Seydou Badian : Le Mali a perdu la bataille pas la guerre !

0

 

Dans un entretien à battons rompus avec les journalistes, chez lui, à l’Hippodrome,  l’auteur de «Sous l’orage», soulagé par le putsch du 22 mars 2012, perpétré par le jeune capitaine, Amadou Aya SANOGO, n’a pas raté l’occasion de démonter les défaillances du système ATT qui, en 10 ans de règne, à mis le pays à genoux, faisant du Mali le damné de la terre des hommes.  

Première responsabilité d’ATT

L’acceptation des revenants de la Libye avec les armes. Notre armée était sous-équipée, les effets nous l’ont montré. ATT est chef suprême des armées, deuxième responsabilité. Troisième responsabilité: l’inorganisation de l’armée: certaines garnisons demandent de renfort, qui demandent même des armes, rien. On a égorgé ceux qui étaient isolés à Aguel Hock. Ces situations ajoutées dans d’autres pays, en d’autre temps, le responsable de ces faits mériterait d’être jugé. On ne l’a pas fait. Mais, le désastre, on le voit. Il y a actuellement 170 mille Maliens à l’extérieur. Pour nous, c’est une humiliation. Jamais le Mali n’a été si bas. ATT nous a traînés dans la boue. Nous sommes devenus la risée de nos voisins. Que faut-il faire? Entre temps, le coup d’État est intervenu. Moi, je vous avoue que j’étais pour le départ d’ATT. Je n’aime pas beaucoup les coups d’État parce que j’en ai été victime. J’ai été victime du coup d’État de Moussa TRAORE. J’ai fait 7 ans à Kidal. Mais j’étais pour que la classe politique exige la démission d’ATT et notre histoire suit son cours. Malheureusement, ça n’a pas eu lieu. Et, les officiers-subalternes, les hommes de rang font leur coup. Quelques dirigeants politiques m’ont demandé comment, mais c’est un capitaine qui est à la tête. J’ai répondu: «Mais, ce sont les capitaines qu’on égorgés, ce se sont les hommes de rang qu’on a égorgés. On n’a pas égorgé des généraux, ni des colonels». Et, on ma dit que ceux qui sont aujourd’hui responsables du coup d’État ont vu leurs camarades de promotion égorgés, étriqués. Ils ne peuvent pas attendre, alors que certains dirigeants politiques savaient que les rumeurs de coup d’État circulent dans Bamako. Ils savaient que quelque chose se préparait, ils ont été voir des généraux, des officiers supérieurs pour les supplier de ne pas faire un coup d’État parce que ATT allait partir bientôt. Mais vous savez, en 8 jours, on peut commettre des bêtises; en 8 jours, on peut faire beaucoup; un chef d’État, il peut faire en 8 jours ce qui ne se répare pas en 10 ans. Je considère que les jeunes ont fait ce qu’ils avaient à faire. Mais, il faut essayer de s’en sortir. J’ai entendu les grandes déclarations: la CEDEAO. J’ai entendu quelqu’un parler de réinstaller ATT même s’il faut avec les armes. Ça m’a fait sourire. Mais s’ils l’installent avec les armes, ils vont rester, ils vont nous occuper alors. Parce que pas question de l’installer avec les armes et de tourner le dos, nous laisser. Il faut qu’ils assurent sa sécurité. Alors, ces hommes, ces grandes déclaration martiales, quant nous nous étions envahis, nos enfants égorgés, on n’a pas entendu beaucoup de choses. On n’a pas entendu beaucoup de voix. Alain JUPPÉ est venu, ce qu’il a dit est dans la mémoire de chacun de nous: «Les rebelles ont remporté quelques succès, il faut négocier». En somme, nous sommes en position de faiblesse, il faut qu’on accepte leurs conditions, c’est cela. Je n’ai pas entendu l’Union africaine (UA) faire de grandes déclarations, je n’ai pas entendu la CEDEAO faire de grandes déclarations. Il faut négocier, il faut négocier…Il faut négocier quoi? Ces gens veulent le partage du Mali, ils veulent dépecer le Mali. Et, je suis triste de constater que ceux qui veulent le partage du Mali sont bien reçus à Nouakchott et bien reçus à Ouagadougou. Nous sommes devenus quoi? Nous sommes devenus la risée de nos voisins.

Quid des sanctions internationales et de la CEDEAO?

Dr Seydou Badian: Vous savez, la situation internationale a beaucoup évolué. L’Occident n’est pas le plus riche, l’Occident n’est pas le plus généreux. Mais nous avons des complexes intellectuels. On est tourné comme des animaux qu’on a dressés, qu’on a tournés vers l’est ou vers l’ouest. Mais, le monde est vaste, le monde est immense. Ce qu’on nous refuge ici, on peut l’avoir ailleurs et tout de suite; mais il faut qu’on soit des hommes.

