Il faut faire attention au «Baobab qu’on abat» en utilisant des arguments ridicules qui cachent mal des manœuvres d’encerclement.
Je suivais la télévision cette nuit de Dimanche 1er Mai, dans mon salon à New York, lorsqu’ à 23H, en Breaking News, le Président Américain est apparu sur l’écran pour annoncer, qu’ après qu’il ait donne le feu vert d’agir, Ossama Bin Laden avait été tué dans un raid d’une unité d’élite de l’armée américaine au Pakistan. Une décision politique donc. Une idée m’a tout de suite traversé l’esprit : les militaires de l’OTAN ne pouvaient pas avoir pris l’initiative de bombarder pour tuer, la veille, la résidence familiale de Kadhafi, le Chef d’ Etat de la Libye, sans que cela n’ait été en exécution d’un ordre politique de Sarkozy et autres. Il est donc fort probable que le weekend du 1er Mai devait voir être annoncée la liquidation de Ossama Ben Laden et …de Mouammar El Kadhafi, le caractère absolument criminel de l’assassinat de Kadhafi, dirigeant d’un pays souverain, par les forces coalisées des pays occidentaux devant être couvert par les clameurs de la mort de Ben Laden.
Dieu merci, ce but n’a pas été atteint, sauf la mort sous le bombardement du fils et des trois petits enfants de Kadhafi, qui n’a d’ailleurs suscité aucune expression de regrets à Paris, Londres, Washington… Les bombardements à répétition du Palais de Kadhafi qui sont autant de tentatives d’assassinat, sont le signe d’un échec politique et stratégique, la manifestation d’une impatience enragée de ceux qui ont engagé cette guerre qu’ils croyaient finir en 72 heures.
Malheureusement pour eux, en dépit des moyens technologiques et des systèmes d’armement sophistiqués utilisés, Kadhafi résiste et son régime ne s’est pas effondré. Nos envahisseurs cachés derrière les soit- disant rebelles, pour sortir de l’enlisement, croient tenir la solution en assassinant Kadhafi, pariant ainsi que sa mort entrainera l’effondrement instantané de son régime.
L’objectif de la guerre en Libye, préparée de longue date par les Services secrets français et ayant utilisé le fallacieux prétexte de la protection de civils, en réalité des rebelles armés, n’est pas seulement la prise du contrôle du pétrole et du gaz naturel de ce pays. Dans le viseur des envahisseurs, il y avait les Fonds Souverains Libyens, ces capitaux que l’État libyen a investis à l’étranger. Ils sont gérés par la Libyan Investment Authority (LIA) et sont estimés à plus de 150 milliards de dollars- soit 75. 000 milliards de francs.
Les cercles dominants américains et européens, avant d’attaquer militairement la Libye pour mettre la main sur sa richesse énergétique, se sont approprié ces fonds, dans le plus grand acte de piraterie et de rapine de tous les temps. Cette opération a été favorisée par le représentant même de la Libyan Investment Authority, Mohamed Layas qui, comme le révèle un câble diplomatique publié par WikiLeaks, le 20 janvier, a informé l’ambassadeur américain à Tripoli que la LIA avait déposé 32 milliards de dollars dans des banques américaines. Cinq semaines plus tard, le 28 février, le Trésor Américain les a soi-disant «gelés».
Selon les déclarations officielles, c’est «la plus grosse somme d’argent jamais bloquée aux États-Unis», que Washington garde «en dépôt pour l’avenir de la Libye». Elle servira en réalité pour une injection de capitaux dans l’économie américaine toujours plus endettée. Quelques jours plus tard, l’Union européenne a «gelé» de son coté environ 45 milliards d’euros de fonds libyens, pour en faire un usage similaire.
