LA QUETE DU POUVOIR – réflexion sur une démarche

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           « Le pouvoir appartient au peuple qui l’exerce à travers ses représentants élus ».

Les candidats aux élections se présentent devant le peuple souverain pour solliciter son onction suivant des règles définies. Dans les faits la conquête du pouvoir n’a jamais opposée ceux qui ont la souveraineté et qui s’opposeraient sur la forme, le type de souveraineté, changeant soit il, qu’ils désirent. L’essence même de la souveraineté, sa pertinence, renvoie -on peut le supposer, au débat sur la gouvernance et ses dividendes. Le Président élu, comme il est de coutume, s’entoure d’une élite dirigeante qu’il choisit librement.

Mise en place pour aider l’élu, ce dernier peut défaire l’équipe pour des raisons d’inefficacité dans le meilleur des cas, de déloyauté et peut aussi dans le pire des cas la remanier parce que quelqu’un, lui aurait fait ombrage sur le plan politique, qui affiche une compétence remarquable et un savoir faire trop ostentatoires à ses goûts. On l’a bien vu ; l’opposition repose sur la lutte des élites ; de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se disent en droit de prendre et d’exercer le pouvoir au nom de tous, au nom des autres.

                               DE LA LEGITIMITE D’UN LEADERSHIP CONTESTATAIRE
Quand en 1638 le sénat américain cassa le rêve de John Ride et de son adversaire John Ross-tous deux élites incontestables- de bâtir une nation Cherokee forte et souveraine, il s’en est suivi une passe d’armes entre les deux. Ross prônait la résistance et s’accordait avec la population (sur 16 000 individus Cherokee, 15 500 signaient la pétition contre le déplacement sur une autre terre décrété par « un bout de papier » du Sénat). Pendant ce temps Ridge dont personne ne doutait de son patriotisme appelait à se plier au diktat douloureux du sénat qui obligeait ce peuple à quitter ses terres pour un milieu moins hospitalier à l’ouest du Mississipi. A la fin seuls 2 000 Cherokees partirent avec Ridge qui avait négocié pour ce faire un convoi de transport et un petit capital. Renvoyés en fin du compte des terres et obligés de parcourir plus de 1 200 km à pied, la masse restée sur place perdit un quart des adultes et une moitié de bébés au cours des 4 mois de marche ! Ridge tout en comprenant son adversaire disait : « nous sommes les seules à savoir. C’est de notre responsabilité de protéger ceux qui ne comprennent pas ». Dans ce contexte, au Togo toute coalition constituée, tout leadership contestataire opérant visiblement comme une élite face au pouvoir en place devient interlocuteur valable. Comme se fut le cas du Collectif de l’Opposition Démocratique(COD), du Front des Associations pour le Renouveau (FAR) etc. face au Rassemblement du Peuple Togolais (RPT, au pouvoir).

Ce constat replace l’élite au centre du débat démocratique. Son prestige et sa responsabilité grandissent lorsqu’elle devient comptable de ses actions devant le Judiciaire qui pour un bon fonctionnement du corps social doit rester absolument indépendant. C’est ce que, généralement nous observons dans les pays du Nord où après le mandat électif, l’élu rend compte. Témoin les nombreux procès post mandats. A défaut les règles paraissent viciées. Dans le cas d’espèce le seul combat qui vaille la peine pour une Opposition devient celui vital pour son institutionnalisation même. Ce qui passe par la définition consensuelle d’une règle de jeu qui s’impose à tout le monde ; d’une constitution cooptée par la majorité des citoyens sous forme référendaire. Ce minima est incontournable pour un pays qui veut rentrer dans le cercle des nations modernes. Le Togo par exemple.

C’est dire que la revendication d’un retour à la constitution togolaise de 1 992, l’appel au respect des règles du jeu démocratique qui rend possible l’alternance avant toute élection, demeurent valables. C’est tout aussi valables et légitimes les mouvements contestataires qui se fondent ou non sur ces seules revendications. La mesure est que toute autorité qui refuserait la possibilité de l’alternance en organisant des élections frauduleuses, en vassalisant les institutions devient illégitime et mérite d’être combattue. En clair le citoyen qui se réclame du RPT au pouvoir ou de L’Opposition se renierait à vouloir qu’une poignée d’hommes et de femmes le tienne servilement dans les fers.