Vous-voulez parler des Chinois?

Seydou Badian: Il  y a les Chinois, il y a d’autres. Les Chinois, pourquoi pas? Il faut qu’on ait l’esprit libre, qu’on n’ait pas de complexe qui nous gouverne. S’ils nous coupent ici, on ira ailleurs. Ils savent qu’ils ne sont pas les plus forts aujourd’hui. C’est tout ce que je dis.

ATT parle consensus entre la junte et la classe politique?

Dr Seydou Badian: Pour le moment, on parle de consensus. Nous ne savons pas ce qu’il veut dire. Je crois que ceux qui pensent que la junte va être vaincue en 48 heures se trompent. Ils commettront des erreurs, des erreurs de départ, mais on ne fait pas ce qu’ils ont fait pour tourner le talon. Parce que un homme a crié à Cotonou, un homme a crié à Libreville ou ailleurs, ils ne partiront pas, c’est des hommes. Quand ils ont fait ça, ils ont pris des risques, ils ont risqué leur vie. Ils ne partiront pas comme ça, ils sont venus pour quelque chose, il faut qu’ils l’accomplissent.

Proposition concrète par rapport à la situation au nord, car les rebelles avancent?

Seydou Badian: Je pense sincèrement que nous avons perdu cette bataille, mais pas la guerre, comme dit l’autre. Parce que les Touaregs, le MNLA, je ne sais pas quoi, ils se trompent. Ça, c’est une guerre. Ça va durer 100 ans, le Mali ne sera pas divisé. Ça durera ce que durera, le Mali ne sera pas divisé. Même s’ils ont le dessus maintenant, nous allons réarmer notre armée, nous allons équiper, sur-équiper nos soldats et nous allons les vaincre. Parce que je ne vois pas qui, quel est l’État qui ouvertement va les aider. Nous avons la possibilité d’avoir les armes, d’avoir ce qu’ils ont ailleurs et on va s’y mettre, ils ne gagneront pas. Ils peuvent gagner une bataille, ils peuvent gagner une phase, mais le reste dépend de nous et le reste, c’est nous qui le gagnerons. Je demande aux jeunes gens de soutenir les jeunes qui ont risqué leur vie pour nous débarrasser de ce système ATT. Je demande qu’ils accomplissent leur tâche et les généraux qui sont à la tête des circonscriptions, il faut qu’ils les enlèvent, il faut détruire le système. S’ils ne le font pas, ils n’ont pas fini leur travail, il faut déraciner le système. Vous savez, nous avons tous commis une erreur: ATT n’était pas fait pour gouverner. Il n’a ni la culture, ni la franchise morale de diriger un pays comme le Mali. Vous vous rendez-compte: «air cocaïne», c’est nous; «ventre mou», c’est nous. Tout tombe sur le Mali, mais nous sommes plus bas que terre. Alors, il faut qu’on corrige tout ça, il faut qu’on redresse, il faut que notre pays ait la tête haute. On dit: «les institutions, les institutions». Vous savez, elles périssent, les institutions pourvu que la dignité, l’honneur de notre pays, notre peuple soient.

Les élections dans un bref délai?

Dr Seydou Badian: Quelqu’un a parlé tout à heure d’un consensus entre ATT  et eux. On va voir ce qui va en sortir. Pour moi, en tout cas, je dis qu’il faut arracher le système. Si on n’arrache pas le système, on n’a rien fait. Il faut arracher le système, prendre le temps qu’il faut pour arracher le système.

L’arrivée de la délégation de la CEDEAO?

Seydou Badian: Ça me fait rire. Qu’est ce qu’ils vont dire? On les connaît, on se connaît. Non, le Mali n’est pas une terre que l’on peut fouler impunément, où l’on peut venir s’amuser. Le Mali n’est pas une terre où on peut venir effrayer: effrayer à droite, effrayer à gauche. Ça ne marchera pas. Nous leur demandons, ce sont nos voisins, ce sont nos frères, qu’ils ne se mêlent pas de nos affaires à ce point. Ils ne peuvent pas nous occuper: ils sont nos voisins, ils sont nos pairs; mais ils ne sont pas nos maîtres. Ils ne peuvent pas occuper le Mali. On n’a pas d’ordre à recevoir d’eux.

Yapi N’guessan Correspondant d’Abidjandirect.net depuis Bamako

Partager

Laisser une réponse