Simone Ehivet Gbagbo, figure emblématique féminine de la lutte politique Ivoirienne et Africaine contre l’impérialisme, et pour la souveraineté du continent, a été condamnée “à l’unanimité” le 10 Mars 2015 après plus de neuf heures de délibération, à vingt ans de prison pour “attentat contre l’autorité de l’État, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l’ordre public.” Verdict énoncé par le juge Tahirou Dembelé.
Femme puissante qui n’a peur de rien, critiquée, défendue, et admirée, elle n’a pas tremblé après ce verdict. Au contraire. Elle a accusé le choc sans émotion palpable. Normal. Elle n’est pas de cette espèce qui pleurniche sur son sort. Se donner en sacrifice son peuple est plus important que sa vie.
Héroïne aux Mains Nues
Bannie, déportée, placée en détention solitaire, isolée, brutalisée et humiliée, cette héroïne de la résistance a vécu ce qu’aucune autre femme Ivoirienne pendant la période post et peut-être précoloniale, n’a expérimenté. Cette souffrance pour l’indépendance réelle de son pays auraient suffi à payer à l’avance, et largement, pour tous les crimes bien que fictifs qu’on pourrait lui reprochés.
Mieux, militante dès le début de ses études, puis politique avertie, œuvrant contre les discriminations, aussi bien politiques que sociales, la “Maman” de la nation Ivoirienne a “toute [sa]vie, lutté pour la démocratie, pour l’alternance par les urnes.” Avait-elle instruit les juges iniques de la Cour d’Assises— comparaissant une nouvelle fois depuis le 31 Mai 2016 après 2014-2015 pour “crimes contre l’humanité,” “crimes contre les prisonniers de guerre,” et “crimes contre les populations civiles” pour son rôle dans le dénouement du coup d’Etat de 2002-2011.
Sans s’arrêter à mi-parcours, elle apporte une précision de taille. “Les armes, ça n’a jamais été mon chemin.” Puis briser le bec de ses détracteurs qui lui attribuent leur ascension à la magistrature par voie de violence armée. “On n’a pas pris les armes pour arriver au pouvoir en 2000.” Avait-elle assenée à ces falsificateurs de l’Histoire.
Autant elle n’a jamais flirté avec les armes, autant, elle n’a jamais radicalisé son discours, comme Dominique Ouattara Nouvian pour qui, il était important pour leur couple de passer par tous les moyens pour s’accaparer du pouvoir. “Même s’il doit y avoir 100 000 morts,” avait-elle juré, “nous prendront le pouvoir.” Son époux fit la même promesse mortifère. Parlant du régime de Bédié en 1999, il dit, “Quand Je frapperai ce pouvoir moribond, il tombera. Et le 31 Décembre je viendrai passer la fête de la St Sylvestre à Abidjan/”. De la parole à l’acte, il frappa, le régime tomba, et il fêta en fanfare la St Sylvestre à Abidjan. Par la suite, il déclara à Odienné, “les Ouattara font toujours ce qu’ils disent, j’avais dit que je frapperai ce pouvoir.” Finalisant leur projet funeste de prendre le pouvoir dans le sang, ils ont marché sur un tapis de plus de 25000 morts et y sont parvenus. Malheureusement, ils sont toujours rejetés par les Ivoiriens et les Africains. Les vrais! Et n’en déplaise.
La dame courage, le dit avec les mots d’une précision chirurgicale au procès de la haine ouvert en fin Mai 2016. “La violence, ce n’est pas moi. En Côte d’Ivoire, on sait qui a introduit la violence. On sait qui a introduit les loubards en 1990, on sait qui a dit qu’il frappera ce régime et il tombera, on sait qui a dit qu’il n’attendra pas cinq ans pour arriver au pouvoir. C’est Alassane Ouattara.”
Les Armes C’est pas Moi…C’est Ouattara
Ces propos se vérifient. En Septembre 2005 s’adressant aux chefs de terre à un meeting à Séguéla pour être informés sur la rébellion, l’analphabète-dozo-rebelle Koné Zakaria déclara, “Tous ceux qui trahiront la politique d’Alassane Ouattara auront une fin tragique et IB–Ibrahim Coulibaly–le sait très bien. Si vous supportez le MPCI–Mouvement Patriotique de Côte D’Ivoire–, ne le faites pas pour Zakaria ni pour IB, ni pour quelqu’un d’autre, sinon pour celui qui a acheté nos armes, c’est-à-dire Alassane Dramane Ouattara… Lorsque nous étions en exil, …Il nous apportait régulièrement du riz et la somme de 25 millions de francs par mois… Je vous demande de nous soutenir car c’est pour Alassane que nous avons pris les armes.’’
C’est donc à raison que Simone Ehivet a indiqué à la Cour d’Assises constituée pour la condamner, la graine de malheur de ce pays. “Celui qui a pris le pouvoir par la force, c’est Alassane Ouattara.” Elle ajoute, “il a fait appel à l’étranger pour faire la guerre. Donc, ce débat [son procès]a lieu parce qu’un candidat a pris le pouvoir par la force.”