Martyr du Panafricanisme
Le « premier crime’ » que les nouveaux maitres du monde imputent à Kadhafi et tentent d’en corriger férocement les manifestations est son Panafricanisme militant. Ainsi, il était connu que l’assaut sur les fonds libyens aura un impact particulièrement fort en Afrique. Ici, la ‘’Libyan Arab African Investment Company’’ a effectué des investissements dans plus de 25 pays, dont 22 en Afrique sub-saharienne, et programmait de les augmenter dans les cinq prochaines années dans les secteurs minier, manufacturier, touristique et dans celui des télécommunications, où la Libye a contribué de manière décisive à la réalisation du premier satellite de télécommunications de la Rascom (Regional African Satellite Communications Organization), qui permet aux pays africains de se rendre indépendants des réseaux satellitaires occidentaux, et de réaliser des économies annuelles de centaines de millions de dollars.
Beaucoup plus importants encore auraient été les investissements libyens dans la réalisation des trois organismes financiers lancés par l’Union africaine et qui auraient contribué à asseoir l’émancipation monétaire et financière du continent noir: la Banque africaine d’investissement, dont le siège est à Tripoli ; le Fonds monétaire africain, basé à Yaoundé (Cameroun) ; la Banque centrale africaine, installée à Abuja (Nigeria). Le développement de ces organismes devait permettre aux pays africains d’échapper au contrôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, tous deux instruments de domination néocoloniale, et devait marquer la fin du franc Cfa, la monnaie que sont obligés d’utiliser 14 ex-colonies françaises.
Le gel des fonds libyens assène un coup très dur à tout le projet. Notamment, si la Banque Centrale Africaine voit le jour, les dépôts au compte d’opération des réserves des pays de la zone CFA cesseront et les positions du Trésor Français en seraient fragilisées. L’hystérie interventionniste du Président Français, Nicolas Sarkozy, et du Premier ministre Britannique David Cameron dont le pays est lié inextricablement à la France s’explique donc, non pas par l’amour des ‘’civils- rebelles- armés’’ libyens, mais par les conséquences qu’auraient pour leurs pays l’émancipation monétaire de nos nations, dont Kadhafi était l’architecte et l’artisan.
Le second ‘’crime’’ imputé à Kadhafi est qu’il est en passe de gagner la guerre de l’Eau et de se présenter comme un réel challenger du Grand Capital. La Libye et l’Egypte se partagent un véritable océan souterrain d’eau douce, le ‘’Nubian Sandstone Aquifer’’ dont les réserves s’élèvent à 200 années de débit du Nil en haute saison. Depuis plus de 25 ans, Kadhafi a lancé le ‘’ GMMRP- Great Man-Made River Project’’, qui est un réseau de 4000 km de pipeline qui procure de l’eau à toutes les villes côtières libyennes, de Tripoli a Benghazi en passant par Syrte.
Dans une deuxième phase, il est prévu que le GMMRP alimente un système d’irrigation en direction du Sud qui rendra vert le désert du Sahara et le Sahel, ouvrant ainsi des possibilités insoupçonnées de production agricole dans ces immenses régions qui pourraient devenir le grenier du monde au 22eme siècle, arrachant a l’Occident sa place de premier producteur de céréales et de produits alimentaires du monde. Kadhafi a engagé 85 milliards de dollars dans cette entreprise pharaonique sans en solliciter un seul de la Banque Mondiale- quel mauvais exemple !!!- et en défiant les ‘’trois sœurs’’ – Veolia (autrefois Vivendi), Suez Ondeo (autrefois Générale des Eaux) and Saur – les compagnies françaises qui contrôlent 40% de la production mondiale de l’eau.
Quand on met côte à côte ce pari titanesque et sa contribution décisive dans la mise en place de RASCOM, ces cas font que pour le Grand Capital Occidental, Kadhafi est devenu l’homme à abattre à tout prix autant pour ses velléités d’indépendance que pour son audace et son impertinence.
Le troisième ‘’crime’’ de Kadhafi est de n’avoir jamais voulu s’enrôler dans toute organisation qui affaiblirait ou freinerait la mise en place de l’Union Africaine. Son refus de participer à l’Union pour la Méditerranée en a enragé la France de Sarkozy – à qui par ailleurs il a refusé d’acheter les avions Rafales- car un espace méditerranéen intégré est l’un des leviers sur lequel compte ce pays pour se redonner du souffle, lui qui est si impuissant à résoudre le problème du déclassement de son économie et n’entrevoit d’autre issue que les reconquêtes coloniales. Les Anglo-saxons sont prêts à lui concéder au détriment de notre continent quelques os à ronger. C’est ainsi qu’il faut comprendre sa férocité manifestée hier en Côte d’ Ivoire, et que l’on revoit aujourd’hui en Libye.
