Côte d’Ivoire. Silence avant la tempête…

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A côté de ses voyages interminables, force est de reconnaitre au nouvel homme fort du régime d’Abidjan, sa propension à faire miroiter aux yeux de ses interlocuteurs, l’image d’une Côte d’Ivoire au summum de sa croissance économique. En somme, une Côte d’Ivoire où couleraient « le lait et le miel ». Personne ne lui en voudrait si cela peut bien lui faire plaisir. Sauf que les ivoiriens ont ce net sentiment que, entre ce qui est dit et ce qui est fait, le fossé reste béant. Voudront-ils se laisser berner pour longtemps encore ? Indices d’un clash inévitable.

« Je leur (hommes d’affaires britanniques) ai dit qu’ADO est un banquier, un financier et un économiste. Je leur ai dit qu’ils pouvaient me faire confiance, parce que j’allais mettre en œuvre mon programme et j’allais apporter de l’argent pour développer notre pays. Je peux vous dire qu’en un an, selon les statistiques du FMI et de la Banque mondiale, nous avons un taux de croissance de 8%. Mieux que tous les pays européens. Il n’y a pas un seul pays en Europe qui a ce taux de croissance. Et très peu de pays en Afrique ont ce taux de croissance. Même pas l’Afrique du Sud ou le Nigeria », assurait Ouattara à des ivoiriens lors de sa visite en Angleterre en marge des jeux Olympiques de Londres.

Tout ceci est bien beau. Mais l’ivoirien s’interroge et s’inquiète. Jour après jour, depuis bientôt dix-huit mois, en proie à un vécu quotidien qui frise la misère. Il s’inquiète et s’interroge sur la cherté de la vie, des prix des produits de première nécessité qui ne cessent de grimper sur les marchés, sauf dans les communiqués du gouvernement.

L’ivoirien entend ce discours laudateur de monsieur Ouattara sur son pays, sur la croissance économique qui connaitrait une véritable embellie sous son règne. Mieux, celui d’une Côte d’Ivoire qui deviendra à l’horizon 2020, un pays émergent, la troisième puissance d’Afrique.

Mais à peine entend-t-il ce discours qu’il reçoit de plein fouet les dures réalités de son vécu. Le panier de la ménagère se vide, avec des incidences fâcheuses sur son repas quotidien. Mieux, on le dépouille, on le rackette, on lui arrache ses biens, même de ce qu’il croit posséder. Mais Ouattara lui dit que son pays a atteint un taux de croissance de 8%. On lui annonce qu’il a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE et que la quasi-totalité de la dette extérieure de la Côte d’Ivoire, son pays, a été annulé par Paris…

Mais lui, l’ivoirien n’y voit que dalle. Aucun changement que sur son salaire, dans ses poches. Il ressent plutôt partout, autour de lui, la misère, sa propre misère, celle de ses concitoyens, des ivoiriens qui se meurent, mais qui gardent malgré tout, le silence comme des otages d’un régime tortionnaire et hostile aux critiques.

On lui demande d’attendre, on lui demande une trêve sociale. Mais lui, l’ivoirien voit autour de lui que ceux qui prétendent travailler pour son bien-être, s’en mettent plein la poche, roulent carrosse et s’offrent des voitures rutilantes, mais que personne n’ose lever le moindre petit doigt, pas même, leur mentor, monsieur Ouattara. Lui, l’ivoirien qui se meurt, à petit feu, quand il n’est pas enlevé, emprisonné, torturé ou encore jeté dans des fosses communes…

« Ne donne pas ta voix à la misère », « Ne donne pas ta voix au chômage ».

Des slogans de campagne d’un certain « ADO la Solution » qui prétendait ainsi, être la « la richesse » et le « travail » pour tous les ivoiriens. Dix-huit mois après, ces slogans ne sont finalement restés qu’à  leur stade initial, c’est-à-dire, des simples slogans de campagne. Constat amer et triste conclusion : ce ne fut qu’un mensonge éhonté et une promesse électorale pour les ignares.

Après avoir longtemps murmuré et chuchoté leur indignation, par crainte de représailles d’un régime dont le caractère dictatoriale n’est plus à démontrer, après avoir pleuré – dans le secret – sur leur dénuement, leur misère et leurs conditions de vie qui se dégradent de jour en jour, des voix se font de plus en plus entendre au grand jour. Des voix, des ivoiriens et des ivoiriennes qui ont décidé – fort heureusement – après avoir découvert la supercherie de la « trêve sociale » – réclamée par le gouvernement de Ouattara – et celle du fameux « forum social » initié par monsieur Ahoussou Jeannot, de crier leur ras-le-bol et leur misère à la face de Ouattara et à celle du monde.

Après donc le secteur de la santé qui donna un signal d’avertissement au gouvernement, c’est au tour du secteur Education-Formation de descendre dans l’arène des revendications, en annonçant une grève de cinq jours, à compter du 19 novembre prochain. On devine aisément qu’à ce stade, les négociations ont bel et bien échoué.

Ce secteur entend par ce acte, contraindre l’Etat à respecter ses engagements financiers à son égard. D’où le bras de fer annoncé. Avec ce secteur qui regroupe plus de la moitié des fonctionnaires de Côte d’Ivoire, on peut dire que le front social entre dans sa phase d’ébullition.

« Respecter ses engagements financiers ». Monsieur Ouattara ne l’entends certainement pas de cette oreille. Lui qui, depuis son accession au pouvoir fait du dénie de la « continuité de l’Etat » son cheval de bataille en voulant, coûte que coûte – mais en vain – « effacer » 10 ans de règne d’un politicien aussi chevronné que Laurent Gbagbo. Car entre un libéralisme sauvage et inique, à cheval entre la frime et la tchatche, un libéralisme qui sacrifie les classes moyennes et les plus démunies au profit des plus riches et un socialisme plus soucieux du bien-être de la masse populaire, les approches ne sont nullement pas les mêmes. Les ivoiriens s’en rendent bien compte à présent.

Bientôt dix-huit mois qu’ils attendent. Plusieurs mois que rien ne tombe dans leurs assiettes. Plusieurs mois qu’ils attendent en vain la pluie de milliards promise. Tout ce temps, qu’ils écoutent les discours élogieux de monsieur Ouattara sur la croissance économique de la Côte d’Ivoire.

Plusieurs mois qu’on leur sert l’arrogance, le mépris, les violations massifs des droits de l’Homme. Plusieurs mois de terreur, pour en rester au stade d’un peuple appauvrit qui doit encore attendre et « faire le sacrifice ».

Entre un Ouattara qui nie les engagements pris par son prédécesseur, pour le bien-être des populations, les travailleurs ivoiriens, au motif qu’ils « ne tiennent pas compte de la réalité », mais qui préfère plutôt donner des coups de peinture et de pioche par-ci et par-là… et des travailleurs ivoiriens, donc des millions de familles ivoiriennes qui réclament avant tout, de quoi se nourrir, se soigner, se loger.., bref, vivre décemment, le clash est quasiment inévitable.

Encore que ces derniers – eux au moins – bénéficient d’une solde mensuelle. Mais que dire de nos parents paysans grugés et appauvris par ceux qui pratiquent en toute impunité des prix iniques sur le fruit de leur dur labeur ? Que dire alors de tous ceux-là qui sont, à ce jour, expropriés de leurs champs, dépossédés de leurs maisons, de leurs biens. Que dire de tous ces chômeurs désabusés, ces jeunes sans emplois, ces victimes de la politique du « rattrapage » ?

Silence avant la tempête.

Marc Micael

Zemami1er@yahoo.fr

 

 

 

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