Monsieur le Ministre,
Je viens vous entretenir de la situation créée au Togo, mon pays d’origine, à la suite du comportement incompréhensible de la part d’un officier de l’armée française en pays étranger, situation aggravée par les communiqués du gouvernement français.
J’ai longtemps voulu croire que la France -selon ses propres affirmations maintes fois répétées- n’était en rien impliquée dans la situation sociopolitique chaotique qui prévaut au Togo depuis plus de 40 ans : dictature sanglante, assassinats politiques, impunité, mépris des droits de l’homme, inexistence d’un Etat de droit, omniprésence et omnipuissance de l’armée…
Les images tournées, les paroles enregistrées lors d’une manifestation contre l’interdiction faite à un parti politique légalement constitué de tenir son congrès , révèlent une implication manifeste de la France . En effet, comment expliquer la présence et le comportement de M. Romuald Letondot, colonel de l’armée française, au milieu des manifestants, en tenue militaire, menaçant un journaliste togolais dans un tutoiement si méprisant, spécialité des colonialistes des temps nouveaux, les temps si décriés de la fameuse françafique ? Qu’avait-il donc à cacher de si compromettant ou de si répréhensible pour en être à exiger avec tant de violence que le journaliste détruise des photos de lui au milieu des manifestants ?
Votre communiqué sur cette affaire est surprenant: comment pouvez-vous, niant les faits, affirmer que la présence de votre agent sur les lieux était « fortuite » alors que lui-même revendique d’être reconnu comme conseiller spécial du chef d’état major de l’armée de terre togolaise et prêt à donner l’ordre d’attaque à la garde présidentielle, « pour mettre de l’ordre là-dedans »?
Pensez-vous que les seules excuses que vous demandez à votre agent de présenter au journaliste suffisent à apaiser la colère de tout un peuple qui ne veut plus être méprisé?
Ne pensez-vous pas que par son comportement, le colonel Letondot a déshonoré l’uniforme de l’armée de la République et qu’il doit, pour cela, être immédiatement rapatrié pour s’expliquer devant sa hiérarchie ?
Je vous remercie de votre réponse et vous prie d’accepter mes salutations les plus cordiales. »
Paris, le 12 août 2010.
Kofi Yamgnane
Ancien Ministre