Abengourou, Abidjan (Yopougon, Akouédo), Agboville, Toulepleu, Moossou, Dabou, Grand Lahou, voici des localités qui, en moins de deux semaines, ont reçu la visite d’hommes armés. Il ne s’agit pas de visites ordinaires de gangsters (chose courante en Côte d’Ivoire), mais plutôt d’attaques armées orientées contre des cibles militaires bien identifiées. Ces attaques qui risquent de se répéter, inquiètent les populations d’autant plus que lors de chaque attaque ces personnes non identifiées récupèrent une quantité non négligeable d’armes et de treillis militaires. La population dans son ensemble s’interroge. Pourquoi de telles attaques et qui en sont les auteurs. A cette interrogation, le pouvoir répond invariablement qu’il s’agit de miliciens pro-Gbagbo qui ont décidé de créer le désordre. Mais au fur et à mesure que nous avançons, nous nous rendons compte qu’en fait, les pro-Gbagbo ne sont comme toujours que le bouc émissaire. La vérité se trouve ailleurs. En effet, la seule personne qui, à nos yeux doit être considérée comme responsable de ce chaos qui se généralise est bel et bien l’actuel chef d’Etat Alassane Ouattara. En quelques mois,Il a réussi par sa vision étriquée de la politique et sa gestion du pays, à détruire le climat social qui était déjà fragile.
Sa vision politique
Deux de ses célèbres phrases résument à elles seules, l’idée qu’il se fait de la politique. En effet, le Président Ouattara, du temps où il était opposant avait affirmé « ce pouvoir moribond je le frapperai, il tombera et je rentrerai à Abidjan à la fin de l’année ». Le quotidien Le Patriote (Journal pro-Ouattara), dont l’actuel Ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko fut l’un des Directeurs de Publication, avait affiché à sa Une du Lundi 13 Septembre 1999 « Nous frapperons ce pouvoir au bon moment et il tombera ». Et comme annoncé ou par pure coïncidence, le pouvoir du Président Henri Konan Bédié tomba le 24 Décembre 1999 et le Président Alassane Dramane Ouattara rentra comme prévu en Côte d’Ivoire. Il avait même dit qu’il rentrait en qualité de Président de la République. La junte au pouvoir avait été obligée de rectifier les choses
Sa deuxième phrase pourrait expliquer l’état de pourrissement actuel de notre pays. Il avait dit un jour : « Je rendrai ce pays ingouvernable » effectivement pendant dix ans le pays a été handicapé, obligé de vivre avec une partie du territoire aux mains de bandes armées, lesquelles ont combattu pour le Président Ouattara durant la crise post-électorale. Voici donc deux phrases qui traduisent la vision politique du Président. Il s’agit d’une politique qui a à sa base la violence donc l’utilisation des armes. Pendant dix ans les ivoiriens ont été nourris à la sève de cette violence les poussant à réaliser qu’au bout des armes, se trouve le salut, l’enrichissement et, qui sait, le développement personnel. En opérant dans la pénombre pour faire des rebelles ce qu’ils ont abusivement appelé à Marcoussis « Forces Nouvelles », le locataire actuel du palais d’Abidjan a , pour le malheur de la côte d’Ivoire, aidé les jeunes générations à comprendre le bienfait du maniement des armes. Au bout des armes on pouvait donc devenir Président, Ministre, ambassadeur, commandant, Général etc. Lors de la crise Post- électorale, cette même vision de la violence est sortie des tiroirs pour installer ses quartiers au Golf Hôtel, Quartier général de campagne de M. Ouattara. De ce lieu, on pouvait entendre des propos tels que « Gbagbo sera enlevé par un commando latino-américain », « il sera sortit de son terrier comme un rat ». En un mot, la violence politique a prospéré et acquis ses lettres de noblesses avec le Président Ouattara. Il suffit d’écouter une seconde ses lieutenants comme Hamed Bakayoko, Amadou Soumahoro, Karamoko Yayoro, Konaté Sidiki, Anne Oulotto, Kandia Camara pour comprendre que la leçon est bien passée. En un mot, ceux qui attaquent aujourd’hui ont appris qu’il était bien de rendre un « pays ingouvernable ».
