Dans sa livraison du 23 avril 2013, le journal français la Croix titre: «Profil bas pour les proches de GBAGBO au Ghana ». L’article recueille, sous la plume d’Olivier MONIER, son correspondant à Abidjan, des propos de personnalités proches du Président GBAGBO, puis en fait une analyse qui réduit leur exil au dénuement, la peur et à la nostalgie. Cette mise au point, en se fondant sur l’histoire et l’expérience française veut montrer aux ivoiriens l’autre aspect de l’exile, pour atténuer le poids de la Croix de désinformation de plus en plus lourde à supporter, et toujours plus rouge de leur sang.
L’exil n’est pas une fatalité. Qui plus que Charles de Gaulle le saurait. En exil à Londres, Il lança un appel à la résistance française le 18 juin 1940, sur les ondes de la BBC. Si on ne peut affirmer que l’appel d’un Général en fuite a fait gagner la guerre aux alliés en 1945, on peut dire sans se tromper qu’il en a créé les dispositions aussi bien psychologiques que matérielles en France.
L’exil est un repli intelligent qui exprime d’abord un refus de la guerre, tel celui du Dallai Lama Tibétain, et ne saurait s’analyser en terme de peur. La sereine retenue des autorités ivoiriennes en exil répond au devoir de réserve de l’exilé politique.
Le Général De Gaulle, s’il avait l’amitié de Winston CHURCHILL, qui lui permit dès 1940 d’utiliser la radio nationale anglaise pour lancer son appel, il s’est heurté fréquemment à l’incompréhension de F. D. ROOSEVELT, le président Américain qui lui reprochait un nationalisme fougueux peu stratégique. Imaginez avec moi la solitude d’un général, privé de ses armées en terre étrangère, dont les scrupules n’arrivaient pas à convaincre le géant américain à ouvrir un front à l’ouest, malgré les médiations de CHURCHILL et les insistances de STALINE. Qu’est ce que ce De GAULLE, descendu de son piédestal comme nous, répondrait à une question sur l’état de son combat ? Peut être dirait-il: « Le combat continue grâce aux bonnes volontés Anglaises ». A une question similaire posée par votre journaliste, nous avons donné une réponse voisine de celle que nous prêtons à De GAULLE par bon sens.
Mais hélas, sortir du conteste des bribes de phrases, les agencer à dessein de produire l’effet sémantique contraire, n’induit pas à s’interroger sur la vérité des propos avancés, mais plutôt sur le degré de contrefaçon. Ceux qui sont sans avenir comme le prétend votre expert, ne sont pas les exilés politiques d’Accra. Mais bien plutôt le journalisme patriotique, parce que depuis toujours aveuglé par son militantisme, il ne peut voir dans notre effort pour rompre les chaînes qui nous rivent à la domination française, une œuvre collective de l’humanité. Et pour cela, il crée de toute pièce par le mensonge et la zizanie, des rivalités inconciliables d’intérêts, dites ethniques. Après deux ans de vie seulement à Abidjan, lui aussi est expert sur la Côte d’Ivoire, pour écrire à contre courant, un article de soutient hors contexte, au milieu d’une actualité mondiale désillusionnée par les dérives totalitaires de OUATTARA.
C’est un De GAULLE conciliant, rabaissé (du moins devant le président ROOSEVELT) et aidé par la conjoncture politico-militaire, qui reçoit enfin l’opération OVERLORD en juin 1944 en la forme d’un débarquement en Normandie, opération militairement inconcevable pour HITLER.
En parlant des personnalités ivoiriennes en exil, il faut parler avec l’humilité qui sied à notre condition humaine. De GAULLE pouvait-il prévoir que ses demandes formulées plutôt pouvaient avoir une réponse favorable quatre ans après ? Qui êtes vous pour connaître infailliblement le future des peuples ? Vous êtes peut être réalistes.
Mais l’appel lancé par De GAULLE, dont vous êtes aujourd’hui les lointains bénéficiaires ne l’était pas. Si peu qu’il fut digne de crédit, cet appel lancé très tôt dans la guerre, au mépris du mythe de l’invincibilité allemande, bouillait d’un nationalisme contagieux ; qui exaltait la supériorité des liens imprescriptibles unissant les français à eux-mêmes, au dessus de la technique, des panzers (chars), la blitzkrieg (la guerre éclair), et tout ce qui les soumettait à la domination étrangère. Qu’est ce qui motive donc votre pessimisme pour les exilés ivoiriens ?
Heureusement que l’histoire ne vous exauce pas toujours. F. MITTERAND, alors Ministre de l’intérieur français en 1954 assenait: « aucun pouce de l’Algérie ne sera cédé, l’Algérie reste française, L’Algérie, c’est la France ». Mais nous savons aujourd’hui, que l’Algérie, c’est l’Algérie.
Laisser penser, qu’un ancien ministre, parce qu’il choisit délibérément la marche comme moyen de locomotion, est le signe d’une faillite, c’est tristement méconnaître les recommandations thérapeutiques modernes, mais surtout ignorer l’histoire française en Indochine.
L’armée de HO CHI MIN, sous le commandement du Général GIAP, qui défit la grande France dans la cuvette de DIEN BIEN PHU en 1954, avait parcouru plus de 100 Km à pied pour transporter à dos d’hommes tout le dispositif militaire pour l’assaut final. Marcher n’est donc pas une malédiction, particulièrement quand c’est le résultat d’un choix délibéré.
Enfin, trouver une faiblesse même dans la nostalgie qu’éprouvent les exilés, c’est-à-dire, dans leur besoin naturel de retrouver leur patrie, est symptomatique d’une pathologie dont ne doit souffrir aucun journaliste. C’est peut être par simple nostalgie que DE GAULLE a lancé son appel à la résistance.
Comme par coïncidence, votre nom évoque le christianisme, tout en insinuant plutôt la croix gammée nazi, sachez que Moise, chassé d’Egypte, a connu l’exil; David aussi, à cause de son fils ABSALONE, Jésus nous a précédé en exil an Egypte parce que Hérode était fort; le peuple juif a connu l’exil; et de nombreux français, à cause de la deuxième guerre mondiale. Mais la belle leçon de l’exil, c’est que nul ne reste en exil. Une note d’espoir pour les Palestiniens, les Tibétains et bien sur, les ivoiriens.
Aurélien Z. SERY (Politologue-Juriste exilé)