Gerry Taama : « Sois toi même le changement que tu veux voir pour ton pays».

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Mesdames messieurs les délégués, membres du NET

Mesdames  messieurs les journalistes

Honorables invités

 Je voudrais commencer ce discours en plaçant ce parti que nous venons de porter sur les fonds baptismaux sous la protection de Dieu. Tous ici présent, nous venons certes de religions différentes, de confessions diverses, mais toutes ces croyances ont un dénominateur commun : Dieu. Puisse-t-Il donc nous protéger, nous accompagner dans notre action et permettre à tous ceux qui sont venus de loin de retrouver la quiétude de leur domiciles et familles. Puisse-t-Il surtout, bénir le Togo, et tous les Togolais. Notre pays, tout comme plusieurs pays de la sous-région, est à l’orée de grandes décisions concernant son avenir. Puisse le Tout Puissant nous inspirer pour faire le bon choix.

Je souhaiterais aussi particulièrement demander au Seigneur d’accorder une prompte guérison à M Noel Tadegnon, mon ami, et grand défenseur de la liberté d’expression au Togo. Je ne sais pas encore dans quelles circonstances il a été blessé par les forces de l’ordre, mais rien, absolument rien ne devrait plus jamais permettre de mettre dans cet état un Togolais, soit dans l’exercice de sa profession, ou dans l’expression de son opinion. La République que nous souhaitons bâtir devrait se départir de ce genre d’égarements.

J’aimerais ensuite, si vous me le permettez, rendre ici hommage à tous ceux qui, par leur action et leur engagement, ont permis que le Togo soit. Je commencerai par tous ces peuples qui ont vaillamment résisté à la pénétration coloniale. On ne le dit sans doute pas dans nos livres scolaires, mais ma conviction intime est que tous les peuples au Togo ont lutté contre l’invasion du blanc. Certains ont pensé qu’il fallait apprendre sa science pour mieux le combattre, et d’autres, plus farouche, lui ont opposé les flèches et lances contre ses mousquets et autres arquebuses. L’histoire a, de droit, gardé le souvenir des martyrs, permettez-moi donc de célébrer ici la mémoire des guerriers Kabyè, losso, bassar, komkomba, tchokossi j’en passe et des meilleurs, qui ont donné leur vies afin que persiste dans notre conscience, la flamme de la résistance.

Je souhaiterai aussi rendre un vibrant hommage aux pères de l’indépendance, et ils ont été nombreux. Ceux que l’histoire nous a transmis s’appelaient Sanvi de Tové, Pa de Souza, Anani Santos, et surtout Aithson : remuant et déterminant. Le plus célèbre de tous, et sans doute le plus charismatique et le plus capable, était Sylvanus Olympio. Tous ces gens ont fait notre histoire, et nous devons honorer leur mémoire. Mais nous devons aussi honorer celle de tous les acteurs qui ont contribué à l’édification de la nation togolaise. Je citerai pèle mêle les populations de Lomé de l’époque coloniale, les femmes surtout, qui continuent à jouer un rôle déterminant dans notre société. Et tous ces hommes politiques, de tous les partis politiques : les chefs traditionnels du nord, les leaders du CUT, du PTP, du JUVENTO, de l’UCPN…. Je voudrais aussi saluer la mémoire de tous les anciens chefs d’Etat disparus. L’histoire a ceci de cruel qu’elle ne rapporte de ceux qui ne sont plus, que les conséquences de leurs actes, sans jamais aller à la rencontre de l’homme. Permettez-moi donc ici, de saluer la mémoire de Nicolas Grunisky, de Kleber Dadjo, de Gnassingbé Eyadema. Tous, chacun à sa façon et avec ses moyens, a cru concourir au bonheur du peuple Togolais. Chez moi, d’où je viens, un adage dit  «  qu’on ne parle jamais d’un défunt en mal ».

Pour finir cette longue litanie d’hommage, j’aimerais ici, mesdames et messieurs, dire toute mon admiration pour ceux qui, depuis des années, incarnent la lutte politique au Togo. Je commencerai par le plus intrépide et le plus visible de tous, celui qui, depuis 20 ans, est resté inflexible sur ses principes, j’ai nommé Jean-Pierre Fabre. Comme vous le savez, j’ai souvent des points de vue divergents avec lui sur son approche, et c’est de bonne guerre, mais ne nous trompons pas, au rang de résistants de notre génération, je ne connais personne qui fait mieux que lui dans ce pays, et un hommage particulier doit lui être adressé. Je n’oublierai pas un homme politique que je considère aujourd’hui comme un ami personnel, et qui m’a subjugué par la pénétration de son esprit et sa clairvoyance sur les enjeux politiques de notre pays, un homme qui incarne à lui seul, l’histoire contemporaine de notre pays, cet homme, c’est M Agboyibo. Beaucoup d’injustices lui ont été faite durant son parcours politique. Je lui rends personnellement hommage. Il est un puits de savoirs et d’expériences, où nous autres jeunes loups nous pourrions trouver une source intarissable d’inspiration. Je rends enfin hommage à tous les martyrs, civils et militaires qui, depuis 52 ans, ont été sacrifiés à l’autel de la République. Puissions-nous, par notre engagement, rentabiliser leurs souffrances.

