« Le côté utile de l’adversité, c’est qu’elle nous sert à distinguer les faux amis des véritables amis » (Auguste de Mabouïsse-Rochefort)
La communauté internationale est une association de pays occidentaux qui cherche la défense des intérêts économiques des pays membres. Elle n’existe que de nom et sa composition dépend des intérêts en jeu. Elle prend des formes différentes selon les époques. Elle dit régulièrement défendre les petits contre les puissants et exiger le droit partout dans le monde. C’est ainsi qu’elle intervient très souvent dans les pays en développement pour exiger la justice. Après la décennie de crise militaro-politique en Côte d’Ivoire, il était question d’établir les responsabilités dans cette crise afin d’éviter d’autres jours sombres au pays. Mais cette communauté internationale fait plus de mal que de bien en Côte d’Ivoire. Tel est le sentiment que nous partageons dans ce texte.
La source des maux de la Côte d’Ivoire
Depuis la mort du président Félix HOUPHOUËT BOIGNY, la Côte d’Ivoire, notre pays, reste un pays fragile. Deux événements majeurs sont passés par là : il s’agit du coup d’État militaire de décembre 1999 et la rébellion de 2002.
Le point de départ de cette crise demeure la guerre de succession entre les héritiers du père de la nation. Pour leur gloire personnelle, la classe politique a tourné le dos aux préoccupations des populations, optant pour le partage du pouvoir et des richesses du pays. Le concept “d’ivoirité” élaboré par Bédié visait intuitu personae Alassane OUATTARA, ancien Premier ministre d’HOUPHOUËT-BOIGNY. Bédié a lancé un mandat d’arrêt contre Ouattara en 1999 pour l’écarter du jeu politique. Après sept années au pouvoir, Bédié est renversé par un coup d’Etat militaire, dirigé par le général GUEÏ Robert. Lui également n’a pas été intègre et juste comme promis. Lorsqu’il s’est agi de rédiger une Constitution et un code électoral, tous les Ivoiriens se sont livrés à une véritable foire d’empoigne pendant de longues semaines. Pinaillant à satiété sur des conjonctions de coordination au lieu de chercher à s’entendre sur un texte conciliateur.
En 2000, lorsque Laurent Gbagbo arrive au pouvoir mais le forum de réconciliation n’a pas pu enterrer les démons de la classe politique. Certes Bédié et Ouattara sont rentrés de leur exil parisien pour participer à cette messe de la paix, mais ils se sont tous exilés dans leurs certitudes. Laurent Gbagbo va à son tour subir la colère d’une rébellion dirigée par Soro Guillaume, l’actuel Président de l’Assemblée Nationale. Les Ivoiriens espéraient sortir de cette crise politique et sociale au soir du 28 Novembre 2010 mais les constitutionalistes et les organisateurs des élections ont failli à leur mission. Finalement la Côte d’Ivoire a compté ses morts en quantité industrielle.
La communauté internationale a perdu la raison
La communauté internationale a été appelée à jouer un rôle d’appui au processus électoral de sortie de crise ; mais, il ressort des pressions exercées sur Laurent Gbagbo pour quitter le pouvoir, qu’elle avait visiblement choisi son vainqueur, au mépris du respect des institutions ivoiriennes ainsi que des règles prévues par le Code électoral et la Constitution de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, son incapacité à aider les Ivoiriens à se réconcilier montre bien qu’elle a perdu la raison. Si la justice consiste à dire le droit, mais aussi et surtout de chercher la vérité, alors il est possible d’affirmer que la communauté internationale a décidé d’hypothéquer l’avenir de la Côte d’Ivoire. Elle peine à rétablir la vérité.
