Il y a 51 ans, le 13 janvier 1963, aux environs de 6H du matin, Sylvanus Epiphanio Elpidiio Kwami OLYMPIO, le père et vaillant dirigeant de la lutte pour la conquête de l’indépendance togolaise, le premier président démocratiquement élu à l’élection présidentielle du 9 avril 1961, était lâchement assassiné.
Il tombait et versait son sang dont ses assassins ont pris le soin de le vider sur la terre togolaise dans les environs de son domicile, au moment même où son gouvernement finalisait, avec les gouvernements allemand, anglais, américain et français, les accords pour la création d’une monnaie nationale togolaise.
Alors qu’il avait réussi à trouver refuge à l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique mitoyenne de son domicile après avoir échappé au commando envoyé chez lui, ses assassins pénétrèrent par effraction dans ladite ambassade pour l’y capturer, en violation flagrante de la règle d’extraterritorialité protégeant toutes les ambassades.
Etienne EYADEMA, alors sergent-chef de l’armée coloniale française dont il avait été démobilisé, avec d’autres demi-soldes, à la fin des guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie revendiqua publiquement cet assassinat.
Premier coup d’Etat sanglant de toute l’Afrique indépendante marqué par l’assassinat d’un chef d’Etat en exercice, après l’assassinat crapuleux de Patrice Emery LUMUMBA, le premier ministre du jeune Etat indépendant du Congo belge, le 17 janvier 1961, ce coup d’Etat inaugurait la tragique série de coups d’Etat sanglants à répétition qui allait se généraliser à toute l’Afrique.
51 ans après cette tragédie quel bilan pouvons-nous tirer concernant la situation togolaise.
51 ans d’assassinats, de violations massives des droits de l’Homme, d’injustice et d’impunité au Togo :
L’assassinat de Sylvanus OLYMPIO, le 13 janvier 1963, inaugura une ère d’impunité à l’ombre de laquelle la banalisation des assassinats et autres crimes politiques abominables a été érigée en méthode de gouvernement.
Mais c’est surtout suite au second coup d’Etat de l’armée togolaise, le 13 janvier 1967, au terme duquel Etienne EYADEMA prit le contrôle du pouvoir politique, le 14 avril 1967, que se généralisa un règne de l’arbitraire qui allait durer jusqu’à sa disparition, le 5 février 2005 et se poursuivre, depuis lors, sous le règne de son fils, Faure Essozimna GNASSINGBE, qui lui a succédé comme dans une monarchie que le Togo n’est pourtant pas. Pour s’installer aussi illégalement dans le fauteuil présidentiel laissé vacant par le décès de son père, il n’hésita pas à organiser un véritable bain de sang qui a fait plus de 500 morts selon la Mission de vérification des faits de l’ONU, plus de 1 000 morts selon la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH).
Dès lors, on ne compte plus, les nombreux cas de tortures, d’enlèvements, d’emprisonnements arbitraires, de disparitions de citoyens innocents, victimes d’exécutions extrajudiciaires sommaires pour leur opposition au régime du RPT, parti unique – parti Etat de 1969 jusqu’à 1990 où les violations furent des plus massives. Certains citoyens disparaîtront pour avoir simplement critiqué ce régime ou encore exprimé leur opinion sur une question d’intérêt national ou, pire encore, pour avoir été mensongèrement dénoncés à la police politique du régime pour de simples différends d’ordre personnels.
Au total, à l’heure du bilan c’est plus de 10 000 morts qu’il y a eu tout au long de ces 51 ans, à l’ombre du régime de terreur instauré au Togo qui accumula nombre de victimes innocentes tant civiles que militaires.
Aujourd’hui encore, cette épopée sanglante continue en toute impunité dans l’actuel contexte de nos luttes politiques et sociales pour un véritable changement démocratique au Togo avec les assassinats en détention, les arrestations, détentions et inculpations arbitraires dans l’affaire de l’incendie criminel des marchés de Kara et de Lomé.
