La coquille démocratique couvre de plus en plus mal une ploutocratie, où seuls l’argent, les réseaux et une tapageuse et ininterrompue communication donnent le pouvoir…
Lynx.info : Bonne et heureuse année 2015, Komla Kpogli !
Komla KPOGLI : Voici un très bon sujet pour entrer pleinement dans notre conversation : les vœux. Les Bons vieux vœux ! La présentation mécanique de vœux en début de chaque année a quelque chose de barbare dans le contexte qui est le nôtre. On pourrait même dire que c’est inhumain. Car, on ne peut continuer à se souhaiter une « bonne et heureuse année » dans un peuple qui ne voit aucun changement réel et maîtrisé dans sa vie depuis si longtemps. C’est répétitif pour un rien. On a assez joué au perroquet. L’homme révolté n’a pas à se plier à une tradition vise de sens. Nous pensons que l’africain n’est pas assez révolté. En tous cas, il n’exprime pas assez sa révolte.
En ce qui nous concerne, nous sommes sortis depuis un bon moment déjà de ce qu’on appelle « la tradition des vœux ». Nous nous limitons au strict minimum en la matière. Même si, aux yeux de beaucoup, il est sympathique et jovial d’aligner des vœux pieux, des mots sans aucune profondeur, nous disons que de cette sympathie là, nous n’en voulons. « Bonne et heureuse année », ça n’est pas pour un peuple au front pour son émancipation. C’est pour ceux qui ont le ventre rempli et qui ont des rêves. Il ne faut plus, par pur conformisme, se mentir à soi. Quelle bonne et heureuse année pour un africain conscient, frappé quotidiennement par la douleur de voir l’état catastrophique actuel de son peuple et l’avenir de son peuple ruiné ? L’état général de notre peuple ne nous permet pas de nous gargariser de ce conformisme là.
Alors, cher compatriote Camus Ali, pour cette année 2015, au lieu du mécanique « bonne et heureuse année », souhaitons-nous et allons sincèrement vers plus de courage, plus de compréhension des enjeux de notre temps, plus d’engagement militant, plus d’organisation, plus de solidarité et moins de haine et de détestations gratuites entre africains afin que notre combat pour une nouvelle Afrique, maître de son destin parce que arrachée des griffes des « élites indigènes » qui la gouvernent actuellement sous la direction de leurs mentors euraméricains, se traduise par des actes et des victoires.
Faure Gnassingbé, le dimanche 11 janvier 2015 était en France pour défiler aux côtés de François Hollande suite à la mort des journalistes de Charlie Hebdo….
Il n’était pas seul. Outre Gnassingbé 2 du territoire du Togo, il y avait aussi Ibrahim Boubacar Keita du territoire Mali, Macky Sall du territoire du Sénégal, Yayi Boni du territoire du Bénin, Ali Bongo du territoire du Gabon, Mahamadou Issoufou du territoire du Niger. Le premier ministre de la Tunisie était lui aussi de la partie. Tous ces gouverneurs de territoire qui se proclamaient dans les rues parisiennes ennemis jurés du terrorisme sont eux-mêmes l’incarnation du pire terrorisme qui soit. Ces gens-là bouffent leurs frères de sang et vont défiler à Paris à la suite de la tuerie de 20 personnes.
Depuis que les africains meurent, avons-nous une fois vu ces détraqués mentaux faisant office de dirigeants africains s’émouvoir ? Demandez-vous pourquoi ? Jusqu’à la preuve du contraire, les terroristes ne pleurent pas leurs victimes. Exécutant froidement les africains ou les laissant mourir de diverses manières, ces assassins ne peuvent pas les pleurer. Mieux encore, dans la petite tête de ces gnomes, la vie d’un occidental vaut plus chère que celle des africains. C’est une question de psychologie. Mais, c’est aussi et surtout une question de politique, de petite politique opportuniste. Celle qui consiste à se fendre en quatre pour montrer à ceux qui détiennent les clés du pouvoir africain qu’ils sont d’une fidélité à toute épreuve. Ainsi, voient-ils cette fidélité démontrée, cette loyauté bébête convertie en confiance renouvelée par le maître. En tous cas c’est ce qu’ils espèrent. C’est le propre des esclaves formellement affranchis et pourvus du pouvoir de contremaîtres sur leurs congénères que d’être extrêmement sensibles à la moindre gêne éprouvée par le maître. Ils la pressentent même à sa place.