Aujourd’hui les amis de Laurent Gbagbo croupissent dans les prisons ivoiriennes pendant que les responsables des tueries de Duekoué sont en liberté. Blé Goudé est injustement à la Haye pendant que les ex-rebelles sont en liberté en Côte d’Ivoire. Entre celui qui revendique avec les armes et celui qui le fait avec les mains nues, les Ivoiriens voudraient savoir qui a fauté ? Les Ivoiriens ne comprennent pas pourquoi Soro Guillaume et ses amis ne sont pas inquiétés ? Et pourtant la chaîne française France 24, dans un reportage reconnaissait que les ex-Forces nouvelles devenues Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont commis des crimes très graves à Duekoué, pour ne citer que ce cas horrible. Ce sentiment de justice à géométrie variable commence par exacerber la Côte d’Ivoire profonde. Elle est silencieuse mais sa colère reste vivace.
La réconciliation exige que tous les responsables politiques rendent des comptes
La Côte d’Ivoire va très mal malgré le soutien massif de la communauté internationale pour aider le Président Ouattara. La raison est simple : un peuple divisé ne peut pas construire un véritable développement. Après près d’une décennie de crise militaro-politique (2002-2011), la fracture sociale est réelle et la réconciliation reste le socle d’un nouveau départ. En effet, la réconciliation entre peuples, entre communautés ethniques ou culturelles, est sans doute la condition majeure pour une paix durable. Mais en Côte d’Ivoire, la communauté internationale a pensé que les pluies de milliards pouvaient réconcilier les Ivoiriens même si on déportait Laurent Gbagbo, Blé Goudé et les autres à la Haye.
En Côte d’Ivoire, nous avons tous péché et sommes coupables de ce qui est arrivé à notre pays. Sur le banc des accusés, les hommes politiques sont au premier rang. La communauté internationale pourrait aider la Côte d’Ivoire en libérant simplement Laurent Gbagbo et les autres afin de réconcilier les Ivoiriens pour qu’ils apportent tous dans leurs diversités, leurs forces à l’effort de développement. Cette façon de prescrire les règles d’une démocratie à minima n’est plus acceptable. A force de jouer avec les principes et de pratiquer la règle du deux poids, deux mesures, la communauté internationale détruit au lieu de construire les pays.
Mais dans cette œuvre machiavélique des occidentaux, ce sont les politiciens traîtres et collabos qui auront les larmes aux yeux. L’histoire a toujours démontré que ces traîtres finissent dans la honte. Jonas Savimbi a été lâché par ses amis occidentaux avant d’être humilié en Angola. Mobutu Sessesseko a été un fidèle serviteur des occidentaux avant de mourir comme un esclave au Maroc. Oumar Bongo a été la marionnette de la France avant sa honteuse mort en Espagne. Blaise Compaoré a été l’instrument de la France au service du désordre en Afrique de l’Ouest avant sa chute humiliante.
Le continent africain n’est pas libre. Les indépendances ont été octroyées par les colonisateurs à leurs amis politiques dans les pays colonisés. Elles se sont faites aux dépens des nationalistes visionnaires qui, pour la plupart, ont été écartés du pouvoir, sinon physiquement liquidés. Ces indépendances taillées sur mesure ont surtout servi à préserver les vieux liens de vassalité et à renforcer l’intégration des anciennes possessions coloniales dans l’espace économique des anciennes métropoles ou à nouer des relations de sujétion avec de nouvelles puissances à visée impériale. Mais il revient aux dignes fils de ce continent, de travailler au salut des Africains. Ceux qui acceptent les compromissions et la monnaie sonnante et trébuchante pour retarder le développement du continent sont simplement des traîtres et méritent la colère du peuple.
Conclusion
Depuis 2011, les Ivoiriens reconnaissent au fil du temps les ennemis de la Côte d’Ivoire. Les commanditaires externes et internes sont démasqués. Les futures élections présidentielles seront l’occasion pour les Ivoiriens de faire le choix, entre ceux qui défendent les intérêts des étrangers au détriment des nationaux, et ceux qui, dans la douleur défendent les siens.
Prao Yao Séraphin