Depuis la seconde guerre mondiale, aucun chancelier allemand n’avait été aussi populaire. Avec plus de 60% d’opinions positives, Angela Merkel sera, sauf cataclysme de dernière minute, reconduite dimanche pour 4 années supplémentaires à la tête de la première puissance économique européenne. La conservatrice du CDU/CSU espère surtout mettre fin à sa cohabitation avec les sociaux démocrates du SPD et enfin gouverner avec ses alliés libéraux du FDP. «La grande coalition a fait du bon travail mais il est temps, face à la pire crise économique depuis 60 ans, de tout faire pour assurer une vraie relance économique» a-t-elle expliqué. Pas sur que les électeurs l’entendent ainsi : les derniers sondages créditent son camp (CDU/CSU/FDP) d’au mieux 48% des intentions de vote, ce qui pourrait s’avérer insuffisant pour contrôler le Bundestag.
Un scrutin complexe
Chacun des 62,2 millions de votants dispose de deux voix. La première élit au suffrage direct et uninominal la moitié des députés, soit un pour chacune des 299 circonscriptions. La seconde choisit une liste de candidats présentée dans chaque Land (Etat régional) par les 29 partis en lice qui se partagent ensuite les sièges selon une répartition proportionnelle. Comme un parti doit rassembler au moins 5% des voix pour obtenir un élu, ce système est censé favoriser la constitution d’une majorité et éviter le morcellement de la représentation publique.
Ainsi, seuls 5 partis composent en réalité le paysage politique outre-rhin. Die Linke, le parti d’extrême-gauche conduit par l’ex-SPD Oskar Lafontaine, reste marginalisé malgré des estimations autour de 15% des voix. Les Verts pourraient à nouveau jouer les troubles-fêtes s’ils parvenaient à constituer une majorité avec leurs alliés traditionnels du SPD, comme en 2002 avec Gerhard Schröder. Problème : les sondages leur prédisent un score proche de 10%, trop peu pour espérer l’emporter avec le SPD, lui-même crédité d’environ 27%.
Suspens
Deux scénarii possibles se profilent donc. Soit l’alliance CDU/CSU/FDP emporte la majorité absolue et la chancelière peut construire le gouvernement qu’elle souhaite, soit la coalition avec le SPD est renouvellée, au grand dam du parti de Merkel.
Celle qui depuis 4 ans est désignée «femme la plus puissante du monde» par le magazine américain Forbes se voit en effet reprocher sa campagne, jugée peu offensive envers son principal adversaire, Frank-Walter Steinmeier, l’actuel ministre des affaires étrangères. En 2005, Angela Merkel avait déjà échoué à gouverner avec le FDP. Un nouveau revers de la protestante pourrait affaiblir son leadership sur le CDU, de tradition catholique.
Un soutien de poids
A trois jours de ce scrutin indécis, son prédécesseur Helmut Kohl est sorti de sa retraite pour lui venir en aide. «On n’est pas dans un concours de beauté, à se demander qui a la meilleur stratégie de campagne ou qui a fait le plus beau débat télévisé (…) ce qui compte, c’est ce qui sortira à la fin, et de ce point de vue, j’espère évidemment que ce sera une majorité claire pour le camp noir-jaune», a souligné celui qui dirigea le pays de 1982 à 1998, faisant référence aux couleurs de la CDU et du FDP.
Pour lui, la reconduction de la grande coalition entre les conservateurs et les socio-démocrates serait contre-productive: «avec ce genre de sérieux compromis, on ne peut pas faire avancer le pays comme on pourrait le faire si on avait une coalition entre partis partageant au moins des valeurs fondamentales similaires.»
Cécile Calla et Marie de Vergès