En voyant ces gens-là courir nuitamment à Paris, braver le froid hivernal et défiler dans les rues parisiennes, l’on ne peut s’empêcher de les mépriser, car ils sont plus que méprisables. Telle doit d’ailleurs être la réflexion des français, de leurs dirigeants et de tous les autres dirigeants européens qui étaient à cette manifestation.
Ceux qui doutaient encore de la réalité de la Communauté franco-africaine imaginée par De Gaulle sont, il faut l’espérer, à présent servis. Il faut donc que les africains redoublent d’ardeur, de mobilisation contre ces gens qui n’ont de cesse de ridiculiser, d’enfoncer notre peuple. Avec de tels personnages, l’Afrique ne va et n’ira nulle part.
Mais, il faut ajouter que les peuples, aussi profonde que soit la rupture qu’ils ont avec leurs « dirigeants », gardent tout de même avec eux quelques ressemblances. Une pensée populaire du Togo ne dit-elle d’ailleurs pas qu’un blanc mort vaut deux fois mieux que deux noirs vivants ? Au Kamerun, par exemple on dit : « Mukala obotè wadapè wanga ? », c’et-à-dire « si tu tues le blanc où vas-tu trouver encore du sel ? ». Bref, c’est pour dire que la vie d’un Occidental est supérieure à celle des africains. Les razzias négrières et la colonisation sont passées par là. Raison pour laquelle on a vu beaucoup d’africains se mettre à leur manière en deuil pour Charlie Hebdo. Chose pourtant rare quand il s’agit des drames innombrables qui frappent quotidiennement notre propre peuple.
M. Komla Kpogli, parlons un peu du processus électoral au Togo. On sait que Mr Taffa Tabiou n’avait pas été à la hauteur de sa tâche en 2010. Comment expliquez-vous le silence voire la confiance de l’opposition de le revoir à la tête de la Ceni ?
C’est à « l’opposition », comme vous l’appelez, de répondre à cette question.
En ce qui nous concerne, et nous l’avons suffisamment dit, les élections dans le contexte africain actuel est un foutage de gueule, un pur folklore, un mensonge et une double injure faite à l’intelligence des peuples et aux lois de l’histoire. La vérité est que, c’est juste un rappel, nous n’avons pas d’Etat en Afrique. Or, c’est l’Etat qui organise les élections, avec un arsenal juridique localement maîtrisé. Ce qui fait office d’Etat dans les territoires africains, c’est une construction venant d’extérieur. C’est l’Etat colonial confié à une élite indigène préparée pour maintenir l’Afrique dans son rôle à présent millénaire de pourvoyeur des pays dominants en ressources énergétiques, en matières premières minières et agricoles, ces pays se réservant leur transformation en produits finis qui multiplie les richesses. Cet Etat africain est un monstre. Il n’est doté, et c’est fait à dessein, d’aucun instrument pouvant tenir compte de ce que veulent les populations. Celles-ci n’ont donc pas de rôle réel dans la dévolution du pouvoir.
Pour faire encore plus clair, les actes étatiques de souveraineté – les élections en sont un – ne peuvent pas devancer la naissance même de l’Etat. C’est pourquoi les africains se trompent de chemin en revendiquant des élections avant d’avoir démoli le cadre colonial qui se gargarise de son indépendance fictive. Mais comme beaucoup semblent venir de la planète Mars et se dirigent vers une destination inconnue dans un monde qu’ils refusent obstinément de scruter, on ignore tout ça ou on fait semblant de l’ignorer. Avec des « Etats » pareils, l’Afrique se fatigue pour rien. Elle ne va et n’ira nulle part. Elle aura beau changer les hommes et les femmes qui prétendent la gouverner, incessamment piteux seront les résultats. C’est une loi de l’histoire : un peuple soumis, dominé et placé sous tutelle se libère d’abord avant de progresser. La révolution précède l’élection. Allons demander aux Chinois que nous admirons tant aujourd’hui ce qu’ils avaient fait avant d’être là où ils sont aujourd’hui. Encore que les chinois, après avoir fait plusieurs révolutions sanglantes, ne se sont pas engagés dans la voie trompeuse de la démocratie-spectacle portée et véhiculée par l’Occident à qui il profite partout où elle est accueillie. Ils ont inventé un système politique fondé sur leur propre histoire et l’idée qu’ils se font du monde. Cela a payé. Aujourd’hui, la Chine est au rendez-vous de l’histoire. Où en sont les « démocraties » libérales ou populaires africaines ? L’histoire est fatale pour les peuples qui refusent de se voir tel qu’ils sont pour corriger ce qu’il y a à corriger pour espérer vivre et avancer.
