Les leçons de Macky Sall… à la classe politique togolaise

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Quel est ce pays lointain où la classe politique (une certaine classe politique) ne jure que par le VSAT, un système de communication alambiqué, géré par un seul homme, employé du PNUD à Lomé ?
Mais, c’est bien mon pays, le Togo ! Lors de l’élection présidentielle du 4 Mars dernier, certains politiciens, qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, juraient que le seul moyen de confirmer qu’un candidat a gagné est le VSAT !. On a beau leur expliquer que si moi, j’étais candidat (surtout sortant), je donnerais tout simplement cinq (5) milliards de FCFA  à cet employé du PNUD, pour qu’il me déclare vainqueur. Cet agent du PNUD ne gagnera jamais cinq milliards de FCFA jusqu’à la fin de sa carrière restante au PNUD et il sera donc tenté de prendre cet argent. Il le prendra sûrement. Cet agent était un Sénégalais, dans le cas d’espèce de l’élection présidentielle togolaise du 4 Mars 2012…

J’ai suivi de bout en bout la dernière élection présidentielle sénégalaise. Je n’ai pas entendu, ni WADE, ni MACKY SALL et les douze candidats qui l’ont soutenu au second tour, réclamer à cor et à cris un quelconque VSAT. Il n’y a qu’au Togo que des politiciens s’accrochent à ce jouet.
Avec de simples téléphones portables et la présence de tous les représentants de tous les candidats dans tous les bureaux de vote, on peut savoir qui a gagné une présidentielle, quatre heures de temps après la clôture du scrutin…

Mais, il faut reconnaître que le téléphone n’était pas coupé au Sénégal et que l’Armée était d’une neutralité exemplaire…Il faut reconnaître aussi que si le scrutin était à un tour, Abdoulaye WADE aurait gagné et ce serait la faute de l’opposition. Car même si l’élection était à un tour et que les treize candidats de l’opposition avaient fait des primaires et désigné Macky SALL pour porter leur flambeau, ce dernier aurait encore battu WADE avec le même score de 65%. Aux Etats-Unis, l’élection présidentielle est à un tour, mais il n’y a que deux grands partis…

Revenons au Sénégal et à Macky SALL…

Si c’était au Togo, un ancien Premier Ministre d’Eyadema ou de Faure GNASSINGBE ne pourra jamais accéder à la présidence de la République. Tous ceux qui ne voient pas plus loin que la longueur d’un mégot de cigarette vont « gueuler » qu’il est vendu, que c’est un traître à la cause démocratique, et les togolais, plus naïfs que les Sénégalais, n’auraient pas voté en masse pour lui. Le cas d’espèce s’était présenté à l’élection présidentielle de 1993. Tous les services de renseignements donnaient Edem KODJO gagnant, au moins à 55% contre 45% pour le général. La mort dans l’âme, Edem KODJO se retira, laissant le Général seul, sur un boulevard qui porte son nom ! Edem KODJO était tout de même meilleur, sous tous les plans, qu’Eyadema, pour diriger le pays, mais tous les leaders de l’opposition, sous la coupe de l’UFC, l’ont lâché ! En 1993, Eyadema avait déjà bouclé vingt six ans de règne, et cela n’avait pas ouvert les yeux à nos amis de l’opposition.

Macky SALL a été ministre de l’Energie, puis Secrétaire général du PDS, puis ministre de l’Intérieur, puis Premier Ministre, puis Président de l’Assemblée Nationale, tout ceci sous Abdoulaye WADE, et je n’ai entendu aucun des douze candidats de l’opposition à WADE évoquer son passé politique lors de la campagne électorale. Au Togo, ceux qui ne voyaient pas plus loin que la longueur d’un mégot de cigarette disaient que seul Gilchrist OLYMPIO était le seul vrai opposant. Et ce sont ces mêmes individus qui le traient aujourd’hui par tous les noms, même les plus irrévérencieux, en oubliant le rôle assassin qu’ils avaient joué à côté du vieil opposant. Le « seul vrai opposant » vient de leur donner une leçon de réalisme politique, et ils sont abasourdis…
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Parlons de l’élection présidentielle sénégalaise. Si c’était une élection à un tour, Abdoulaye WADE aurait remporté cette élection avec ses 34,5% de votants. C’est pourquoi il est fondamental qu’une élection soit à deux tours, si plusieurs partis sont en compétition. Aux Etats-Unis, l’élection est à un seul tour, parce qu’il n’y a que deux grands partis (les Démocrates et les Républicains), Mais même dans ce cas, il y a toujours des « Primaires », où plusieurs élections primaires désignent les deux champions pour chaque Parti, à leur convention…

