L’adultère renforce l’amour et le couple

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Tromper ou être trompé. L’adultère, en hausse constante, ne marque pas toujours l’échec d’un couple. Il interroge désormais la monogamie et les valeurs qui forgent la relation amoureuse dans notre société.

Dans la série House of Cards, Frank Underwood et sa femme Claire entretiennent tous deux ouvertement des relations extra-conjugales. D’une manière tacite, ils acceptent la « non-monogamie » au sein de leur couple parce que leur relation repose sur d’autres valeurs. Et comme souvent, la fiction rejoint la réalité. Dans une conférence menée par Helen Fischer, anthropologue et chercheuse à l’université de Rutgers, les chiffres mis en valeur sont criants : 56% des hommes et 34% des femmes mariés qui ont fait face à l’infidélité de leur conjoint estiment néanmoins être heureux dans leur union. Comme si cela n’avait pas entamé l’essentiel.

Alors qu’ils pourraient divorcer, beaucoup ne l’envisagent pas. Car, au fond, la tromperie n’est pas le fruit d’une mésentente. Elle serait même, à l’inverse, le signe d’une relation « trop » fusionnelle. C’est du moins l’hypothèse que défend Esther Perel, psychothérapeute belgo-américaine, dans L’Intelligence érotique : faire vivre le désir dans le couple (Éd. Robert Laffont). Dans son cabinet, elle voit défiler « des gens qui s’aiment et qui pourtant ont des liaisons ailleurs ». La spécialiste constate que les partenaires infidèles sont souvent des individus fondamentalement monogames au départ et heureux avec leur compagnon, qui, un jour, décident de transgresser l’interdit. Pourquoi et comment le couple moderne se met ainsi en péril et parfois de façon durable ?
Le mensonge crée un jardin secret

L’idée actuelle du couple est celle d’une complémentarité parfaite où le partenaire devient aussi le meilleur ami. Une illusion qui encourage la fusion et néglige parfois le goût pour la nouveauté et l’aventure. Dans le même temps, le principe de la transparence vient réorganiser l’intimité du couple. Parce que nous vivons dans une société où la technologie rend presque impossible le secret – 99% des cas d’adultère sont révélés par mail ou téléphone–, le jardin intime de tout un chacun, est directement menacé. « J’ai l’impression de devoir tout dire à mon compagnon, de peur qu’il découvre un échange qui pourrait lui déplaire », confie Carole, mariée depuis trois ans. Pourtant, quoi de plus sain que de préserver un espace d’intimité ? « Étrangement, c’est cette obligation de partage total qui m’a poussée à avoir une liaison avec quelqu’un d’autre », ajoute la jeune femme.  La liaison fournit alors une occasion de se « libérer » de l’emprise d’un couple trop fusionnel. Et la jeune femme de conclure : « J’avais besoin d’inconnu, d’aventure pour être plus heureuse ». C’est peut-être dans cette quête du bonheur que réside la problématique sous-jacente à l’infidélité.
Un amant, comme une vitamine

Dans Why we love, why we cheat, Helen Fischer estime que 20 à 40% des couples américains entretiendront au moins une aventure extra-conjugale au cours de leur existence. Un chiffre étonnant qui interroge également la prospérité individuelle. « On n’est généralement pas infidèles parce qu’on est malheureux mais plutôt parce que nous pourrions être plus heureux », confirme Esther Perel. Trop épanouis pour se quitter et pas assez ardents pour rester ensemble, les couples infidèles pensent avoir trouvé une solution pour combler ce qui manquait à un bonheur total. « J’ai deux petites filles, une femme que j’adore et pourtant il m’est arrivé d’aller voir ailleurs. Pas de sentiments, juste l’excitation d’une aventure sans lendemain, le frisson de se sentir vivant », confie Bertrand, 44 ans. Ce désir de se « sentir vivant », d’être « plus heureux » sonne souvent comme un égoïsme de nouvelles générations qui veulent tout, le beurre et l’argent du beurre. Mais il secoue aussi le schéma traditionnel du couple pour aller parfois vers plus de sincérité, estime la psychothérapeute.

 

En trompant, le partenaire cherche à renouer avec des parties de soi perdues, estime Esther Perel dans une interview accordée à Slate. « Nous n’allons pas voir ailleurs parce que nous recherchons quelqu’un d’autre mais parce que nous cherchons un autre nous-même. Ce n’est pas tant que nous voulons quitter la personne avec qui nous sommes que celle que nous sommes devenue. » Un constat qui peut s’avérer d’autant plus vrai lorsqu’une femme à la fois épouse et mère, doit en outre mèner, tambour battant, sa carrière professionnelle.
Une liaison pour retrouver l’érotisme

Alors que les femmes s’occupent de leurs enfants, en les surprotégeant parfois, et travaillent d’arrache-pied pour se faire une place au soleil, en découle souvent un oubli de soi, qui aurait tendance à favoriser la rencontre extra-conjugale. « Un an après avoir eu mon troisième enfant, je me suis laissée aller avec un homme rencontré dans le cadre professionnel. J’étais débordée, je n’avais plus le temps de rien et surtout pas de penser à moi… J’ai avoué ma liaison à mon mari. Cette épreuve a été difficile à surmonter mais s’est aussi révélée régénératrice », confie Stéphanie, mariée depuis dix ans. « Nous sommes une génération qui croit en l’accomplissement de soi mais aussi en l’engagement et il faut négocier entre ces deux idées », suggère Esther Perel. Ce compromis est d’ailleurs pleinement illustré dans House of Cards. Si la « non-monogamie » est acceptée au sein du couple Underwood, c’est parce que leur intimité, très forte au demeurant, consiste à soutenir l’autre dans ses ambitions, à être présent pour s’aider mutuellement.
Même pour ceux qui choisissent d’accepter et de dépasser l’affront et la douleur de l’adultère, une remise en question des valeurs qui forgent le couple est toujours de mise. Car « l’adultère est souvent un puissant système d’alarme pour une structure qui a besoin de changer », conclut Esther Perel.

Par Juliana Bruno

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