L’opposition crie aux réformes, Gilbert Bawara ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales se félicite du grand « courage » de la Ceni. Comment expliquez-vous ce décalage de calendrier entre Faure et son opposition ?
Tout ceci entretient une ambiance facticement démocratique où pouvoir et opposition jouent les réformateurs et les conservateurs, et vice versa. Les cocus dans ce jeu de rôle ce sont les populations qui espèrent pouvoir gagner quelque chose d’une éventuelle alternance au sommet de l’enclos colonial abusivement appelé Etat dans les territoires africains. C’est une parodie de vie politique nationale. Les africains qui sont les inventeurs du système de la délibération la plus démocratique qui soit à travers les gouvernances pharaoniques, royales et de l’Arbre à palabre ne peuvent se résoudre indéfiniment à subir les avatars du modernisme colonial incarné par les acteurs au sens théâtral du terme. Il va falloir, et le plus vite c’est le mieux, remettre en cause dans son fondement même ce jeu démocratique à l’américaine tropicalisée avec des modèles de Constitution qui n’ont rien à voir avec la vision que les africains ont du pouvoir, de ses attributs et de ses fins. Même dans son berceau originelle, la démocratie à l’occidentale est de plus en plus rejetée et les peuples sont à la recherche d’une autre voie. Ces peuples s’apercevant, ce n’est jamais trop tard, que Pouvoir et Opposition, c’est blanc-bonnet, bonnet blanc. Les capitalistes, les communistes, les socialistes, les socio-démocrates, les démocrates-chrétiens, etc…non seulement s’habillent de la même manière, mais encore ils pensent la même chose et donc promeuvent quasiment les mêmes recettes économiques. La coquille démocratique couvre de plus en plus mal une ploutocratie, où seuls l’argent, les réseaux et une tapageuse et ininterrompue communication donnent le pouvoir. C’est pareil dans nos territoires. Quand on questionne le projet économique des oppositions africaines, s’il en existe un, c’est avec consternation qu’on s’aperçoit de sa ressemblance avec ce que font les régimes en place. La seule différence viendrait peut-être des discours sur les libertés que les oppositions promettent face aux pratiques de despotisme obscur des régimes au pouvoir. Encore que là, ce ne sont que des promesses.
Il faut être clair: ce n’est pas avec une parodie de démocratie à l’américaine que les nombreux et immenses problèmes de l’Afrique seront abordés et résolus. La démocratie à l’américaine transplantée en Afrique entraîne une castration populaire et favorise l’accrochage au pouvoir colonial d’une élite fabriquée de toutes pièces dans les écoles et au sein des institutions occidentales ou internationales. Elite corruptible, corrompue, douteuse et surtout foncièrement antipatriotique, car volontairement sous influence. La grille de lecture de cette proto-élite est fournie par ce qu’elle appelle pompeusement la communauté internationale et les institutions internationales: ONU, UE, G8, Conseil de Sécurité, l’Elysée, Washington, Pékin, la Communauté internationale, l’aide au développement…Aussi bien les hommes de l’Opposition qui se positionnent pour capter le pouvoir à l’issue des fameuses élections que ceux actuellement aux commandes, à commencer par Gnassingbé 2 et sa cour sont de cette élite indigène collaborant à l’exploitation de l’Afrique.
Dans plusieurs de vos articles vous dénoncez souvent et l’opposition et le parti au pouvoir. Comment expliquez-vous que ce qui peut se passer au Burkina-Faso en quelques mois de lutte soit impossible au Togo avec plusieurs années ?