Or sur ce lopin nôtre, sévit depuis plus d’une quarantaine d’année un régime militaire et jupitérien d’une rare nocivité qui a fini par générer une psychologie des collectivités en conflit perpétuel avec l’individu, conscience esseulée, sujet à une révolte sans cesse repoussée, mille fois sublimée. Le Chef de l’Etat, héritier d’un trône à la suite du décès de son père, n’a pas hésité à faire massacrer par une armée au commandement servile un millier de ses sujets et à nettoyer le palais en envoyant en Prison voilà déjà un an ses frères dont le plus célèbre fut celui là même qui avait organisé, dit-on, la purge nationale en Avril 2005.

En proclamant la République plutôt qu’en la fondant, le Prince ne peut chaque fois remettre une nation. Il se trouve dans l’obligation de justifier les dérives qui, aux yeux du citoyen lambda, deviennent d’autant plus visibles que la foi de ce dernier en un avenir meilleur prend la tournure d’une religiosité plus ou moins assumée. L’opposition togolaise réunit (en dehors des mouvements alternatifs et des partis « participationnistes ») dans le Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC) en a fait une stratégie de rassemblement fort payante. Du moins jusqu’alors. L’essayiste Michel Kinvi essaie ainsi d’expliquer le phénomène : « Les rencontres de prière et d’invocation spectaculaire de quelque divinité ou principe abstrait produisent un élan collectif de bravoure et de bravade du danger. C’est un phénomène de foule et de transcendance des individualités, de fusion donc des forces individuelles en une seule force mouvante ».

Mais le gazage répété des citoyens qui vont confier leur sort à Dieu, les actes de brutalité policière dont sont victimes ceux qui manifestent calmement leur croyance en la délivrance par rapport à la grande foule qui fait hebdomadairement la jonction à la plage de Lomé, pose une interrogation : A quoi jouent les autorités de fait ? Veulent-elles faire accroire que les marches de samedi lui indiffèrent tandis que les veillées de prière répétées l’incommodent sérieusement ? Ou bien est ce là une façon habile de masquer leur panique en détournant l’attention sur les veillées aux seules fins de démotiver la foule des samedi qui développe à chaque rassemblement un esprit grégaire qui peut tout emporter ? L’homme désirant toujours ce dont il est privé et se blasant de ce qu’il a déjà.

                                                  DE LA PRECARITE INHERANTE A LA COALITION

Dans leur rapports entre eux, les togolais ont fini par se mépriser, se mésestimer, se déprécier, se méfier les uns des autres et même se défier. Ce qui a fini par donner libre cours au sentiment de suspicion, de vengeance, de colère. Le président de l’UFC en a fait les frais en essuyant des jets de projectiles. On a trop vite fait de dire que le parti UFC (Union des Forces de Changement), colonne centrale du FRAC a démissionné son Président National. Dans ces genres de chose, c’est le premier lancer qui est le plus difficile. Après, tout va de soi comme la bande bêlante de Mr Panurge qui se précipite dans les ondes au premier saut d’un infortuné mouton. L’eau n’a pas tari et les responsables du FRAC doivent plutôt se méfier, qui sont encore au bord du marigot, des réactions épidermiques de personnes qui n’en peuvent plus de rester dans des chaînes la peur chevillée au corps. Si on comprend l’utilité des marches et des veillées de prière il reste néanmoins à valoriser la dimension pédagogique prônée par la CDPA-BT et le MFAO en parlant au peuple au lieu de ne songer qu’à capitaliser une somme d’ignorance : Un couteau à double tranchant. Le Togo ne connaît pas de violences liées aux antagonismes ethnico religieux. Ce serait dommage qu’on mette en péril la laïcité de l’Etat par une démarche qui viole le principe de la séparation de l’Etat et de la Religion.

L’on ne peut demeurer insensible aux discours fort a propos d’un Dahuku Péré qui s’est essayé à poser publiquement la dimension tribale, régionaliste qui sourd dans la population et qu’on essaie d’évacuer par des dénégations. D’abord il s’est exprimé en mina et reçut une grande ovation. Ce qui montre qu’on n’est pas devant un cas banal. Puis, le rassemblement d’après, il a théorisé sur ablodé qu’il dit n’en savoir pas le sens. On serait naïf de croire que l’ancien président de l’assemblée nationale ne puisse savoir ce qu’ablodé signifie. En réalité, il appelait à revoir certains comportements qui risquent, à terme, de remettre en cause le long parcours du processus de libération. Cela demande de l’effort. Il en a fait lui-même en adoptant un concept qui lui répugne, dit-il, hier encore. En stigmatisant le mal être que Kofi Yamgnane le premier avait indexé, il appelle à un mieux être collectif indispensable à la Nation. Anéhoto, kotokoli, Voganvi, Kablèto, kpalimèto etc. sont des mots qui doivent reprendre place dans le lexique ordinaire sans charge péjoratif.