Le summum de ces violations est que la Justice qui est le troisième pouvoir et qui doit, normalement, être le dernier recours en matière de violation des droits de l’Homme, la garante des libertés publiques et la régulatrice du bon fonctionnement de toutes les institutions, au nom du peuple togolais, est totalement inféodée au régime dictatorial qui domine le pays. Comme l’établit de façon incontestable le dernier rapport du Haut Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU :
« 8. (…) il apparaît que dans certaines juridictions au Togo, le principe de séparation des fonctions entre le Siège et le Parquet n’est pas respecté. Le principe du double degré de juridiction n’est pas non plus respecté dans les procédures à l’encontre des magistrats de l’ordre judiciaire, des officiers de police judiciaire, des préfets et sous-préfets, des maires et des chefs de canton et de village. L’intervention, constatée par le passé, du Ministère de la justice dans la nomination et les procédures de sanction à l’encontre des magistrats contrevient au principe de l’indépendance de la magistrature, de même qu’elle remet en cause le principe d’inamovibilité des juges. Le principe de collégialité est rarement mis en œuvre au niveau des cours d’appel. Les principes d’accès concret et effectif à un tribunal et de gratuité de la justice se trouvent quant à eux restreints du fait des coûts excessifs de dépôt de requête et de l’absence d’assistance judiciaire gratuite.
9. Sur le plan des garanties procédurales, le rapport met en évidence le recours systématique au mandat de dépôt et les délais trop longs de garde à vue et de détention qui contredisent le principe de la présomption d’innocence et, à terme, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Les droits de la défense sont compromis du fait de la pénurie d’avocats à l’intérieur du pays, d’un manque d’information des inculpés sur les charges qui pèsent sur eux, d’une absence d’interprète ou faute de moyens financiers. L’accès des avocats à leurs clients est par ailleurs restreint. Lorsqu’il est commis d’office, l’avocat, faute d’avoir accès à son client avant sa première comparution devant les juges, ne prend souvent connaissance du dossier qu’au dernier moment.
10. Dans un second temps, le rapport cherche à analyser les principales causes des dysfonctionnements de l’appareil judiciaire au Togo. La lenteur judiciaire est un problème crucial. Elle est due au manque de moyens des juridictions ou à d’autres facteurs tels que le comportement des Forces armées togolaises qui sont souvent réticentes à coopérer avec la justice lorsqu’un de leurs membres est impliqué dans la commission d’une infraction. L’absence de juges de la mise en état, de juges des libertés et de la détention et de juges d’application des peines fait par ailleurs peser une masse accrue de travail sur les magistrats du Siège. L’insuffisance et l’inadaptation des infrastructures et des moyens logistiques, les faibles rémunérations perçues par les magistrats et les autres acteurs de la justice, concourent également aux dysfonctionnements et aux retards observés dans l’administration de la justice. À cela s’ajoutent des phénomènes de corruption, comme le paiement des agents de greffe afin d’obtenir les copies de décisions de justice, des magistrats se faisant délivrer des reçus de vente sur les lots relevant de litiges fonciers sur lesquels ils sont appelés à se prononcer, ou encore la généralisation dans les palais de justice des démarcheurs qui se proposent, contre rémunération, de servir d’intermédiaires entre les usagers et les juges. »
C’est le lieu ici, de rendre un hommage déférent à la mémoire de tous ceux que nous avons perdu au cours de toutes ces luttes notamment ceux disparus depuis celles engagées par le CST en 2012 :
• Mme Améyo Yvonne Mariette AMEKOUDJI, 38 ans, mère de deux enfants de 10 et 05 ans, victime d’une inhalation de gaz lacrymogènes toxiques le 12 juin 2012, décédée des suites de complications de son état de santé au CHU Tokoin, le vendredi 22 juin 2012.
• Mlle Togbévi Ami, décédée des suites de graves brûlures occasionnées par des tirs de grenades lacrymogènes dans sa cuisine, lors de la répression de la marche pacifique du CST, le 12 juin 2012.
• Yao Komlanvi DAGBE dit « Cochon malade », 70 ans, agent technique de l’OTP à la retraite, sauvagement passé à tabac par les forces de l’ordre lors de la manifestation du CST à Sokodé, le 21 juin 2012, décédé des suites de ses blessures dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 juin 2012.
• Anselme Gouyano SINANDARE, jeune élève de 12 ans, assassiné par un membre des forces de l’ordre à Dapaong (Préfecture de Tône, Région des Savanes), le lundi 15 avril 2013.
• Sinanlengue DOUTI, élève de 22 ans, en classe de 1ère A4 à l’Ecole privée Archimède de Kombonloaga, mort le mercredi 17 avril 2013 au Centre hospitalier régional (CHR) de Dapaong des suites de son passage à tabac par les forces de l’ordre lors de la répression de la manifestation des élèves à Dapaong, le lundi 15 avril 2013n et non enterré jusqu’à ce jour.