Sa gestion du pouvoir
Comment le Président Ouattara gère-t-il le pouvoir ? Ses lieutenants nous disent couramment que « l’Etat travaille pour vous ». Mais posons-nous la question de savoir quel type d’Etat travaille. L’Etat dont il s’agit est un « Etat Dioula ». En d’autres termes un Etat dans lequel existe une sorte de ségrégation affirmant une certaine primauté des ressortissants du nord sur ceux du reste de la Côte d’Ivoire. La théorie philosophique qui sous-tend une telle politique est ce que le Président Ouattara lui-même a appelé depuis Paris, « Rattrapage ethnique ». Il s’agit en effet pour lui de faire la promotion des ressortissants du grand nord à tous les niveaux. Cela a abouti à la mise à l’écart de tous ceux qui sont soupçonnés avoir voté Gbagbo Laurent. Mêmes ceux des ressortissants du nord qui sont des pro-Gbagbo sont ostracisés. Par cette manière de conduire les affaires, il a divisé les ivoiriens. En outre il a instauré en Côte d’Ivoire la justice des vainqueurs qui consiste pour lui à ne mettre en prison que ceux qui sont des pro-Gbagbo ou supposés. Tous ses anciens chefs de guerre ont été nommés dans la haute hiérarchie militaire. Mêmes ceux qui sont soupçonnés d’avoir commis des crimes sont promus. Par ailleurs, il a transformé son fief du nord en centre de détention et de tortures des pro-Gbagbo. Ils sont près d’une quinzaine (des cadres ivoiriens, responsables politiques) à croupir des ces camps de concentration. Ceux qui ont eu plus de chance sont en exil, et bien qu’ayant fuit la mort, ils sont encore traqués par M. Ouattara par des mandats d’arrêt et des gels de compte bancaires. A côté de ceux là, se dresse un sombre tableau qui allie tortures, enlèvements, séquestrations, brimades et prise en otage de la liberté de pensée. Cela montre bien que la réconciliation nationale n’est qu’un vain mot. Le Président Ouattara ne fait aucun effort pour rassembler les ivoiriens. A la vérité, la réconciliation nationale n’a jamais constitué pour lui et son régime une priorité. En clair, les ivoiriens se regardent en chiens de faïence. Quid de l’armée ?
L’armée en effet est profondément divisée. L’on se pose toujours la question de savoir si en Côte d’Ivoire il existe une armée. Le Président a introduit sa politique de rattrapage dans la grande muette. Nous avons deux groupes, les Ex Fds, qu’il a tenté de fondre dans les Frci. Mais en réalité ce sont les Frci (anciennement appelé forces nouvelles), essentiellement composées de nordistes, qui tiennent le pays. Notons que nombreux sont les éléments de Frci qui sont des analphabètes, anciens prisonniers, Dozos. Quant aux gendarmes, militaires et policiers, marins (ex FDS) ils sont tous désarmés .Ils végètent dans des commissariats et brigades démunis. En outre, certains de ces éléments sont soit pourchassés, soit exilés.
Mais allons bien au delà pour voir à quel point le Président Ouattara a fragilisé le climat sécuritaire. Le programme de Désarmement, Démobilisation et de Réinsertion (DDR) n’a connu aucune avancée notable, pour ne pas dire qu’il a été arrêté. Cela veut dire qu’il existe encore des anciens combattants armés qui vadrouillent avec des kalachnikovs. C’est l’exemple des combattants Frci qui n’ont pas été insérés dans l’armée alors que comme leurs amis rebelles, ils ont combattu pour le Président Ouattara bien entendu après qu’ils aient reçu la promesse d’une insertion dans l’armée. A ce groupe, se greffent les mercenaires burkinabés non rémunérés qui exproprient les populations de l’ouest du pays. Voici des éléments frustrés que Ouattara a crée. C’est dire qu’au sein des Frci, il y a des antagonismes. De toute évidence le pouvoir Ouattara est incapable de maitriser ses troupes qui nuitamment vont « cueillir » leurs anciens compagnons rebelles qui règnent en maitres dans la commune d’Abobo. L’insécurité est donc grandissante et la frayeur s’installe au sein de la population sur qui l’armée tribale du Président Ouattara passe ses nerfs à travers des rafles sauvages
Le régime est donc incapable d’assurer la sécurité des biens et des personnes. Et cela dure depuis bientôt 16 mois.Pendant que les armes crépitent à Dabou, à Jacqueville, le Président Ouattara est en Arabie Saoudite, pour parler de la question syrienne comme si son point de vue pouvait apporter le bonheur au peuple syrien. Il se trouve entre deux avions pour dit-on faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent en 2020.
Au final retenons qu’il n’y a pas de génération spontanée. Ceux qui aujourd’hui brandissent les armes comme des rameaux ont appris que celles-ci apportent le bonheur. Ils ont été enseignés par ceux qui hier, affirmaient qu’ils ont pris les armes parce qu’ils étaient frustrés. Aujourd’hui, la gestion scandaleuse du pouvoir a dressé les uns contre les autres. C’est donc cette manière de conduire les affaires de l’Etat qui constitue la cause du malheur des ivoiriens. C’est pourquoi nous accusons directement le Président Alassane Dramane Ouattara.
Alain Bouikalo