surtout lors du Coup d’Etat. Il faut voir ce qui se passe dans d’autres pays confrontés aux mêmes problèmes, au Congo Brazzaville par exemple …
Il y a aussi le volet diplomatique …
Voila. Il ne faut rien attendre des Nations Unies, rien attendre évidement de l’Union Européenne: les décisions de ces institutions se basent sur des analyses vieilles de plusieurs années. Rien qu’avec l’échec du coup d’État, il était visible que le Burundi a totalement changé, et qu’actuellement il n y a plus des conditions pour un retour à la guerre civile. Pour l’issue diplomatique, il faut se tourner vers l’Union Africaine. Bon, l’UA a essayé de vous envoyer des troupes, mais cela c’était à l’instigation des gouvernements pro-occidentaux. Ceux-là même qui estiment qu’il faut profiter de l’absence de Kadhafi, sans lequel l’UA parait souvent comme un grand corps sans tête.
Je pense que l’institution se cherche sur le dossier burundais, comme sur tant d’autres, avec la présidence prometteuse d’Idriss Déby. Il faut voir la solution du Burundi dans le panafricanisme, car ceux qui soutiennent le Burundi sont essentiellement issus de cette vision. Quand on voit l’irruption de la CPI sur le dossier Burundi, on voit clairement qu’on est dans une bataille panafricaine.
Vous avez visité pas mal de provinces du Burundi: quelle est votre impression ?
La première chose, c’est une impression personnelle de bonheur. Je savais que mes analyses avaient un impact ici. Mais je ne me l’imaginais pas tel que je le découvre ici: des ministres, des députés, des sénateurs, des journalistes, et énormément des jeunes viennent me saluer. Cela me fait énormément plaisir, car les voix comme les miennes sont assez rares dans le concert médiatique dominé les productions mainstream occidentales. Le deuxième constat, c’est la gentillesse des gens, et l’engagement de la population dans la reconstruction du pays. Il y a un vrai dynamisme de développement du pays, avec des routes, des constructions en peu partout et surtout le mélange de la population. Je pense qu’il est temps de laisser votre pays en paix: toutes les conditions du développement existent, une population éveillée, un pays avec un climat magnifique, le pétrole et les minerais … Mais cela explique aussi les sources de vos soucis: si vos dirigeants n’avaient pas donné le pétrole et les minerais aux Chinois et aux Russes, vous auriez eu moins de souci évidement.
Que faire pour combler le déficit de l’image du Burundi dans les médias internationaux ?
Il faut communiquer sur votre pays lui-même, sur l’état du Burundi, sur les routes, sur ce qui se passe au niveau de la population, pas uniquement sur le terrorisme ou la guerre. La deuxième chose, ne perdez pas du temps avec les médias occidentaux, car depuis le départ ils vendent un scenario du Burundi au bord d’un nouveau génocide.Vous pouvez amener ici autant de journalistes occidentaux que vous voulez, et leur montrer un mur blanc: ils vous diront qu’il est noir, ou rouge. Ce qu’il faut faire c’est jouer au niveau de l’opinion publique africaine. Quand le Burundi aura une grande masse panafricaine qui soutiendra la juste position du Burundi, il n’y aura plus tous ces problèmes.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
J’aimerai saluer tout vos lecteurs, et j’aimerai féliciter votre media en ligne qui fait un travail exceptionnel, de contre-propagande contre le Burundi, ses institutions et sa population. Aujourd’hui, la bataille des idées se passe aussi sur les réseaux sociaux, et je constate que vous pouvez inspirer d’autres panafricains sur la voie.
{fcomment}