• Etienne YAKANOU, membre de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), président de sa sous-section Avé-Maria et membre du bureau fédéral de la Préfecture du Golfe, assassiné par manque de soins à la Gendarmerie nationale à Lomé, le jeudi 16 mai 2013.
51 ans de crises et d’impasse politiques :
Pendant ces 51 ans, la résistance multiforme du peuple togolais n’a cessé d’introduire de profondes crises au sein des pouvoirs illégitimes qui se sont installés suite à l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO.
En effet, parmi tous les pays de la sous-région ouest africaine, notre pays le Togo est un cas atypique où l’évolution de la situation politique, tout particulièrement depuis le processus de démocratisation amorcé dans les années 1990 peine à se concrétiser. Ainsi, les togolais sont-ils confrontés à un refus d’alternance plongeant le pays dans une crise sociopolitique aggravée depuis plus de deux décennies, en lieu et place d’un enracinement de la démocratie conduisant au développement économique, social et culturel.
Pendant toute la longue période allant du 13 janvier 1963 à l’année 1990, l’accumulation et l’étouffement de multiples contradictions nées du règne de l’arbitraire, des assassinats politiques, de la corruption, de la gabegie, de la concussion, du népotisme, du tribalisme, du pillage des richesses nationales, de la subordination du pays aux intérêts étrangers, etc. auront fini par constituer un cocktail détonnant dont l’explosion sociale du 5 octobre 1990 fut l’inéluctable dénouement.
Le régime du clan des GNASSINGBE, qui a pris notre pays, le Togo, en otage depuis 1967, n’a pu être sauvé de la disparition que par des compromis qui intervinrent à travers une série de négociations, dialogues et accords qui ont imposé les élections en tant que mode préférentiel de dévolution du pouvoir politique comme dans les pays de tradition démocratique.
Mais, comme viennent de le démontrer à nouveau les élections législatives du 25 juillet dernier, la vingtaine de dialogues ayant servi de base à l’organisation des échéances électorales qui se sont succédé jusqu’à ce jour, n’ont été que des marchés de dupe, faisant de celles-ci des mascarades électorales toujours contestées par les populations s’insurgeant contre la falsification du verdict des urnes, et imposant le cycle infernal désormais connu : « élections – contestations – répressions – négociations ».
C’est pourquoi le Collectif «SAUVONS LE TOGO», qui s’est constitué sur la base d’une profession de foi et d’un serment qu’il a solennellement fait avec les populations togolaises, ici-même à cette Place de l’indépendance, le 5 mai 2012, continuera le combat jusqu’à arracher le changement radical de la gouvernance auquel aspire ardemment le peuple togolais.
51 ans de régression économique nationale organisée à travers le pillage, la mauvaise gestion, la corruption, le vol et les faillites :
Comme nous le disions déjà dans notre plateforme citoyenne pour un Togo démocratique :
« Sur le plan économique, le pillage systématique des biens de l’Etat par un groupuscule de personnes pendant des décennies a fait basculer le pays dans un processus d’endettement qui culmine avec l’admission du Togo à l’initiative des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). (…)
Les grandes sociétés d’Etat et les régies financières qui constituent le poumon économique du pays : le Port Autonome de Lomé, la Société Nationale des Phosphates du Togo (SNPT), TOGO TELECOM, TOGOCEL, la LONATO, la SALT, la Douane togolaise, la Direction Générale des Impôts (DGI) sont principalement contrôlées par des proches du régime de façon clanique, dans une opacité totale.
Par ailleurs, la mise à sac organisée des ressources du pays, entretenue par un réseau politico-mafieux qui détourne une part considérable des recettes fiscales et douanières, entretient une gestion opaque des sociétés minières de phosphate, de clinker et de fer, exploite en toute illégalité l’or et le diamant, dont la vente n’est pas enregistrée dans la comptabilité nationale comme en fait foi le rapport 2012 de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE) de la Banque Mondiale. Ce rapport n’a jamais été contesté par le gouvernement.
