Alassane Dramane Ouattara a fait cadeau de 11 milliards de francs à une trentaine d’acheteurs de cacao proches de lui, à raison d’une exonération d’impôt de 54 francs le kilogramme.
Parmi les plus connus de ces heureux bénéficiaires, il y a bien sûr le carré de fidèles : Loïc Folleroux, le fils aîné de son épouse, Zoumana Bakayoko, le frère aîné du ministre de l’intérieur et bien d’autres amis qui se partagent ainsi, en toute discrétion, le fruit de la sueur des producteurs ivoiriens.
Le retour des quotas
La filière café cacao n’est plus gérée par les paysans ivoiriens et tout le monde semble en être satisfait, si l’on tient compte du silence qui couvre toutes les anomalies inimaginables qui s’y déroulent.
Où sont donc passés les enquêteurs qui avaient mis un point d’honneur à relever les divers manquements ayant obligé le chef de l’Etat de l’époque à jeter la plupart des dirigeants de la filière en prison ? Sont-ils victimes de l’omerta, et donc de la peur, ou bien leur silence a-t-il été acheté ?
Car celui qui a condamné les déprédations de l’ancienne BCC, bourse café-cacao, ne peut logiquement se taire devant ce qui se passe aujourd’hui dans la filière nouvelle formule d’où les producteurs ont été chassés depuis 2011.
Or si tout détournement est condamnable, il est au moins préférable, dans le cas du cacao ivoirien, que cela soit le fait des producteurs eux-mêmes que d’un quarteron de bien-pensants privilégiés instrumentalisant le pouvoir de l’Etat à leurs profits.
Nous voilà donc revenus à la case des quotas alors que les différentes réformes amorcées sous Laurent Gbagbo nous avaient mis à des années lumières des caisses noires qui ne servaient que les barons du régime ou leurs descendants.
Or c’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays où les noms des nouveaux acheteurs montrent clairement leur proximité avec le régime.
Pendant ce temps, les producteurs, eux meurent de faim et de maladie. Leur produit n’est plus acheté au meilleur prix parce qu’entre temps les digues qui les empêchaient de se retrouver nez à nez avec les multinationales ont été rompues.
Dès lors, les villages sont redevenus des mouroirs ; les paysans ne pouvant plus s’acheter des médicaments pour se soigner. La plupart meurent ainsi avec des ordonnances à la main parce que, entre-temps, le projet de l’assurance maladie universelle qui devait les sécuriser est tombé à l’eau.
Si le succès de notre pays repose encore sur l’agriculture, et le cacao naturellement, il n’a jamais autant profité à ceux qui n’en sont pas les producteurs directs. Car alors que l’ancien régime avait confié la gestion de la filière aux planteurs euxmêmes, son successeur, lui, en a fait l’affaire de quelques privilégiés, principalement des gens de son clan et ses fidèles.
Le nouveau régime a en effet mis en place un système opaque de distribution d’agréments. Officiellement, la demande se fait selon une inscription volontaire et n’est obtenue que lorsque le candidat a satisfait à tous les critères de sélection. A la vérité, ce sont plutôt les fidèles qui ont fait main basse sur le cacao et sa vente.
Le plus connu d’entre eux est sans doute Loïc Folleroux, le fils aîné de l’épouse du chef de l’Etat, en raison de ses liens familiaux avec le responsable de l’Etat mais également parce qu’il fut le directeur d’Amarjaro, la multinationale anglaise du négoce du cacao, qui avait déjà montré ses dents contre le régime de Laurent Gbagbo.
Loïc Folleroux, s’est donc empressé de s’installer à son propre compte en créant African Sourcing, une des places fortes de la commercialisation du cacao dans notre pays. En même temps que lui, de nouvelles figures arrivent dans la filière. La Lettre du continent en cite quelques uns tels que Raymond Koffi, évidemment proche d’Alassane Dramane Ouattara.
Mais selon plusieurs sources, ces « inconnus » qui ont débarqué dans la filière avec des mains chargées de billets de banque ne sont rien d’autre que des prête-noms. Ils auraient ainsi été financés par la présidence ivoirienne qui agirait, à la vérité, directement à travers eux.
La réalité du quota rappelle en effet l’ère Houphouët, où certains caciques bénéficiaient de véritables situations de rente sur le cacao ivoirien. Ces derniers étaient en effet financés directement par la caisse de stabilisation qui fut pendant longtemps la caisse noire du régime. L’Etat achetait alors des fèves pour lesquelles il avait déjà payé et cela permettait d’enrichir des amis, des cousins ou des oncles qui n’avaient pas fait le moindre investissement.