C’est difficile de concilier les deux termes de votre question. Qu’à cela ne tienne ! Disons que la situation de notre Mère Afrique est suffisamment grave pour que nous n’ayons pas le devoir de dire les choses telles qu’elles sont. La lâcheté commence bien souvent par le déni de la réalité. Même si nous ne nous faisons pas que des amis dans les deux camps, ici ou là, avec nos prises de positions, et c’est le moins que l’on puisse dire, nous gardons solidement à l’esprit que l’histoire, la vraie, pas celle instituée et inoculée dans les écoles ou universités, renseigne assez sur ce que les peuples firent et font lorsqu’ils succombent à la domination d’autres nations. En conséquence, c’est elle notre guide ; notre tableau de bord étant le bien-être de notre peuple, le peuple africain.
Si nous nous adressons aussi bien à l’opposition qu’au contremaître faisant office de gouvernant dans nos territoires, c’est parce que la première est bien souvent le faux jumeau du second. Que ce soit dans la forme et dans le fond, ces gens se ressemblent trop : même costard-cravate, même mots, mêmes fréquentations, même origine spirituelle et culturelle, même destination, mêmes réseaux très souvent aussi. La différence essentielle réside dans le fait que certains détiennent le pouvoir colonial et les autres attendent ou font tout pour le capter à leur tour. Bien d’opposants en Afrique ont trop de liens avec l’Elysée, la Maison blanche…Tous ces lieux que fréquentent et d’où proviennent les régimes qu’ils prétendent combattre. Certains africains disent même aux opposants d’aller « négocier le pouvoir à l’Elysée », « à Bruxelles », « à Washington ». Or c’est exactement de ces endroits que provient le décret de nomination de leurs soi-disant adversaires. Souvent quand un opposant revient de ce qu’il appelle « une tournée » en Europe où il aurait fait du « lobbying », il est accueilli à coups de klaxon victorieux et la presse lui tresse la couronne d’un chasseur de lion. Quand, au contraire, c’est le tyran au pouvoir qui fait la même chose ou qui est reçu à l’Elysée, à Bruxelles, à la Maison blanche, on crie au scandale.
Quand l’opposition dit : changement, changement ! Quel individu en possession de toutes ces facultés peut être contre cela ? Mais dès que quelqu’un se risque à demander comment s’y prendre pour arriver à ce changement plus que nécessaire, on lui répond : « On ne dira rien, car c’est de la stratégie qu’on n’accouche pas en public. » Quand l’interlocuteur insatisfait insiste et formule ses pistes, on lui assène : « vous êtes une taupe du pouvoir !», « vous voulez aller à la mangeoire !». Quand l’opposition dit : « nous allons donner du travail à la jeunesse, offrir une bonne formation à la jeunesse, etc… ». Qui peut s’opposer à ça ? Mais dès qu’on fouille un peu, on s’aperçoit que c’est du vent, mieux, l’opposition envisage les mêmes recettes que le régime : « Accords de partenariat économique », « aide au développement », ONU, « transfert de technologies », « partenariat sino-ceci », « partenariat cela-japonais », « AGOA », « privatisations », « OMC », « coton », « café », « cacao », « prêts », « investissements directs étrangers », « Document stratégique de réduction de la pauvreté », « nos amis partenaires au développement »…Toute chose ayant plombé gravement l’Afrique sous les régimes qu’elle prétend combattre. Il n’y a aucune remise en cause, ou trop peu. Pas de réflexion, ou trop peu sur le Franc CFA, sur le cadre étatique africain, sur les frontières, sur l’Union africaine paralytique actuelle, sur l’école coloniale africaine, sur les langues coloniales dites officielles, sur les relations internationales dans leurs réalités. Au lieu de constituer une alternative panafricaine sérieuse, chacun des opposants africains veut être calife à la place du calife dans un souverainisme creux. On réduit tout aux slogans, aux coups de menton, aux querelles interpersonnelles de bas étage et aux petits tiraillements pour des places vides.
Pour ce qui est du Burkina Faso, c’est une bonne chose que l’assassin de Thomas Sankara et de milliers d’autres compatriotes du Faso ait été renversé par un soulèvement populaire. Toutefois, un observateur avisé est obligé de dire que comme celui de Blaise Compaoré, le Burkina Faso d’aujourd’hui ne va nulle part.