L’élection à deux tours n’est cependant pas la panacée. En 1993 et 1998, le Général Eyadema avait dit qu’il avait gagné cas élections dès le premier tour, avec 57% et 52% de votants, je crois. Le problème de fond est donc la transparence des scrutins. Au Sénégal la transparence y est : Facebook, Twitter, téléphone portables etc … Et le Conseil Constitutionnel et la CENI ont joué leur rôle à la perfection. Mais malheureusement, la campagne électorale était émaillée de violence, avec au moins, une dizaine de morts. C’est ici que le Président WADE et l’opposition ont failli faire tout capoter et que Macky SALL s’est intelligemment démarqué de ses compagnons opposants à WADE : au lieu de perdre du temps pour demander que WADE ne se représente pas pour un troisième mandat, il a continué à faire tranquillement sa campagne, en parcourant tout le pays pour faire connaître son programme aux populations sénégalaises, et cela a payé.
Le problème de la  non rétroactivité de la loi (de révision constitutionnelle) s’est posé et WADE avait fait venir une quarantaine de constitutionalistes à Dakar pour trancher en faveur de son droit à se représenter. Et puis, argument suprême, le Conseil Constitutionnel sénégalais a tranché. A partir  de ce moment, le débat est clos, il faut aller sur le terrain et c’est ce que Macky SALL a fait. Il avait une longueur d’avance sur ses amis de l’opposition et les résultats sont là, à l’issue du premier tour. Il faut noter qu’au cours de cette campagne du premier tour, aucun parti de l’opposition n’a dénigré un autre parti de l’opposition. Tous ont adressé leurs critiques contre WADE et contre WADE seulement. C’est n’est pas comme au Togo, où, au cours des législatives de 2007 et de la présidentielle de 2010, les partis de l’opposition se sont fait une guerre sordide, en se dénigrant mutuellement, au grand bonheur du pouvoir. Le slogan favori,lors des rassemblements, étaient le suivant :

« Votez pour nous, ne votez pas pour le Parti-là parce qu’il est un parti satellite du RPT ! »
 
Et au finish, c’est le RPT qui a raflé 50 sièges sur 81 au parlement en 2007 et remporté la présidentielle du 4 Mars 2012…

Pendant la campagne pour le deuxième tour, tous les douze leaders de l’opposition ont soutenu Macky SALL à 100%. La raison principale tient aussi et surtout à la personnalité de Mr SALL. Travailleur infatigable, cet homme intelligent, pondéré, mesuré, efficace, a séduit les sénégalais. Les populations auraient pû passer outre les consignes de vote, si Macky SALL était un feignant, un braillard et un fanatique adepte de l’illusionnisme ou de l’infantilisme politique. WADE a pratiqué l’achat du conscience à grande échelle, selon les organisations de la société civile sénégalaise. Les électeurs ont pris l’argent mais ont voté SALL. C’est comme au Bénin ; vous pouvez distribuer des milliards, le peuple  choisit son candidat en son âme et conscience. Certains politiciens togolais, pour tenter de masquer leur incurie, crient toujours haro sur le pouvoir, pour dénoncer l’achat de conscience ou la distribution des « espèces sonnantes et trébuchantes », chaque fois qu’un adversaire n’épouse par leur point de vue politique souvent. Pour ces politiciens d’un autre âge, ils doivent une fois pour toutes se mettre dans leur « ciboulot » qu’un Président comme Faure GNASSINGBE, que j’ai la prétention de connaître suffisamment, n’est pas homme à distribuer « des espèces sonnantes et trébuchantes », parce que lui, il connaît la valeur de l’argent et sait en faire usage. Il est vrai que ces politiciens fantasment beaucoup sur l’argent parce qu’ils n’ont jamais eu la chance d’en avoir eu suffisamment dans leur vie. Je conseille à ces politiciens d’éduquer plutôt leurs électeurs (c’est le rôle premier d’un parti politique) pour que, même si on leur donne des « espèces sonnantes et trébuchantes », ils votent selon leur âme et conscience. A ces politiciens « fantasmeurs » je voudrais raconter cette anecdote béninoise :

