Journée « presse morte » : la presse « bleue » arrache au régime dictatorial d’Abidjan, son cache-sexe

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Ils l’avaient annoncé, c’est chose faite. Les journaux dits « bleus », regroupés au sein du collectif JV11 (journaux victimes du 11 avril : Aujourd’hui, Le Temps, Le Quotidien d’Abidjan, LG Info, Le Nouveau Courrier, Le Quotidien d’Abidjan), n’ont pas fait leur parution ce jour et ne paraitront pas, non plus, demain. Deux jours de silence. Deux jours pour protester, mais aussi, deux jours pour dénoncer…

Les « titrologues » de la Côte d’Ivoire (appellation donnée aux badauds qui s’attardent devant les kiosques pour lire les titres à la Une des journaux), en seront – peut-être – surpris. Aujourd’hui, après avoir « titré », ils s’en iront insatisfaits, avec un arrière-goût de symphonie imparfaite et inachevée. Aujourd’hui, ils liront un unique son de cloche, le même, l’ennuyeux, celui des journaux « verts » proches du régime ouattariste. Ah, nous oubliions, il y a certains (journaux) qui se disent « neutres » ? ni pour l’un, ni pour l’autre camp. Qui s’efforcent – inutilement d’ailleurs – à jouer les équilibristes. Ils ont été « vomis », en tout cas, par les témoins lucides de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, depuis le début. Parce qu’ils ne sont ni « chauds », ni « froids », parce qu’ils sont « fades ».

Les journaux du JV11, proches du président Laurent Gbagbo observent deux journées dites « presse morte ». La goutte d’eau qui a fait  déborder le vase est la récente attaque du siège de Cyclone, maison éditrice des journaux Le Temps et LG Info et du magazine Prestige Mag. Ces journaux bleus, on le savait, ont toujours été la cible des tueurs de la ouattarandie. Menaces de mort, intimidations de tous genres, sont le lot quotidien des journalistes de cette presse qui, malgré tout, continuent, sans relâche et avec courage, leur travail d’information. Certains sont même obligés d’avoir des sièges « clandestins » pour éviter toute surprise des vandales, nervis du régime, prêts à tout saccager pour un plat de garba (attiéké au poisson thon).

Le régime d’Abidjan – ne nous en cachons pas – est un régime susceptible et aux abois qui refuse la contradiction, le débat intellectuel et civilisé. Un régime qui a choisi de protéger « ses acquis » par tous les moyens, y compris par la brutalité et la violence. Quand cette option montre ses limites, il y a le tout-puissant Conseil National de la Presse (CNP), véritable machine à répression de la liberté de la presse, qui entre en jeu. Le nombre de fois, la fréquence avec laquelle elle a suspendue, les quotidiens de la presse proches du plus illustre prisonnier de la Haye, est à donner le tournis, à même de faire sortir Reporter Sans Frontière (RSF) de ses gongs.

Avec ce triste tableau, certains caciques du régime, toute honte bue, se permettent – encore – de dire à la face du monde que « la démocratie est en marche en Côte d’Ivoire ». Mais cet acte courageux et mémorable, posé en ce jour, par la presse « bleue », illustre la façon la plus brillante, qu’il y a, dans ce pays, une négation des libertés d’expression, de la liberté tout court. Or qu’est-ce qu’un déni de la liberté d’expression, sinon un refus de la démocratie ? Sans expression, il n’y a pas de vie. La nature elle-même, s’exprime de diverses manières. Ne dit-on pas qu’elle a horreur du vide ? Le vide est une absence d’expression, donc une forme de mort. Et les journaux victimes du 11 avril, ont laissés, en ce jour, un vide. Les journalistes – pro-Gbagbo – ont reposé leurs plumes. Et nous les lecteurs, n’auront rien à lire. Rien pour nous informer, pour équilibrer l’information. Rien… pour marcher sur les pieds de l’aveugle aux pas saccadés qui se croit tout seul sur la piste de danse.

Du coup, l’on découvre le vrai visage de cette Côte d’Ivoire, version Ouattara. Pourfendeuse des libertés, négationniste de la démocratie et de la pluralité. La voilà nue, cache-sexe ôté. Exposée aux regards profanes. Livrée en spectacle, sous le feu des projecteurs, à ceux qui croyaient voir flou dans le drame ivoirien.

Car en Côte d’Ivoire, les lois sur la presse n’existent que de nom. Les textes sont juste bons pour les tiroirs poussiéreux. Le journaliste – pro Gbagbo – est un prisonnier en sursis (n’est-ce pas Sy Savané, Didier Dépri, Cesar Etou… ?). Cette journée et celle de demain sont des jours de deuil pour marquer la mort de la liberté d’expression, pour dénoncer le bâillonnement de la presse libre. Heureusement…

Heureusement, l’ivoirien lambda et le titrologue – déçu – connaissent la trame de la crise ivoirienne. Heureusement, l’ivoirien sait – à présent – la nature du régime qui l’a embrigadé depuis le 11 avril: un régime dictatoriale et répressif infesté de l’intérieur comme de l’extérieur par son propre mal.

Heureusement, la nature a horreur du vide. L’internet – pour ceux qui ont la chance d’y avoir accès – est là. La presse « en ligne » devient pratiquement, pour la diaspora, pour l’opinion internationale et pour quelques privilégiés vivants au pays – par la grâce de Dieu – un complément efficace à la presse écrite. Une valeur ajoutée à la démocratie. Un moyen de lutte et de contournement des obstacles dressés contre la liberté d’expression. En dehors, bien sûr, de ceux qui l’utilisent à des fins obscurs.

Aujourd’hui et demain, nous ne pourrons pas lire – certes  – les journaux « bleus »,mais nous pouvons, en un seul clic, aller sur les sites Abidjandirect.net, la web radio vra, lynxtogo.info, infodabidjan.net, eburnienews.net, ivorian.net, deboutciv.com…, et les nombreux autres sites d’information en ligne que nous n’avons pas le temps – toutes nos excuses – de citer. Qu’ici et maintenant, tous ces valeureux combattants de la liberté reçoivent notre hommage chaleureux et appuyé. Sans oublier tous ces chroniqueurs anonymes et bénévoles, véritables combattants et résistants, dont la plume vient en appoint à nos valeureux et honorables journalistes de la presse écrite. Nous citons pèle mêle Hassane Magued, Alain Bouikalo, Joseph Marat, Marc Micael (votre serviteur)… et plusieurs autres chroniqueurs engagés.

Nous aimerions vous dire  – presse écrite et presse en ligne – que notre travail porte ses fruits au-delà même de nos espérances. Car chaque village, chaque hameau de nos lointaines contrées ivoiriennes, nos enfants, futurs dirigeants de ce pays sont informés – par vous – jour et nuit du déroulement de l’histoire de leur pays. Ils savent qu’un jour de 11 avril 2011, leur président, Laurent Gbagbo a été victime d’un coup monté de toute pièce et que depuis lors, pour eux, il croupit dans en prison à la Haye, chez l’homme blanc. Ils savent – à cause de vous – que depuis le kidnapping de leur président, la Côte d’Ivoire vit la plus sombre tragédie de son histoire.

Au total, cette opération « presse morte », vient en rajouter au deuil d’un pays suffisamment martyrisé. Mieux, elle vient – aussi –  d’arracher, au régime d’Alassane Ouattara, le seul accoutrement avec lequel il pouvait encore se présenter à nos regards et à ceux du monde entier: son cache-sexe. Regardez donc et jugez par vous-même de la laideur et de la répugnance du régime dictatorial et dénudé d’Abidjan.

Marc Micael  La Riposte

 

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