Pour de nombreux Grecs, cette dette est vécue comme une blessure, une humiliation qui les empêche de tourner la page de la Seconde guerre mondiale. La Grèce a en effet payé un lourd tribut à cette époque, rappelle le Stern:
«Le fait est que les Grecs font partie des nations qui ont le plus souffert lorsque les nazis étaient au pouvoir. Leur volonté de résistance leur a été fatale. Tout a commencé par un télégramme légendaire, que le dictateur qui régnait alors sur la Grèce, le général Metaxas, envoya en octobre 1940 à l’Italie fasciste – en réaction à l’ultimatum de capitulation posé par Mussolini. Il contenait le simple mot «ochi» (non), c’est pourquoi les Grecs, encore aujourd’hui, célèbrent au mois d’octobre le jour du Ochi. Peu après, les Italiens attaquèrent la Grèce, et bien qu’ils étaient supérieurs en nombre, ils furent repoussés jusqu’à la frontière albanaise.
Hitler fut alors obligé d’envoyer ses troupes. Elles aussi eurent à faire face à une résistance massive. Quand les nazis finirent par vaincre, ils instaurèrent un régime d’occupation brutal, afin de montrer au monde entier ce qui arrivait aux petits pays qui refusaient de se soumettre. En Crète, où les habitants se sont particulièrement défendus, il a été ordonné de tuer dix Crétois pour chaque soldat de la Wehrmacht tombé au combat. Trente villages de l’île ont été anéantis. Au total, plus de 80.000 Crétois moururent pendant l’Occupation, entre 1941 et 1944. 7,2% du peuple.»
En pleine crise, pas étonnant que cet éternel débat autour de la dette allemande soit revenu sur le devant de la scène politique, au point qu’un groupe de travail a été créé par le ministre des Finances grec la semaine dernière, qui a pour mission d’éplucher les documents historiques qui pourraient attester du non-remboursement de cette dette.
Car côté allemand, ni gouvernement ni historiens ne reconnaissent l’existence de cette dette. Comme l’explique l’historien Heinz Richter, professeur d’histoire grecque moderne, au Financial Times Deutschland:
«Il y a toujours eu des réclamations. Mais les dettes ont aussi été remboursées à plusieurs reprises.»
Selon lui, les Grecs se sont montrés négligents avec l’argent remboursé. 30.000 tonnes de biens manufacturés leur ont d’abord été promises à la fin de la Seconde guerre mondiale:
«10.000 tonnes sont parties en 1950 à bord de bateaux anglais en direction de la Grèce – mais ne sont jamais arrivées sur place.»
Le reste aurait pourri pendant deux ans dans le port de Hambourg et aurait ensuite été vendu aux Anglais. L’argent n’est également jamais arrivé à Athènes. En 1953, Bonn a accordé 200 millions de Deutschemarks de crédit d’investissement à la Grèce – une réparation déguisée, qui n’a pourtant jamais été reconnue comme telle. La Grèce aurait finalement reçu 115 millions de Deutschemarks de réparations pour les crimes nazis. Mais cet argent aussi se serait évaporé.
Selon les experts, les recherches entreprises par le groupe de travail grec ne devraient donc pas ouvrir la porte à de nouvelles négociations sur les réparations.
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