Ce qu’il se passe là, sous nos yeux, est une révolution dans la continuité du système. Puisqu’au lieu d’inventer un nouveau système de gouvernement fondé sur les us et coutumes locaux, l’histoire du peuple noir et une vision d’avenir claire dans un monde compliqué, nos compatriotes du Faso se sont laissés embarquer une nouvelle fois dans le bateau ivre de la démocratie à l’occidentale. Ainsi, a-t-on choisi de s’engager dans une absurde transition qui conduira à des élections dans une année. Cette démarche montre clairement un gros manque d’inspiration, et surtout elle démontre que les forces qui pilotent l’Afrique de l’extérieur, avec la complicité des vassaux locaux rassemblés au sein d’une Union africaine paraplégique, ne sont pas disposées à se laisser dépasser par le peuple africain. Au lieu de résister au chantage de toutes sortes exercé sur le Burkina Faso à la recherche d’une nouvelle voie quitte à souffrir de quelques privations momentanément pour grandir demain allaité par sa propre production, on a, apeuré de se voir privé des miettes, choisi de se plier et de conduire une transition qui mène tout droit à la Restauration.
Là encore la démocratie spectacle et folkoriquement élective animée par une élite indigène reprend son cours normal. Aussi bien les hommes de l’Opposition qui se positionnent pour capter le pouvoir à l’issue de la fameuse élection annoncée pour 2015, que ceux de la transition, à commencer par son président, Michel Kafando sont de cette élite qui a passé toute sa vie dans les salons feutrés onusiens et diplomatiques, loin des aspirations du peuple. Monsieur Kafando, faut-il le rappeler, était un adversaire chevronné de Thomas Sankara. C’est ce qui explique sa brillante participation au régime de Blaise Comaporé en tant que ministre des affaires étrangères, puis représentant à l’ONU de 1998 à 2011. Michel Kafando est Commandeur de l’Ordre national et Officier de la légion d’honneur de la France. Quant à Zéphirin Diabré, celui qui se targue d’être le chef de file de l’Opposition au Burkina, il a assumé de « hautes fonctions » aussi bien au plan national qu’international. Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Mines de 1992 à 1994, puis ministre de l’Economie et des Finances de 1994-1996. Zéphirin Diabré a été aussi le président du Conseil économique et social de 1996 à 1997. Directeur général adjoint du Programme des Nations unies pour le développement, puis président Afrique et Moyen-Orient du groupe nucléaire français AREVA. Enfin, M. Diabré préside aussi un groupe de réflexion sur les matières premières au sein du Medef, le patronat français.
Et il y en a plein comme ça un peu partout. C’est à coup sûr, un de ces gens là qui, muni des moyens financiers, médiatiques, et aussi d’alliances extérieures, sera « élu » à l’issue d’une « élection dont les irrégularités n’entachent pas la transparence » en 2015 au Burkina Faso. Et l’histoire recommencera. La dette restera. Le Franc CFA demeurera. L’agriculture coloniale restera. La langue française et la francophonie resteront au Faso. L’école coloniale demeurera. Les accords de défense resteront. L’économie burkinabè restera coloniale. Les frontières coloniales du Faso resteront…Et, s’il reste encore de l’énergie au peuple, et surtout à sa jeunesse, un nouveau mécontentement populaire surviendra dans 10 ans, 20 ans, 30 ans, 50 ans. Mais, on a beau faire des soulèvements, tant que le cadre global dans lequel l’Afrique et ses enclos coloniaux évoluent n’est pas détruit par des révolutions pour faire place à des instruments de pouvoir engendrés et contrôlés à tous les niveaux par les africains eux-mêmes, Pierre pourra bien remplacer Paul, l’immobilisme voire la régression sera le résultat. Ce n’est pas cela que nous souhaitons pour le peuple africain du Togo.
Dans son discours de vœux du nouvel l’an Faure semble avoir fait le deuil de l’APG. Vous avez confiance en lui quand il parle encore d’une commission de réflexion sur les réformes politiques, institutionnelles et constitutionnelles…
Il n’y strictement rien à attendre de Gnassingbé 2. Ni hier, ni aujourd’hui, encore moins demain. On est même fondé de croire que personne dans ce territoire, mis à part sa cour et ses obligés au sein de différents appareils du système, n’accorde de l’intérêt aux propos de Gnassingbé 2.
