Gilchrist Olympio, opposant historique et leader de l’Union des forces de changement (UFC), principal parti d’opposition, chassé à coup de pierres par des jeunes militants du Front républicain pour l’alternance et le changement (Frac), coalition de partis d’opposition togolais. Quel tableau à la fois ironique et prévisible ! Ironique étant donné l’identité des deux parties en conflit, qui sont des acteurs d’une même obédience politique.
Prévisible tout de même quand on essaie de remonter certains événements majeurs pour en tirer une logique probable. D’abord, n’ayant pas pu déposer sa candidature pour des raisons de santé, Olympio fut critiqué d’avoir apporté tardivement et timidement son soutien au candidat de son parti, Jean-Pierre Fabre. Ensuite, malgré toutes les actions de protestations dirigées par l’opposition contre la réélection qu’elle juge irrégulière de Faure Gnassingbé, le président de l’UFC a brillé par un silence qui ne lui ressemble pas.
Enfin, bien que des responsables de ce parti eussent accusé la force publique d’avoir saccagé leur siège, c’est avec une escorte de la police d’Etat que leur boss est arrivé sur les lieux de leur rassemblement. Sans doute, la lapidation visait-elle également à éviter que les forces de l’ordre, toujours à la solde du pouvoir, accèdent au lieu de la manifestation. N’empêche que cela traduit aussi une chute de la cote de confiance et de popularité de M. Olympio vis-à-vis de la jeunesse militante de l’opposition.
Ce manque de confiance est sans doute réciproque, car s’il en était autrement, ce ne serait pas la police mais plutôt les militants de l’UFC qui se seraient chargés de la sécurité de leur président. En recourant à cette force étatique, comme pour tester sa popularité à un meeting organisé par le Frac, Gilchrist a commis une erreur qui risque de lui être fatale. Les manifestants ne sont d’ailleurs pas passés par quatre chemins pour dire qu’il n’a pas une position claire. Ce vieil opposant autrefois adulé et respecté sans limite par tous ceux qui veulent réellement l’alternance au Togo, est lui-même l’auteur de sa déchéance politique déjà amorcée. Ce désaveu de la frange jeune de l’opposition sonne comme une rançon du louvoiement de Olympio dont le comportement est aux antipodes de leurs aspirations. S’il ne veut pas quitter la scène politique par la petite porte, il a intérêt à se ressaisir en se comportant comme un has been digne. Il peut ainsi se retirer élégamment pour se contenter du titre non moins honorifique et du reste reposant et plus stable de président d’honneur. Au lieu de se laisser aveugler par l’obsession de la vengeance de son père, Olympio ferait preuve de plus de pragmatisme en adaptant sa vision à l’évolution du contexte politique actuel de son pays. Il peut faire payer aux Eyadéma ce qu’il leur reproche, par personne interposée. Et Jean-Pierre Fabre, qui est plus jeune et dont le choix fait l’unanimité au sein de son parti, semble le candidat idéal pour une victoire par procuration des Olympio.
Honoré OUEDRAOGO