Dahuku Peré: Gilchrist seul pourra se sortir du traquenard où il s’est jeté

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D’aucuns se demandaient encore si le président de l’Alliance Démocratique pour la Patrie communément appelée ALLIANCE avait perdu sa langue. Depuis un bon moment, Dahuku PERE puisqu’il s’agit de lui ne s’est plus du tout prononcé sur l’actualité politique nationale pourtant riche en faits, notamment la guéguerre à l’UFC, le bras de fer entre autorités et responsables du FRAC concernant les marches hebdomadaires et les prières à l’église Salem de Hanoukopé. Et bien, votre site préféré Lynx a réussi à joindre celui que ses compatriotes appellent affectueusement « l’apprenti chrétien ».  Dans l’interview ci-dessous et qui fait office de sa première sortie médiatique  après un long temps de silence, Dahuku PERE revient entre autres, sur le projet de société de son parti intitulé : « Quel Togo construire », l’entrée de l’UFC au gouvernement, ses relations avec le FRAC, la politique de réconciliation entamée par Faure. Lecture.

Lynx.info: Vous venez  de dédicacer  le projet de société du parti L’ALLIANCE. Exposez-nous succinctement  les  grandes  lignes de  ce projet.

Dahuku Péré: À L’ALLIANCE, nous avons observé la société togolaise telle qu’elle est et fonctionne  aujourd’hui. Il est clair pour nous que ce n’est  pas cette société-là que nous voulons, que les Togolais veulent. Partant de ce constat, nous avons répondu, dans notre projet de société, à la question :   « Quel Togo construire ? ».
Notre réponse est modulée en quatre phases :
– la première met l’accent sur les conditions susceptibles de garantir à notre pays la paix sociale et un redressement économique durable ;
–  la deuxième définit les grands axes d’actions que L’ALLIANCE pense poser pour transformer la société togolaise actuelle en une société nouvelle ;
–  la troisième expose les stratégies de développement à appliquer ;
–  la quatrième présente les bases nouvelles de coopération, dans les relations extérieures du  pays, pour une coopération plus utile et plus profitable au développement;
–  Enfin, une brève conclusion esquisse le profil des hommes et des femmes de cette société nouvelle, en indiquant les valeurs essentielles servant de motivation aux artisans de cette société que nous sommes tous, citoyennes et citoyens du Togo d’aujourd’hui.
S’agissant des conditions de la paix sociale et d’un développement socio-économique durable, nous en avons souligné principalement trois :
– la réconciliation nationale,
– l’unité de tous les Togolais autour de l’idée de Nation, de préférence à l’ethnie
– la justice et l’équité pour tous en matière de droits et devoirs.

Parlant particulièrement de la réconciliation nationale, nous avons souligné que, si elle est bien réalisée, elle va permettre de réanimer la flamme de l’unité nationale dans les cœurs des Togolais. Bien réconcilier, c’est amener les Togolais à accepter de se demander pardon, puisqu’à l’évidence ils se sont offensés, et à s’accorder le pardon, puisqu’après tout la vie doit continuer. Ce pardon doit être accordé, non seulement aux vivants, mais aussi aux morts ; et les morts qui ont besoin de notre pardon, ce sont, entre autres, tous les premiers dirigeants de notre nation qui sont morts et ont été enterrés  sans notre reconnaissance et nos égards. Cette réconciliation doit être réalisée pour que nous puissions nous atteler ensemble à reconstruire notre pays.
Tel se présente, pour l’essentiel, le contenu du projet de société de L’ALLIANCE.

 Préparez-vous ainsi les locales prévues en 2011 d’après les autorités ?

Telle n’a pas été notre intention en concevant notre projet de société, ni en l’imprimant. Mais puisque vous nous y faites penser, nous  voulons dire que nous ne serons pas mécontents s’il contribue à faciliter les choses à ce niveau.

Qu’est-ce qui a motivé le président de l’Alliance à sortir de son mutisme après un long moment de silence ?