Un candidat à la présidentielle béninoise, qui avait fait plusieurs décennies en Europe, est arrivé, avec son épouse expatriée sur le terrain. A chacun de ses meetings, il y avait foule, beaucoup d’applaudissements et d’encouragements, et l’épouse blanche distribuait l’argent sans compter jusqu’à épuiser … 250 millions de FCFA. A la proclamation des résultats, le pauvre n’avait obtenu que …23 (vingt trois) voix ! En pleurs, l’épouse blanche tempête, s’arrache les cheveux, invective tout le monde. C’est son beau-père qui la calme et lui explique tout, en lui disant ceci : « Séchez vos larmes, ma fille, ici au Bénin, on assiste à tous les meetings massivement, que le candidat donne de l’argent ou non. Mes cinq enfants et moi avons voté pour ton mari, ce qui fait six (6) voix, plus ta voix et celle de ton mari, ce qui fait huit (8). Puisque ton mari n’a obtenu que 23 voix, cela veut dire que seuls quinze (15) béninois ont cru à ton mari, en dehors de notre famille. Il faut faire le deuil de vos 250 millions. »…

Cette histoire vraie doit instruire nos hommes politiques et les inciter à mettre l’accent sur le terrain électoral à quadriller, méthodiquement et intelligemment. C’est ce que j’avais expliqué dans mon article électrochoc, « Si j’étais Jean Pierre FABRE », dans lequel j’exhortais le perdant de l’élection du 4 Mars 2010, avec 33% des voix, à adopter une attitude pragmatique et à quadriller le pays pendant cinq ans encore, pour gagner en 2015. Mais Monsieur FABRE et ses partisans ne m’ont pas compris et continuent à quadriller la plage de Lomé tous les samedis. Pourvu que ça marche…
La plus affligeante des preuves de l’incroyable naïveté de la  classe politique togolaise  nous a été donnée récemment par Mr Patrick LAWSON, 1er vice-sécretaire général de l’ANC, et Président du cadre de discussions RPT-CAR-ANC : il avoue dans une interview, dans un journal de la place, que l’ANC a proposé de « tirer au sort », l’ordre de discussion des neuf points à l’ordre du jour des discussions ! Pourquoi des partis  présents au parlement ne posent-ils pas carrément les problèmes au Parlement, sous forme de projets de lois, au lieu de s’amuser à vouloir tirer au sort des sujets vitaux pour notre démocratie ?

Pourquoi ne pas privilégier plutôt un référendum populaire, par exemple, au lieu de perdre votre temps sur des sujets débattus et rabattus par le CPDC N°2 et le CPDC rénové ? Avec près d’une dizaine de thèmes sur votre agenda de discussion, l’année 2012 s’achèvera sans que vous ayez débattu de 3 ou 4 sujets !
Toute cette pagaille résulte du fait que la classe politique togolaise ne veut jamais se mettre ensemble (je parle bien sûr surtout de l’opposition) comme au Sénégal, pour faire des choses sérieuses…
 
CAR et ANC, comme vous êtes «  les légitimes », déposez rapidement un projet de loi de révision constitutionnelle à l’Assemblée Nationale ces jours-ci et vous verrez si le RPT veut vraiment faire des réformes constitutionnelles et institutionnelles où si le parti au pouvoir vous « roule encore dans la farine » ou vous « tourne en bourrique » comme l’a dit une fois l’ex-Honorable Isabelle AMEGAVI… Vous n’allez pas tout de même « vous faire tourner en bourrique » à chaque fois .. à moins que vous n’aimiez…

 Macky SALL a donné des leçons de pragmatisme politique à ses amis de l’opposition sénégalaise. Il a refusé de battre le pavé à Dakar pour demander à Abdoulaye WADE de ne pas briguer un troisième mandat. Il a misé sur la conquête du terroir et il a gagné. Il a donné des leçons de pragmatisme et de sagesse à la classe politique togolaise et à l’opposition surtout. Quitte à celle-ci de comprendre la leçon !

Macky SALL a donné aussi une leçon de politique à FAURE GNASSINGBE : il a nommé un gouvernement de 25 membres, pour un Sénégal deux fois plus peuplé que le TOGO. J’avais proposé au Président, dans une lettre ouverte, un gouvernement de 15 à 20 ministres, au lieu des 33 ministres actuels, soit un gouvernement pléthorique équivalent à… trois  équipes de football ! 
 
Dr IHOU

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