On ne le répètera jamais assez, Il faut en user sans peur. Il n’est pas nécessaire d’attendre d’être aux affaires pour crier au dosage ethnique supposé être la panacée comme l’avait prôné un moment certains responsables de partis. Ce cautère ne tiendra que l’instant d’un remaniement.

Au NIGERIA du Yoruba Obansandjo, il y a une loi dite de l’indigéneité qui distribue les privilèges sur des critères tribaux pour favoriser les premiers habitants d’une région au détriment d’autres Nigérians considérés comme citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Avec l’exode et le brassage des peuples cette distribution de la richesse qui prive déjà les régions moins nanties d’une partie énorme de la richesse dont le clair (80% concentrée entre les mains d’à peine 1% des 140 millions d’habitant selon la Banque Mondiale) se partage entre politiciens, hommes d’affaires véreux, multinationales et banques étrangères. C’est donc un grand volcan à éruption différée mais avec déjà des déflagrations à coloration ethnico religieuse qui menace ce géant du continent. Le cas de Jos par exemple interpelle. Au sommet ce n’est non plus un hasard que le Président Yorouba a pu faire deux mandats dans un pays qui a connu au moins six coups d’Etat réussis depuis son indépendance en octobre 1960. Au Togo nous avons la chance de pouvoir mettre fin, rien qu’avec une petite volonté politique, à cette dérive opportuniste et égoïste. Ce serait bête qu’avec de petits mots assassins nous nous lancions dans cette régression animale.

                                                                               L’HORIZON

En bref, il importe que le FRAC se restructure, définisse une plate forme politique à rendre salutairement publique et se donne une direction claire. Sa configuration actuelle ne le prédispose guère à une bataille sur le long terme. Il est évident que les composantes de ce Front n’eussent pas dépassé les critiques internes et le risque d’implosion si les sorties massives de la population ne les eût contraints. Le FRAC n’est rien ; la population tout. On imagine le moment prévisible où dans une confusion totale le peuple l’assimilant à un pari n’accepte plus un autre son de cloche que celui dicté par l’instance dirigeante représentée par deux ou trois individus assez bien intéressés, jouant à la perfection le rôle de messie. La périphérie comptera bientôt pour quantité négligeable dans un schéma suicidaire que beaucoup redoutent en silence. De moins en moins on associe FRAC et OBUTS malgré la présence médiatique d’un Agbéyomé Kodjo qui renseigne assez bien sur ce qui se passe dans le Groupe et qui aussi a eu le mérite de publier un bilan qui montre entre les lignes l’amateurisme directionnel – pour ainsi dire. Pèré, Gogué, Abi et autres existent sans doute mais leurs structures assez méconnues sont ignorées.
En transformant Sursaut-Togo en parti politique, l’ex ministre français socialiste Kofi Yamgnane renoue avec la logique de conquête du pouvoir qui pour lui passe par une démocratie participative qui elle-même passe par les élections municipales et législatives qu’il appelait de tous ses vœux et pour lesquelles il se positionnait longtemps. Mais sur ce terrain également Il faudra du temps et un investissement combatif complet pour obtenir (de qui ?) des conditions d’organisation satisfaisantes, ayant loupé l’occasion d’en faire un casus belli avant les élections présidentielles. Bientôt il n’aura pas le choix, embarqué qu’il est dans la logique de restitution de la victoire de Jean Pierre Fabre dont certains de ceux qui l’entourent ne lui veulent pas que du bien. Aussi longtemps que cette confusion assimilationniste n’aura pas lieu, on peut toujours compter sur le Bassari  qui vient de déclarer qu’il ne saurait exister d’autre gouvernement que celui du FRAC. Il faut le prendre au mot.
Enfin « vous allez voir qu’un jour, on va nous déclarer la paix et que nous ne serons pas prêts » (Tristan Bernard). Et si c’était le défi du peuple ?
Ceux qui ont choisi librement, sans contrainte aucune d’être des conducteurs d’hommes doivent en tirer toutes les conséquences.

Paris le 25 Avril 2010
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