C’est assez désespérant d’avoir à subir en Afrique ces sortes de régents dont la mission première consiste à parler pour ne rien dire et à amuser la galerie avec des mots qui sonnent faux, alors qu’on retire sous les pieds des africains leur sol et leur sous-sol. Ces régents perdent un temps fou à notre peuple, surtout à sa jeunesse qui a de grands défis à relever d’urgence. Mais, la jeunesse africaine doit savoir qu’elle a en son sein des capacités énormes pouvant redresser la marche de l’Afrique. Il va lui suffire d’être un tout petit peu plus courageuse, plus disposée à s’organiser autour d’un leadership responsable capable de piloter à la fois la reconquête et la reconstruction de l’Afrique. Cette jeunesse peut, si elle le veut vraiment, remettre l’Afrique entre les mains de ses enfants qui, dans une nouvelle ambiance sociétale disciplinée et guidée par les valeurs africaines revisitées à l’aune de notre parcours historique global, doivent la redresser. En moins de 25 ans, si la jeunesse d’Afrique le veut vraiment, si elle se donne la peine qu’il faut, si elle concède les sacrifices qu’il faut, elle peut étonner le monde en effaçant 3000 ans de déperdition africaine. C’est une question de décision. Pour être encore plus clair et plus précis, c’est un processus qui nécessite avant tout une prise de décision. La décision d’aller dans le sens de l’histoire.
Comment expliquez-vous que Faure Gnassingbé soit si sûr de lui-même en dépit de tous les bruits de marches et de protestation de l’opposition contre son pouvoir ?
Simplement parce qu’il sait que tout ceci n’est pas encore à la hauteur du pouvoir de nuisance enraciné solidement dans le pays depuis 50 ans. Gnassingbé 2 ne voit pas encore poindre à l’horizon un soulèvement populaire qui va directement s’attaquer aux centres névralgiques de son système. A sa place, il y a de quoi à être sûr de soi. Que lui oppose-t-on ? La récitation de « réformes institutionnelles et constitutionnelles », « réformes institutionnelles et constitutionnelles » ? Cette histoire de réformes frise un aveu d’impuissance. On s’attend à des « réformes » de la part du despotisme obscur soutenu de l’extérieur et disposant de tous appareils de pouvoir à l’intérieur ? Eh bien, on attendra encore longtemps. Mais, peut-être, Gnassingbé 2 sera-t-il surpris un de ces quatre matins. Parce que, même s’il n’y a pas de générations spontanées, les peuples sont capables de surprendre les lois de l’histoire.
Du Pr Aimé Gogué à passant par Agbeyomé Kodjo ou Gerry Taama la chansonnette semble être la même : « Assouplir les positions sur la candidature de Faure en 2015 pour ensuite avoir les réformes constitutionnelles ». Votre avis ?
Une seule chose doit préoccuper les africains. Que ce soit au Togo ou ailleurs : l’avènement au plus vite d’Etats maîtrisés de l’intérieur. S’il y avait un Etat dans le territoire du Togo, une telle question ne se serait pas posée ; les règles de a dévolution et de l’exercice du pouvoir étant préalablement fixées et des instruments mis en place pour veiller à leur ferme application. Il ne sert donc strictement à rien de perdre notre temps à gloser des idées aussi futiles relatives à la candidature de Pierre ou de Paul. Il ne sert strictement à rien non plus de parler des personnes qui, croyant leur malice et leur jonglerie au-dessus de l’intelligence collective, jouent avec le destin de notre peuple dans un monde si rude et qui ne va pas en s’adoucissant. Des combats hautement plus sérieux nous attendent.
Finalement le piège de Faure Gnassingbé ne serait-il pas de jouer avec le temps et de sortir la formule selon laquelle il ne reste plus du temps pour les réformes constitutionnelles ?
Il faut cesser une bonne fois pour toute de penser qu’il y a un raccourci pour les peuples dominés de s’en sortir. Le principe même des réformes quémandées au RPT est contraire à son existence. C’est là que l’on voit à nouveau le déficit d’analyse et de profondeur dans les réflexions qui demandent ces légendaires réformes. Il aurait suffi simplement de qualifier le régime RPT pour savoir ce qu’il peut faire ou ne peut pas faire. Si, en disant « réformes ! réformes ! », c’est juste pour tester la bonne foi de Gnassingbé 2, alors l’avenir de ceux qui font cette demande est sérieusement à redouter. Car, le présent, encore moins le passé ne leur auront rien enseigné. Cela serait même inquiétant pour nous tous. Pas seulement pour eux.