Les Nouveaux Barbares
L’agression contre la Libye est l’illustration du monde sans loi que ceux que mous appellerons l’empire- en minuscule s’il vous plait ! – instaure de manière éhontée. Certains chroniqueurs en verve les appelleraient d’ailleurs sans trop abuser » Les Nouveaux Barbares ».
L’empire, « puissante machine du mensonge’ »qui s’ affuble du nom usurpé de ‘’la Communauté internationale’’ et dont l’ ONU est désormais le bras séculier, a deux objectifs clairement discernables : Premièrement, détruire tout dirigeant de l’ espace afro- arabe qui pourrait initier et soutenir un projet politique qui affranchirait nos pays de sa domination; deuxièmement, s’accaparer des ressources financières et imposer à la tête des pays riches en matières premières, des dirigeants qui lui sont, non pas seulement acquis, mais soumis.
Ce n’est pas seulement Kadhafi que les ‘’Blancs’’ veulent tuer, c’est le symbole qu’il représente. C’est le rêve d’émancipation réelle de nos peuples qui est entrain d’être assassiné. C’est l’Afrique dont les richesses ont toujours nourri les convoitises de l’Occident. C’est ce Baobab qu’on abat, pour voir nos enfants hériter de pays qui ne seraient souverains que de nom. C’est la réécriture à l’envers de l’Histoire des 100 dernières années, où se retrouvent à la manœuvre deux des maitres colons d’hier, la France et l’Angleterre. Triste perspective qui constitue pour le peuple africain un nouveau défi, ou à nouveau un défi, si on croyait l’avoir relevé.
Ultime recours
Et pourtant, les faits et les chiffres parlent et rendent un verdict irréfutablement positif sur une gestion politique, financière et économique exemplaires de la Libye par Kadhafi. En Libye, il n’y avait ni prisonnier politique, ni dissident crédible. S’il en existait un, son nom serait claironné sur tous les médias de l’empire en nouveau Lech Walesa ou Vaclav Wavell. Ce pays était entrain de réussir, avec la Jamarhiya, un système de démocratie directe organisée en comités populaires, un modèle politique et économique original, avec 0% de taux de chômage à comparer aux taux de 9.9% de l’Union Européenne et de 8.8% des USA. C’est un pays où les soins de santé et l’éducation sont gratuits, à comparer aux Etats Unis où plus de 40 millions de personnes n’ont aucune couverture maladie ; un pays où tout adulte est propriétaire de sa maison et de sa voiture.
En Libye, 7.5% de la population vit en dessous de la ligne de pauvreté contre 14,3 % aux USA et… 48% au Cameroun. Ces chiffres confirment que les causes de la ‘’ rébellion’’ ne sont pas endogènes, mais d’essence extérieure.
Fait le plus remarquable, Kadhafi a su éviter à son pays le ‘’ syndrome hollandais’’, ce grave déséquilibre économique causé par un apport massif de ressources financières par l’exploitation du pétrole ou du gaz naturel. Des pays aussi variés que les Pays Bas, le Royaume Uni, et tous les pays pétroliers d’Afrique Centrale en ont été, à un moment donné, victimes.
Les pays et les peuples africains se retrouvent sans une organisation établie en pacte de défense collective qui pourrait les soutenir populairement, diplomatiquement, les protéger militairement. La créer serait donc la mission du nouveau panafricanisme dont l’esprit, la doctrine et les actes étaient inscrits dans les actions de Kadhafi.
C’est ce qui doit prévaloir aujourd’hui dans nos pensées, notre discours et notre démarche, c’est un engagement total pour l’avènement des structures et des institutions africaines, une Union Africaine des Peuples qui, seule, peut être notre bouclier contre les convoitises prédatrices des ‘’nouveaux barbares’’. Tel devrait être notre message aux générations futures.
Par Célestin Bedzigui *
* Chairman,
Global Democratic Project
USA