Chacun se tait souvent pour mieux réfléchir à ce qu’il veut dire ou faire. Et quand  la réflexion est terminée, il passe à  la parole ou à l’action. Cela a été notre cas.

Parlons du divorce intervenu entre-temps entre vous et votre compagnon de lutte  Agbéyomé Kodjo. Que s’était-il passé pour que ce dernier claque la porte de L’ALLIANCE, un parti  cofondé au départ par vous deux ?

Je suppose qu’il a voulu quitter L’ALLIANCE pour créer et présider son propre parti. Je n’ai rien trouvé à y redire. Mais, c’est faire une injustice aux autres membres fondateurs de L’ALLIANCE que de dire que nous l’avons cofondée à deux. Car, en réalité, nous l’avons cofondée à quatre-vingt-dix au moins. Et je voudrais qu’on ne me fasse plus revenir à cette histoire.

Comment se porte à présent l’Alliance Démocratique pour la Patrie, votre formation ?

L’ALLIANCE se porte tout à fait bien. Elle se prépare à partir à la reconquête du territoire national pendant qu’elle contribue à régler les problèmes politiques actuels de notre pays.

Les Togolais vous ont vu ces derniers temps en compagnie des responsables du Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC). Comment se passe alors la collaboration avec vos amis de ce front ?

L’ALLIANCE a été la pièce maitresse pour la création du FRAC et la désignation du candidat commun, Jean-Pierre FABRE. Il importe que nos compagnons de lutte aient l’honnêteté intellectuelle et morale de le reconnaître. Elle est actuellement déçue de voir  que certains responsables de partis membres, après avoir banalisé toute réflexion stratégique pour la consolidation juridique et politique du FRAC, ont tenté   de déformer  les réalités. A quelle fin ont-ils voulu le faire ? Il est difficile pour moi de le savoir. C’est pourquoi  L’ALLIANCE, sans avoir quitté ce regroupement malgré tout, veut néanmoins conserver une autonomie de réflexion stratégique pour être en mesure de prendre, à tout moment, toute initiative  susceptible de contribuer à la sortie de crise.

Certains journaux de la place avaient rapporté des informations selon lesquelles vous menaciez de vous retirer des marches du FRAC  si Agbéyomé Kodjo continuait à y prendre part. Qu’en est-il exactement ?

Non, non et  non ! Les choses ne se sont pas passées ainsi. Il est dommage, dans notre pays, que l’on ne cherche pas à comprendre les autres, mais que l’on s’évertue plutôt  à les diaboliser sur des a priori, des supputations et des soupçons.
 Nous avons tenu, au FRAC, des réunions pour discipliner, mieux organiser et tenir, à la demande de L’ALLIANCE, des discours cohérents et responsables aux populations à l’occasion des marches qui sont évidemment des occasions de sensibilisation massive sur les vrais problèmes de notre pays. Tout groupe organisé doit se donner des règles à respecter par ses membres. L’improvisation dans la situation actuelle de notre pays n’est donc pas de règle sous quelque prétexte que ce soit.
L’ALLIANCE a seulement soutenu que tout ce qui doit être dit aux populations à l’issue des marches, même par des personnes extérieures au FRAC, doit pouvoir être assumé par le FRAC, et donc par les partis qui le composent. Nous avons précisé que, si L’ALLIANCE est mise devant le fait accompli de messages délivrés dans lesquels elle ne se retrouve pas, nonobstant les règles dont il a été convenu, elle se réserve le droit de protester.
Nous voulons être clairs : nous n’avons rien contre Agbeyomé à ce point.
 Ce qui est décevant c’est que, dans des situations pareilles et après des réunions tenues au plus haut sommet du FRAC, certains responsables puissent tenir de tels propos,  dans les medias.
 
Le paysage politique national prend une autre configuration depuis l’entrée de l’UFC au gouvernement RPT. Quelle appréciation avez-vous de ce bouleversement majeur dans l’histoire politique du pays ?
 