Cependant, malgré les multiples informations et dénonciations qui font état de pratiques non conformes aux règles de l’orthodoxie financière, aucune action concrète n’a été entreprise ni par l’autorité politique, ni par l’autorité judiciaire en vue de mettre fin à cette hémorragie qui saigne à blanc l’économie nationale : l’impunité économique va de pair avec l’impunité politique et tend même à la supplanter. »
Et, aujourd’hui, la preuve est faite que c’est bien Faure Essozimna GNASSINGBE lui-même qui est le chef de file de ces pilleurs de nos ressources nationales dont il parlait dans son discours à la nation du 26 avril 2012 lorsqu’il disait :
« Lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ses tréfonds la démocratie et le progrès ».
Comment peut-il en être autrement lorsque Faure Essozimna GNASSINGBE se fait allouer une dotation de près de 1 300 000 000 de F CFA pour ses seuls et propres besoins en électricité au compte du budget 2014 qu’il a fait voter mécaniquement par la fausse majorité aux ordres qu’il a imposé frauduleusement à l’Assemblée nationale, au moment même où les enseignants, appuyés par leurs élèves et tout le corps médical sont en grève dans tout le pays pour la satisfaction de leurs justes et légitimes revendications.,
C’est pourquoi le CST est plus que jamais déterminé à combattre son pouvoir malfaisant qui ruine notre économie et hypothèque l’avenir de la jeune génération de notre pays et s’engage à combattre pour mettre fin de l’impunité sous toutes ses formes qui sert de base au règne de son régime :
– Impunité de la violation des droits de l’Homme :
– Impunité des crimes politiques en forme d’atteinte à l’expression de la souveraineté du peuple togolais à travers des mascarades électorales :
– Impunité des crimes économiques :
– Impunité des crimes sociaux.
Le 13 janvier 1963 : désormais décrété un non-événement pour le régime UNIR/RPT de Faure Essozimna GNASSINGBE
Depuis sa prise du pouvoir en 1967, GNASSINGBE Eyadéma n’a cessé de faire de la commémoration de l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO l’occasion d’une honteuse et indigne fête : fêter l’assassinat d’un si grand homme, quelle ignominie !
Aujourd’hui c’est son fils, Faure Essozimna GNASSINGBE qui rajoute le cynisme à cette ignominie en faisant publier par son gouvernement, ce vendredi 10 janvier 2014, un communiqué disant notamment :
« Dans le cadre de la consolidation de la réconciliation et de l’apaisement, des réflexions sont en cours en vue d’instituer une journée nationale de réconciliation. La célébration chaque année de cette journée permettra aux Togolais de renouveler leur engagement à vivre ensemble dans la paix, la compréhension mutuelle et la cohésion. (…)
Cette année, les manifestations et les commémorations officielles marquant habituellement le 13 janvier n’auront pas lieu. Cette date sera une journée ouvrable, placée sous le signe du recueillement. ».
En conséquence, le défilé militaire et civil, même dans les casernes, n’aura plus lieu et ce jour n’est plus chômé et payé.
Après avoir exploité le ralliement de Gilchrist OLYMPIO, le fils de feu Sylvanus OLYMPIO, à son régime après l’élection présidentielle du 4 mars 2010, pour organiser, depuis lors, d’hypocrites et intéressés commémorations de l’assassinat du père de l’indépendance togolaise, la véritable signification de la décision qui vient de tomber apparaît clairement. Faure GNASSINGBE se désengage de tout accord conclu avec lui, estimant que la caution que celui-ci a apporté pour servir de béquille à son régime moribond au lendemain de ce coup de force électoral ne lui sert plus à rien, après le cinglant désaveu qui lui a été infligé lors des législatives du 25 juillet dernier.
Aujourd’hui, en faisant désormais de la commémoration du 13 janvier un non-événement, Faure GNASSINGBE jette bas le masque en montrant que toutes les campagnes développées par son régime à travers la mal nommée « Commission Vérité – Justice – Réconciliation » n’était qu’une supercherie destinée à abuser le peuple togolais et l’opinion internationale.
Mais, pour le CST, tout comme pour le peuple togolais, le 13 janvier continuera à être une journée nationale de deuil à commémorer comme telle.
• Honneur et gloire à Sylvanus OLYMPIO, le père de l’indépendance togolaise !
• Honneur et gloire à tous les martyrs dont le sang a été innocemment versé sur la Terre de nos aïeux !
• En avant pour le véritable changement démocratique au Togo !
• A bas le régime de Faure Essozimna GNASSINGBE !
Peuple togolais, par ta foi, ton courage et tes sacrifices, la Nation togolaise doit renaître !
Lomé, le 13 janvier 2014