Ce système a pris fin à la mort d’Houphouët-Boigny marqué par la disparition de la caisse de stabilisation. Sous Laurent Gbagbo, plusieurs réformes de nature à faire des paysans les propriétaires de la filière voient le jour avec leur part de ratés. Mais une fois parvenu au pouvoir, Ouattara remet au goût du jour la politique de quotas dont la forme la plus retentissante est certainement l’exonération d’impôts accordée à une trentaine d’entreprises.
En effet pour la campagne en cours, le ministre de l’agriculture, celui chargé du budget et le ministre des finances ont en effet accordé une exonération de 54 francs par kilogramme à une trentaine d’acheteurs pour une raison inconnue mais qu’on peut facilement comprendre grâce aux explications fournies plus haut. Ce cadeau représente quelque 11,6 milliards que l’Etat aurait dû percevoir au titre des impôts.
Selon La Lettre du continent qui relais l’information, les principaux bénéficiaires de ce cadeau sont le clan du chef de l’Etat. A commencer par son beau-fils qui ne payera pas d’impôt pour 60.000 tonnes de cacao achetés cette année, soit un cadeau de 3,6 milliards. Il est suivi de Raymond Koffi qui obtient une exonération fiscale pour 20.000 tonnes de cacao. Le frère aîné du ministre de l’intérieur, lui, ne se contenterait que 1000 tonnes. Au total, 200.000 tonnes de cacao seront revendus sans que l’Etat ne perçoive le moindre centime. Tel en a décidé le régime de Ouattara
Des dons plus que suspects
Sans la moindre justification, ces dons sont forcément suspects. Ils le sont également parce que parmi les entreprises ayant obtenu leur agrément d’acheteur de cacao, beaucoup auraient été créées par le pouvoir lui-même. Dès lors, le pouvoir ne se fait-il pas lui-même des dons, privant pour cette raison le pays de 11,6 milliards ? Dans une telle hypothèse, nous nageons forcément nous en plein délit d’initié, le pouvoir se caudetant lui-même.
Cadeau en chocolat pour les proches du palais
Une trentaine d’exportateurs sont exemptés de payer certaines taxes pour la campagne en cour. Les ministres Mamadou Sangafowa Coulibaly (agriculture) Abourahmane Cissé (budget) et Adama Koné (finances) ont accordé une exonération de taxes équivalente à 54 frs par kilogramme de fèves récoltées à une trentaine d’exportateurs.
Au total, 200.000 tonnes issues de la campagne 2016-2O17 sont concernées par cette mesure, soit un cadeau de prés de 11 milliards frs. Ces operateurs sont membres du groupement des négociants ivoirien (GNI) proches des cercles du pouvoir.
Lambert Konan Kouassi et Massandje Touré
Litsé, deux proches du Dominique Ouattara, respectivement et DG du conseil Café –Cacao (CCC) , ont préparé l’arrêté signé par le ministre . Africa Sourcing, la société de Loïc Folloroux, fils de la première dame ivoirienne, obtient le plus gros quota (60.000 tonnes) soit 3, 6 milliards frs sur lesquels ces mesures seront appliquées.
La coopérative de Raymond Koffi, un proche du régime se contente de 20.000 tonnes. Agro West Africa dirigé par Zoumana Bakayoko, le frère du ministre de l’intérieur Hamed Bakayoko, n’a obtenu que 1000 tonnes. Ces avantages ont eu le don d’agacer les multinationales qui ne parviennent toujours pas à obtenir un accord similaire des autorités.
Cemoi décroche un contrat à l’export
L’organe de régulation de la filière a attribué le 17 mai un agrément exclusif d’exportateur de chocolat sous forme de produits finis au français Cemoi. Cette décision qui concerne la campagne 2016-2107 a été notifiée à Patrick Poirier le président du groupe par Massandje Touré-Litsé, la DG du conseil café-cacao. Le dossier d’agrément avait été introduit par Benjamin Bessi , le DG de Cemoi en Côte d’ivoire .
Patrick Poirier a ses rentrées parmi les responsables ivoiriens dont le premier ministre Daniel Kablan Duncan. En mai 2015, Alassane Ouattara avait personnellement inauguré l’usine de Cémoi à Yopougon au nord d’Abidjan. Depuis octobre 2015, la chocolaterie bénéficie d’une exonération totale unique de sortie (DUS), la principale taxe de l’Etat sur les exportations de Cacao.
Aujourd’hui N° 1124
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