Tel que désormais connu de tous les Togolais, le fichier électoral devant servir pour la présidentielle de cette année a été délibérément gonflé au profit de Faure Gnassingbé par Taffa Tabiou et ses proches du RPT, notamment dans la zone 3 qui concerne la partie nord du pays. Un tel gonflement du fichier électoral dans le nord est à justifier de la manière suivante.
L’arrestation depuis le 15 avril 2009 du demi-frère du président de la République, Kpatcha Gnassingbé et sa détention sans jugement jusqu’à ce jour malgré le flagrant délit, pour, dit-on, atteinte à la sûreté de l’Etat, n’est pas sans susciter de mécontentement dans les rangs des fidèles et proches du député de la Kozah. Faure Gnassingbé et son entourage en sont sûrement conscients. Sûrement qu’ils savent que tous ceux qui avaient donné leur voix lors des législatives pour contribuer à la « victoire » du RPT dans le septentrion, doivent donner rendez-vous à « L’ennemi de Kpatcha » dans les urnes lors de cette présidentielle pour lui donner la monnaie de sa pièce. Les ennemis du député en ont peur.
Tabiou Taffa qui n’a pas été placé fortuitement à la tête de la CENI en lieu et place d’un membre de l’Opposition, doit pouvoir démontrer que ceux qui lui avaient fait confiance ne s’étaient pas trompés. Ainsi, Tabiou contribuera à ce que, dans la zone 3 dite prétendument fief du parti au pouvoir, la liste soit exagérément gonflée pour le faire jouer le moment venu au profit de Faure Gnassingbé. C’est ainsi que des mineurs seront abondamment inscrits avec le concours des chefs de canton, et que des gens se feront également enregistrer plus d’une fois, permettant à certains de détenir plus d’une carte d’électeur.
Nous rapportons ici le témoignage d’une connaissance recrutée, formée et partie de Lomé pour faire office d’opératrice de saisie (OPS) dans la préfecture de la Kozah. Selon elle, de jeunes gens et jeunes filles ont été conduits au niveau de leur bureau. Tous des mineurs ! Ils étaient arrivés sous la conduite du Chef canton. Par exemple, sur la fiche d’inscription qui leur avait été présentée, il y avait un garçon dont le nom est accompagné de la date de naissance : 1994. Lorsque cela a été entré dans l’ordinateur, l’appareil ne l’a pas reconnu comme personne en âge de voter, puisque selon cette date, il avait 16 ans.
S’efforçant de faire comprendre que cela ne pouvait pas passer, le chef canton piqua dans un premier temps une colère « digne d’un chef canton togolais », faisant comprendre à coup de menace : «nous, on ne fait pas ça ici ! ». Vous qui ? Voilà comment déjà en bas âge, des adolescents se voient enseigner l’art de frauder, de tricher, de mentir, d’avoir des comportements inciviques et non citoyens et cela, comble de malheur, par des personnes supposées des gardiens des us et coutumes et comme tels, censés être des gens « sages ». Avec ça, comment veut-on que des fils et filles de ce pays deviennent demain des gens vertueux, quand un vieux les initie aux vices, leur apprend ce qu’il devrait leur déconseiller de faire dans leur vie en tant que citoyens togolais ?
C’est alors qu’il s’était retiré un temps avant de revenir avec l’âge rectifié. On en avait fait de même pour les autres sur la liste. Cette fois-ci, au lieu de 1994, c’est 1992. On en a retranché 2 ans et le compte est bon. Que peut quelqu’un qui a quitté Lomé pour Kara à plus de 400 km des siens pour la première fois, face à un chef canton qui menace qu’on ne fait pas ça ici ? Il finira par se ramollir naturellement. Multiplier ce cas par 20, 30, 50 dans ce centre, et jetez, s’il vous plaît, un coup d’œil sur autant de bureaux d’inscription ouverts dans la Kozah !
Il n’est alors pas étonnant que dans la correspondance adressée le 3 février 2010 par les trois membres de l’UFC siégeant à la CENI au sieur Taffa Tabiou, président de cette institution chargée des élections, ceux-ci dénoncent « un taux d’accroissement de 20% des inscrits pour une prévision moyenne nationale de 7,2%, soit presque trois fois plus et une proportion aberrante d’inscrits ayant 18 ans révolus (environ 700 dans la zone 1; 800 dans la zone 2 et 10.000 dans la zone 3). Ce qui donne l’impression que le but de l’opération n’était autre que le gonflement des listes dans la zone 3 ! ».
La même source nous a informé d’un problème de transfert qui s’était posé, toujours dans la même zone 3. Un monsieur originaire de la Kozah qui aurait précédemment voté à Lomé, voulait procéder à un transfert pour pouvoir voter pour la présidentielle dans la Kozah. Ils avaient essayé de lui expliquer qu’en principe, c’est à partir de Lomé que ce transfert pourrait se faire et non à Kara. Après avoir contacté le Président de la CELI de Kara, cela lui aurait été rendu possible. En principe il devait, dès lors, se voir retirer l’ancienne carte une fois que le transfert a été accordé. Il a été autorisé à conserver les deux. Cela lui donnera la possibilité de voter deux fois tout naturellement, s’il le désire.
Notre relation nous a confirmé par ailleurs les sérieux problèmes auxquels ils ont été confrontés dans l’utilisation des kits. Il avait fallu pour une seule personne à inscrire, jusqu’à trois séances avant que la dernière ne fût la bonne. Au lieu de fermer les bureaux à 16 heures, il avait fallu prolonger jusqu’à 18 heures. Ç’aurait été dans les zones 1 et 2, on n’aurait même pas tenu compte du dysfonctionnement au niveau des kits et autoriser les prolongations.
Voilà des éléments de preuve qui démontrent le désordre et la pagaille dans lesquels la révision des listes électorales a été organisée dans le nord. Les kits commandés dans la précipitation par le Gouvernement, au lieu que ce soit par les soins de la CENI habilitée à passer cette commande, voilà les problèmes qu’ils ont posés et que les membres de la CENI (UFC) dans leur correspondance ont relevés et que le sieur Taffa Tabiou lui-même, dans l’impossibilité de nier, à un moment donné, a reconnus.
En principe, cette révision devrait être reprise pour avoir un fichier fiable, si le Pouvoir n’a pas peur d’être mis à nu dans cette tricherie organisée en amont. Aujourd’hui, rendez-vous des partis politiques de l’Opposition, du Gouvernement et du RPT avec le Facilitateur Blaise Compaoré. Les Togolais devront attendre pour voir, si l’Opposition réussira avec preuves à l’appui, à obtenir tout au moins, à défaut du scrutin à deux tours, la prolongation de la date fixée préalablement au 28 février.
Alain SIMOUBA