Je suis bien placé pour savoir que l’on a raconté et que l’on raconte n’importe quoi sur Simone Gbagbo, et que ses calomniateurs viennent souvent de son propre « camp ». Car c’est un des cercles d’influence autour de son époux qui a répandu, en 2003, la légende totalement infondée selon laquelle elle était l’âme invisible derrière Le Courrier d’Abidjan, quotidien que j’avais alors cofondé avec Sylvestre Konin. Une légende qui a prospéré au point d’être reprise en chœur par la presse française. A tel point que l’ex ambassadeur Gildas Le Lidec est allé jusqu’à me demander, très sérieux, si l’un des pseudos utilisés dans ce journal était celui de Simone Gbagbo. Or je ne la connaissais même pas en 2003. Et je n’ai jamais été un de ses proches.
Son procès se tient en ce moment, et je suis persuadé qu’aucune preuve sérieuse ne lui sera opposée. Comme je suis à peu près sûr qu’elle sera tout de même condamnée. Pour « gérer leur honte », les ONG internationales et certains médias français accuseront la justice ivoirienne de n’avoir pas bien enquêté, alors que « tout le monde sait » qu’elle « a joué un rôle ». Sachant que « jouer un rôle » ne signifie rien, juridiquement parlant.
Une chose est sûre : le malaise autour du sort de Simone Gbagbo ira grandissant. Car cette femme est une des victimes les plus emblématiques du SEXISME (y compris du sexisme des femmes contre les femmes, la plus grande réussite de la domination masculine) et du RACISME en politique. Examinons ensemble ce qui lui est généralement reproché.
– Simone Gbagbo, ALORS QU’ELLE EST UNE FEMME, a défendu ouvertement ses positions, considérées comme radicales, alors que les femmes, les mères, doivent rester en retrait et prôner « l’apaisement » (en gros le défaitisme et le fatalisme). Mamadou Koulibaly, qui a longtemps été sur la même ligne politique que Simone Gbagbo, qui a dit « niet » à Linas-Marcoussis, et qui a même piloté l’opération Dignité, n’a jamais été aussi diabolisé. Aboudrahmane Sangaré, qui était dans le fameux « bunker » et qui incarnait plus que Simone Gbagbo le refus de la capitulation, n’a jamais été aussi diabolisé. Les mâles ont vocation à dominer, n’est-ce pas ?
– Simone Gbagbo aurait « entraîné » son mari dans un certain nombre d’aventures, en raison de son énorme influence sur lui. Même si elle n’avait aucun pouvoir exécutif, elle est donc coupable de tout ce qu’on peut reprocher à son époux. Elle serait une « Jézabel« , une « Messaline ». On est en plein dans l’imagerie fantasmatique du mâle grand enfant et de sa perfide muse. Si un homme « faute », accusez sa femme. Le fait est que le CNRD dont Simone Gbagbo était secrétaire générale a été marginalisé lors de la campagne de 2010 par Laurent Gbagbo, au profit de LMP. Le fait est qu’elle même a été confinée à Abobo durant la campagne, où elle a d’ailleurs permis à son candidat de faire de très bons scores malgré le rouleau compresseur du RDR.
– Avez-vous entendu les propos éminemment machistes du vieux Dié Kacou, ancien patron du Conseil national de la presse, qui racontait, en substance, comment Simone Gbagbo l’aurait contredit en public et se serait allée jusqu’à se lever de table quand il l’a, dit-il, remise à sa place… de femme ? L’audace, l’impertinence et la franchise abrupte de Simone Gbagbo dérangent parce qu’elle est une femme.
Imaginez une seule seconde que Dominique Ouattara avait été frappée, déshabillée, déshonorée et filmée à l’hôtel du Golf en présence de l’ONU et de l’armée française. Imaginez même que la femme de Bachar El Assad, considéré comme le symbole du mal absolu en Occident, soit tondue et déshabillée devant les représentants de la communauté internationale… L’indignation serait grande. Qui s’est indigné pour Simone Gbagbo, en dehors de ses compatriotes et de certains Africains ? Personne.
– L’on me dira que personne ne s’est indigné parce qu’il s’agissait d’une femme ayant commis des crimes contre l’humanité. Il s’agit désormais de le prouver. Le ridicule de ce procès atteindra des sommets.
Théophile Kouamouo
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