Je saisis d’abord l’occasion pour déplorer que le « gouvernement de large union et de grande compétence » annoncé au peuple et aux acteurs politiques que nous sommes, ait été réduit à quelques personnes d’une partie d’un parti politique en implosion,  l’UFC.
L’entrée au gouvernement des hommes de Gilchrist Olympio, si elle avait été négociée avec les partis du FRAC  et, pourquoi pas, avec les autres formations de l’opposition, aurait pu, d’un certain point de vue, avoir un impact décisif sur l’avenir politique du pays. Malheureusement, M. Gilchrist Olympio n’a pas su bien analyser la donne politique du moment et s’est fourvoyé dans sa démarche solitaire. Démarche solitaire, puisque nous constatons que les hommes qui sont aujourd’hui dans ce gouvernement et qui se réclament de lui ont été visiblement actifs aux côtés de Jean-Pierre FABRE et exécutaient les marches hebdomadaires du FRAC. Maintenant qu’il a choisi de suivre le chemin de  l’exclusion après avoir longtemps protesté contre celle-ci quand elle le frappait, nous attendons de voir comment lui seul pourra se sortir du traquenard où il s’est jeté. Que Dieu l’accompagne et l’y aide !

Quel rôle entend désormais jouer L’ALLIANCE dans cette nouvelle dynamique ?

L’ALLIANCE a toujours donné la plus grande importance à la question de la réconciliation nationale. Elle va continuer à s’y investir et, probablement, insister auprès des autres responsables de l’opposition pour qu’ils en fassent de même, afin qu’il en résulte du bien pour la Nation. En effet, je ne vois pas comment une réconciliation nationale pourrait se faire avec succès sans une réconciliation entre les hommes politiques. Il leur appartient, par ailleurs, de faire en sorte que les dépositions qui doivent être prises en compte pour la réconciliation, soient faites, dans les délais, par les populations.  Ensuite, ils ont l’obligation de les suivre afin d’obtenir, dans le cadre de la réconciliation, des réformes institutionnelles et constitutionnelles qui nous réconcilient vraiment. L’ALLIANCE s’implique déjà auprès de ses militants en ce sens et pourrait tenter, dans les jours à venir,  de se rapprocher des autres partis pour une meilleure coordination des actions.

Certains de mes frères d’ethnie me reprochent de vouloir, selon eux, arracher le pouvoir aux gens du Nord pour le remettre entre les mains des gens du Sud. Mais, je leur réponds solennellement, aujourd’hui, que ma préoccupation est plus noble que cela : elle concerne la réconciliation entre tous les fils et filles de ce pays, pour qu’une véritable nation naisse au Togo et pour que des relations fraternelles sincères soient cultivées entre les Togolais.
J’ai été profondément peiné de découvrir, avec la Conférence nationale en 1991, que l’unité nationale et la fraternité que les slogans politiques et  les chants d’animation célébraient à longueur de journées n’étaient pas sincères. Je suis, en outre,  bien placé pour dire aujourd’hui que la mission historique de l’ancien parti unique et de son chef était de corriger cette situation  au sein de la nation, due à un excès de mensonge. C’est à cette fin que le parti et ses dirigeants ont bénéficié d’un sursis jusqu’à ce jour.
Cela ne signifie pas, néanmoins, que les partis adverses nouvellement créés avaient bien fait ce qu’ils devaient faire, bien loin de là.
A présent, il est temps de constater que nous sommes, tous, allés trop loin et que chacun doit prendre désormais ses responsabilités et rendre à notre nation ce qu’il lui doit. Tous ceux qui attendent encore de créer un cataclysme seront plutôt déçus. Chacun doit, humblement, prendre le chemin de retour vers la maison « Togo ». Cette fois-ci, la récréation est vraiment terminée, pour tous.

Quelle image avez-vous du Togo d’aujourd’hui ?