Je n’oublierai pas ceux qui ont permis que la salle soit comble aujourd’hui, à savoir les journalistes. Ils sont les seconds piliers de la république, avec l’école. Au Togo, ils travaillent dans des conditions exécrables, mais pourtant, ils conservent un enthousiasme que je leur envie secrètement. J’aimerais particulièrement que l’on fasse un ban à tous les journalistes togolais. Ils sont comme ce pays que nous aimons tant : dignes dans la précarité.

Il y a aussi des délégués qui sont venus de loin, du Nord du pays, des pays limitrophes, Benin, Ghana, et j’en passe. Je voudrais aussi que vous leur fassiez un ban. Ils sont notre plus grande fierté.

J’aimerais maintenant, si vous le permettez mesdames et messieurs, partager avec vous cette réflexion empruntée à Kennedy « Sois toi même le changement que tu veux voir pour ton pays». Voyez-vous, l’histoire du Togo des vingt dernières années peut se résumer en ces quelques mots: un immense gâchis.  En effet, alors que la lutte pour l’ouverture démocratique (avec son cortège de victimes) avait suscité un extraordinaire espoir chez les Togolais, il a juste fallu quelques années pour réaliser que les lendemains qui chantaient étaient encore loin.

Le résultat aujourd’hui est que notre pays est dans l’impasse. Comparé à d’autres pays de la sous-région, il est celui où la crise politique dure le plus longtemps. Il est celui où les institutions sont le plus inféodées au pouvoir en place. Il fait partie des pays où les performances économiques sont les plus mauvaises. Il est, pour finir, l’un des rares de la sous-région où la pauvreté progresse.

Le Togo va mal. Son développement est handicapé à notre avis par trois problèmes majeurs: une crise de confiance entre acteurs politiques, une mauvaise volonté politique de la classe dirigeante, et une faible organisation structurelle relative à 50 ans de gouvernance à la carte.  Les manifestations sociales de 2011 montrent avec éloquence que le malaise social est profond, et que l’explosion n’est pas loin. Pour autant, personne n’a intérêt à voir cette situation exploser, car toute révolution est imprévisible et incontrôlable. Les conséquences d’un tel déchainement de rancœurs enfouies pourraient être fatales pour la reprise économique et le tissu social du pays.

Une solution existe pourtant. L’engagement politique. Le dictionnaire Larousse nous dit que l’engagement politique est le « fait de prendre parti sur les problèmes politiques ou sociaux par son action et ses discours ». C’est cela, notre engagement, le fait de prendre le parti sur les problèmes politique et sociaux de notre pays. Pourquoi ? Parce que nous avons le suffrage universel, parce que tous les deux ou trois ans, nous sommes appelés à voter les leaders qui vont nous gouverner. Si notre choix n’est pas lucide, nous sommes autant responsables que ceux que nous croyons être à l’origine de nos souffrances.  Mais ne nous trompons pas. Tout engagement doit avoir des objectifs. Et nous en avons, au NET. Au delà de ce que vous pouvez lire dans le manifeste que nous vous avons distribué, et qui rassemble les objectifs généraux, qu’on trouverait facilement dans tous les partis, nous les avons regroupés en trois grands ensembles : la lutte contre la précarité, la consolidation de la démocratie, et la refonte de notre système éducatif.