Mais la haine a les crocs solides pour coincer sa victime. Surtout très acérés pour déchirer Simone Ehivet. Il est clair, cette femme, pas à l’image du préconçu machiste ou féministe dérange. D’abord dans “sa propre famille politique,” comme l’a indiqué Théophile Kouamouo “où elle fait de l’ombre à bien de personnes” affirme Henriette Ekwe, journaliste engagée Camerounaise. Le camp impérialiste et ses suppôts, lui mènent la bataille de lâche, utilisent l’arme de la justice des pouvoirs politiques dictatoriaux “sans doute” parce qu’ils sont “incapables de la combattre politiquement.” Analyse la politologue et femme –politique Camerounaise Marie Louise Etéki Otabela.
Simone, Toujours au Front
Simone qui, pendant des décennies a été à l’avant-garde du combat des femmes politiques contre les systèmes dictatoriaux en Côte d’Ivoire n’a pas quitté le front. D’une accusation à l’autre, elle est soumise à l’épreuve d’un procès marqué par “une enquête incomplète” et des “manquements à la procédure criminelle.” Des lacunes qui ont obligé les organisations de défense des droits humains représentant des victimes à exiger non seulement comme elle, des preuves à l’appui de leurs accusations, mais à bouder le procès que les rampants de la France ont maintenu.
Le destin de Simone serait-il d’être traînée d’un procès à l’autre? Destin ou simple haine humaine, cette femme de lutte n’a jamais considéré la foudre des hommes comme un acte injuste tant que cela pourrait aider à faire connaitre ses idéaux politiques et faire avancer sa cause. La cause nationale.
Comme pour montrer que même derrière les barreaux tout est possible pour une combattante, elle continue de faire vivre son combat. Ainsi, elle a le 6 Mai 2016 salué, face au juge-missionnaire Bouaki Kouadio et son équipe, le “combat aux mains nues” mené par Charles Blé Goudé, président du Congrès Panafricain des Jeunes et des Patriotes–COJEP–pour “permettre aux Ivoiriens de parler ensemble” dans un contexte de crise politico-militaire. Développant son argumentation, elle a montré que Blé Goudé a “fait un bon travail” pour la paix en Eburnie. Notamment à travers ses “tournées” à “l’intérieur du pays,” et ses “meetings” au cours desquels ils invitaient les éléments de la rébellion qui ont sinistré la Côte d’Ivoire.
Sans être handicapée par ses chaînes, elle a, face à ses bourreaux-exécutants le 7 Juin 2016 appelé depuis le palais de justice, à la mobilisation pour sauver la constitution et se réapproprier de la souveraineté nationale. “La côte d’Ivoire ayant été attaquée,…nous avons estimé et nous estimons encore aujourd’hui qu’il est important que tous les Ivoiriens se lèvent et se mobilisent. On sollicite les Ivoiriens dans leur totalité, dans leur intégralité pour se lever et se battre pour que la souveraineté de la Côte d’Ivoire qui lui a été arrachée lui soit restituée.”
Ce même jour, contre un avocat de la partie civile butor, discourtois, malappris, mal embouché, irrévérencieux, et menteur sur les faits, Simone qu’on ne désarme pas, demande au juge-président s’il est possible dans sa position d’accusée de “porter plainte” pour “diffamation.” La femme-courage interroge. “Est-ce que dans ma position actuelle–d’accusée–, j’ai le droit de porter plainte pour diffamation contre un avocat de la partie civile ?” Afin d’évacuer les “accusations très graves” et “fausses” portées contre elle et qui pourraient comme une empreinte, marquées “l’esprit des membres du jury…alors que tout est faux.”
Victoire sur sa Propre Vie
En exposant l’arbitraire et en permettant de découvrir que certains acteurs de la partie adverse sont des menteurs, ces Assises ont fini par convaincre que Simone est un phare. Et tout le monde sait que “les phares ne sillonnent pas les îles en courant à la recherche de bateaux à sauver; ils se contentent de se tenir droit et de briller” écrit l’écrivaine Anne Lamott. Bien qu’en prison, incapable d’aller d’un port à un autre, pour sauver le bateau Afrique, en prêchant sur l’indispensable libération économique et politique, sur l’impasse des négociations avec le système colonial, acteur du déluge Africain, elle a néanmoins répandu la conviction qu’on ne peut plus faire taire les Africains. Une satisfaction que justice a été rendue.
Son refus de demander la moindre amnistie montre combien, elle tient maintenant à porter depuis la prison, son combat et son message à la nouvelle génération. Un message qui pourrait se résumer à, “continue de te battre. Ne cède point.” Son combat qui marque déjà les consciences indique qu’elle a déjà remporté une autre victoire. Une victoire sur sa propre vie. Celle de la mémoire. Une mémoire qui va permettre à de très nombreuses jeunes femmes en Afrique et en occident, de se pencher sur l’histoire de son combat contre l’impérialisme Français en Côte d’Ivoire et en Afrique.
La voix qu’Alassane Ouattara croyait embastiller, porte toujours et plus haut.
Dr Feumba Samen
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