Un pays abandonné, je ne sais pour quelles raisons, à ses problèmes par les puissants de ce monde. Mais, heureusement, les enfants qui sont abandonnés dans des conditions semblables et qui réussissent à se développer malgré tout, deviennent généralement de bons adultes, responsables. C’est ce que j’espère pour les Togolais, grâce à Dieu.

Parlons de votre entrée au gouvernement. D’aucuns disaient que vous étiez partant pour en faire partie. Qu’est-il arrivé pour que l’on ne voie aucun membre de L’ALLIANCE dans ce gouvernement ?

Précisons d’abord quelques nuances pour une bonne compréhension des choses. On ne fait partie d’un gouvernement  sur simple appel en consultation. Nous avons déjà évoqué plus haut les a priori que certains acteurs politiques développent dans leurs réactions ou leurs réflexions face aux prises de position ou aux actes d’autrui.
Les partis du FRAC ont été individuellement invités en consultation par le Premier Ministre. J’ai tenté d’expliquer aux autres partis membres du FRAC pourquoi il était nécessaire de répondre à cette invitation. Mais, accrochés à leur principe de refus, ils n’ont pas fait d’effort pour me comprendre.  L’ALLIANCE, quant à elle, a estimé qu’il fallait répondre à cet appel  et  tenter, d’une manière ou d’une autre, d’avoir un impact sur la composition du gouvernement, sur l’accomplissement de sa mission et sur les échéances électorales ultérieures.
Nous avons à cet effet rencontré le Premier Ministre et fait valoir nos points de vue, ainsi que les conditions qui nous décideraient à prendre part au gouvernement, comme l’ont fait d’ailleurs  d’autres partis qui ont répondu au même appel.
Quant aux raisons ou motifs qui ont amené le Premier Ministre à ne faire nommer aucun membre de l’Alliance au gouvernement, je n’en sais rien. Il faut lui poser la question. En tout cas, ce n’est certainement pas pour une raison de compétence. Les compétences et l’expérience, l’Alliance en a suffisamment.

Un mot sur la politique de réconciliation entreprise par Faure. Cette politique est-elle bien entamée selon vous ?

Bien entamée ou pas, elle est tout de même lancée et il appartient aux partis politiques de s’organiser pour que le processus de réconciliation se déroule bien et apporte aux Togolais le changement qu’ils continuent d’attendre. Nous pensons, à L’ALLIANCE,  que l’opposition ne perdra pas à cette réconciliation, si celle-ci est bien réalisée, et  le peuple  non plus d’ailleurs.
 
Quel appel avez-vous à l’endroit de la jeunesse togolaise ?

L’histoire qui se joue aujourd’hui est déterminante pour demain. Nous voulons jouer le rôle qui nous revient aujourd’hui pour qu’ils héritent, demain, d’une nation réconciliée, et qu’ils  aient à jouer pleinement le rôle qui leur reviendra, celui de développer le pays et de le faire progresser.

Qu’avez-vous comme message à l’endroit des politiques ?

Nous devons répondre correctement, aujourd’hui, à la question de savoir quel pays nous voulons léguer à nos enfants. Une nation soudée et prête à reconstruire ce qui doit l’être, ou une nation divisée et incapable de poser une brique sur l’autre ? Je pense, pour ma part, que nous devons régler tous les problèmes de division aujourd’hui pour que nos enfants, demain, aient surtout à faire face aux tâches de construction du pays. J’exhorte le peuple togolais, particulièrement les intellectuels et les politiques, à lire le livret de L’ALLIANCE, « QUEL TOGO CONSTRUIRE », et à faire l’effort de comprendre la cause que nous défendons. Car nous estimons que nous avons tous  une grande part de responsabilité, directement ou indirectement, dans la situation sociopolitique actuelle de notre pays.

Pour finir, croyez-vous en l’avenir de ce pays ?

Je continue à me battre parce que je crois en un avenir pour mon pays. Personne, aujourd’hui ne peut me faire changer d’avis. Mettons seulement fin à nos turpitudes et passons, enfin, aux choses sérieuses.

Anicet Moutouari Lynx.info

 

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