Le processus électoral en cours au Togo suivait son cours cahin-caha, miné par les accusations réciproques entre le parti au pouvoir, le RPT et l’opposition, sur l’opération de révision du fichier électoral, lorsque la Cour constitutionnelle est intervenue dans le débat avec la publication de la liste des candidats dont le dossier a été validé.
L’ancien secrétaire d’Etat français, Kofi Yamgnane a été recalé. Le 28 février prochain, à moins d’un miracle, il sera le grand absent de l’élection présidentielle. Un rendez-vous manqué avec l’histoire pour le maire de Saint Coulitz, une fonction qui l’a révélé au monde. Kofi a vraiment fait le rêve fou de rentrer au pays natal pour tenter de briguer la magistrature suprême. Nul doute qu’il en avait les capacités intellectuelles et morales. De tous les candidats, il incarnait à lui tout seul le changement, le renouveau à la tête d’un pays tenu de mains de maître par le clan des Eyadema depuis quatre décennies.
L’homme que l’on considérait comme un adversaire dangereux pour le régime en place devra donc renoncer à son projet à cause d’une Cour constitutionnelle tatillonne sur le cas du candidat Kofi qui présentait des documents togolais et français avec des dates de naissance différentes. Conclusion de la Cour : « Cette situation est de nature à semer la confusion sur l’identité de la personne et par voie de conséquence à fragiliser la sécurité juridique et judiciaire inhérente à la magistrature suprême du pays ». Nonobstant le fait que la décision de la Cour est sans appel, le candidat déchu a introduit un recours en annulation qu’il appartiendra à la Cour d’apprécier.
On pourrait épiloguer sur l‘indépendance de la Cour qui aurait tout fait pour trouver l’arme fatale contre un opposant dangereux pour les tenants du pouvoir à Lomé. Il a donc beau jeu de crier à l’acharnement contre sa personne, et de croire à tort ou à raison qu’il est l’homme à abattre parmi les potentiels candidats, en l’absence de Gilchrist Olympio.
Cependant, on peut s’interroger sur cette invalidation qui paraît trop simple, donc facile. Deux dates de naissance pour la même personne ! Kofi Yamgnane qui ne manque pas de conseil juridique, avait été interpellé par cette même Cour sur ces mêmes documents. Il n’a apparemment pas convaincu les grands juges dans son mémoire en défense. C’est donc pratiquement sur un détail qui vaut cependant son pesant juridique qu’il succombe.
L’homme qui a deux nationalités ne saurait avoir deux dates de naissance selon qu’il est Français ou Togolais. Ainsi en a décidé la justice togolaise. Kofi Yamgnane manquera certainement aux Togolais. Ils sont nombreux à croire en lui, en ce candidat indépendant qui voulait changer le Togo. Ce ne sera pas cette fois-ci.
Abdoulaye TAO