Somme toute, de deux choses l’une :
Ou les africains sont un peuple spécial, unique en son genre, des hommes pas comme les autres et dans ce cas, ils ont raison de vouloir se particulariser et de particulariser les voies par lesquelles ils entendent sortir de leur sujétion, leur domination et leur servitude. Lesquelles voies consistent entre autres à s’aliéner davantage, à se disperser davantage, à refuser l’édification de structures solides de lutte avec un leadership avisé et responsable, à rester là à espérer un Dieu miséricordieux ou même à espérer qu’avec le temps la toute puissance de ses dominateurs se transformera en toute bonté.
Ou bien, les Africains sont comme n’importe quel peuple et dans ce cas, ils sont soumis aux lois de l’histoire dont l’une des constances est qu’à chaque fois qu’un peuple est soumis, l’unique voie par laquelle il s’en sort, c’est de s’organiser, de lutter et de reconquérir aussi bien sa personnalité que son espace qu’il reconstruit à l’aune de ses expériences. Dans ce cas, les Africains n’escamoteront aucune des étapes du difficile et escarpé chemin qui mène les peuples vaincus, mais déterminés à se relever de leur terrible défaite, à leur renaissance. Tout le reste n’est que subterfuge et sophisme scientifiquement élaborés et emballés dans l’espérance de réformes dans un cadre de servitude qui ne fait que prolonger la rançon de la défaite.
La CVJR dirigée par l’évêque Nicodème Barrigah s’est avéré être une commission qui finalement n’aura rien apporté de positifs aux Togolais. Comment expliquez-vous ce soutien tacite de l’Eglise au pouvoir du fils comme du père hier ?
Dans un discours prononcé le 22 décembre dernier au Vatican, le pape François, chef de l’Eglise catholique dressait la liste des quinze maux qui minent son institution. Les voici : 1) Se croire immortel, immunisé ou indispensable ; 2) Trop travailler ; 3) S’endurcir spirituellement ou mentalement ; 4)Trop planifier ; 5)Travailler dans la confusion, sans coordination ; 6 )« L’Alzheimer spirituel » ; 7) Céder à la rivalité ou à la vantardise ; 8) La « schizophrénie existentielle » (recourir à une double vie pour combler sa vacuité spirituelle) ; 9) Le « terrorisme des ragots » ; 10) Le carriérisme et l’opportunisme ; 11) L’indifférence aux autres (par ruse ou par jalousie) ; 12) Avoir un « visage funéraire » (pessimisme, sévérité dans les traits) ; 13) Vouloir toujours plus de biens matériels ; 14) La formation de « cercles fermés » qui se veulent plus forts que l’ensemble ; 15) La recherche du prestige (par la calomnie et le discrédit des autres).
S’il n’y a qu’un seul mot pour résumer cet excellent discours que chacun devra lire pour en savoir un peu plus sur l’église catholique, c’est le Mensonge. Le « chef de l’Eglise » dit lui-même qu’il est à la tête d’une institution qui a pour trait essentiel Le Mensonge. Une fois qu’on a entendu ça, on n’a plus besoin de se tuer à expliquer le rôle que le catholicisme colonial joue dans la vie socio-politique et économique africaine depuis la Bulle du pape Nicolas V du 8 janvier 1454 décrétant la mise en esclavage du peuple noir.
Que répondez-vous à tous ceux qui disent que Faure Gnassingbé en dix ans de règne a fait plus de réalisations que son père avec au compteur 38 ans de règne ?
Ils doivent bien avoir la tête en bas, ceux-là. Jean Jacques Elisée Reclus, géographe et soutien mitigé de la colonisation française, écrivait en 1885 que le grand défaut de beaucoup d’africains c’est de se plaire à l’obéissance et de se sacrifier pour ceux qui les oppriment et les méprisent. Qui pouvait croire qu’il aurait raison à notre époque ?
Lynx.info : Komla Kpogli, merci .
Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info