Les Togolais sont pauvres. En 2006, nous les pauvres, faisions 62% de la population. Aujourd’hui, en 2012, si l’on s’en tient aux déclarations de représentant résidant de la Banque Mondiale au Togo, il y a eu depuis, une augmentation de 500 000 pauvres au Togo, portant le taux à 70% de la population. Il faut que ça cesse. Il faut inverser la tendance. Pour ce faire, et en attendant la publication de notre programme de société que le bureau ici présent ne va perdre le temps à s’y atteler, je vais vous présenter quelques pistes de réflexions qui nourrissent déjà le débat interne. La lutte contre la précarité devrait, sur le court terme concerner avant tout la réduction des coûts des denrées de première nécessité. Comment voulez-vous acheter le litre d’huile trois fois plus cher que son prix d’il y a à peine 5 ans, alors que votre salaire, lui, n’a pas bougé d’un iota. Comment voulez- vous acheter le carburant au même prix que les Maliens par exemple, alors qu’ils habitent à des milliers de kilomètres des ports d’où ils importent eux aussi leur carburant. Comment voulez-vous, quand vous allez au Benin à coté, passer plus de temps avec un appel téléphonique d’une carte de 2000F vers le Togo, que le temps que vous passez avec un achat du même coût, pour un appel local au Togo. Je m’arrêterai à ces exemple pour dire qu’il faut des mesures urgentes pour juguler la spéculation et la hausse anarchique des prix des denrées de base. Mais à moyen terme, il est évident qu’il faut élever le niveau de vie des populations togolaises, en doublant ou en triplant les salaires, et en subventionnant les entrepreneurs privés pour accompagner le mouvement. Vous me demanderez, mais avec quel argent ? Celui que la corruption et le clientélisme aux plus hauts niveaux de l’Etat ponctionnent chaque année sur le budget national. Tous les économistes qui se sont penchés sur la situation togolaise sont presqu’unanimes qu’on peut récolter au minimum 200 milliards de francs CFA au Togo rien qu’en luttant contre la corruption érigée en mode de gouvernance. La masse salariale Togolais est de 114 milliards.

Sur le long terme, il est évident que nous n’assurerons notre vrai décollage économique que par l’accroissement des investissements directs extérieurs. Ceci créera des milliers d’emplois, dans des domaines aussi épineux que l’emploi des jeunes dans les zones rurales, la promotion des énergies renouvelables, la production de l’eau potable, et surtout fera éclore cette fameuse classe moyenne sans laquelle la consolidation de la démocratie est si difficile. Bien entendu, il faudra assainir le climat des affaires, et faire une vraie réforme de la justice.

Et là, j’aborde le second point des nos objectifs : la consolidation de la démocratie. Le président Obama a dit, lors de son passage au Ghana, que l’Afrique n’avait pas besoin d’homme forts, mais d’institutions fortes. Des institutions fortes et indépendantes sont les seuls gages d’une véritable démocratie au Togo. Et comme il est permis de le constater aujourd’hui dans plusieurs pays, démocratie rime souvent avec prospérité. Les réformes à mener pour retrouver les standards internationaux ne sont plus à lister. Tout le monde les connait. Ce qui est le plus difficile, c’est de trouver le moyen de faire ces réformes. La solution passe par la concertation et le dialogue, ou le passage en force.  Personnellement, je n’ai jamais admis le refus du dialogue. Nous disons dans notre manifeste, que tout ce qui est bien pour le Togo, est bien pour nous. Et dans un pays comme dans une maison, les frères ne devraient jamais éviter de se parler. Aussi déplorons-nous toutes les positions tranchées prises à ce jour par tous les protagonistes à la crise togolaise. Prenez vos responsabilité, voila ce que j’ai envie de leur dire aujourd’hui. Vous tous, leaders politiques de tous bords au Togo, prenez vos responsabilité. Faites votre travail, remettez ce pays sur les rails, et nous en serons, nous les jeunes, la force motrice. Si vous ne le faites pas, nous prendrons votre place, dans cinq, dix, quinze ans, et nous vous montrerons comment faire, car nous autres, générations facebook et twitter, nous savons comme vivre ensemble dans l’adversité, la diversité d’opinion étant une force vivifiante. Mais si la voie du dialogue coince, le passage en force est toujours possible, pour peu que ce soit dans l’intérêt de la notion togolaise. Entre nous, qui irait manifester si demain, Faure décidait de limiter les mandats à deux, avec effet immédiat, si le mode de scrutin devenait uninominal à deux tours, si on faisait une réforme volontariste de notre système judiciaire, qui est encore assez mauvais. Il suffit simplement de se rendre compte que n’ayant pas de tribunal administratif, et les différentes chambres dans les cours d’appel et suprêmes n’étant que partiellement pourvus, un différent administratif peut passer près de 10 ans avant d’être jugé, pour avoir des sueurs dans le dos. Si le gouvernement actuel fait des réformes respectant les standards internationaux, le peuple togolais appréciera, et suivra, j’en sui convaincu. En 2011, le gouvernement a passé par force la loi portant réglementation des manifestations sur la voie publique. Certains partis de l’opposition avaient fustigé cette pratique, mais aujourd’hui, ces mêmes partis utilisent cette loi pour organiser les manifestions en semaine à Lomé et à l’intérieur du pays.

Quel que soit le gouvernement au pouvoir, la consolidation de la démocratie est possible, pour peu qu’il y ait de la volonté politique. Jerry Rawlings l’avait fait, à son époque. Il a doté son pays d’institutions fortes puis il a rendu le tablier. Nous pouvons le faire nous aussi, ici, maintenant.

Pour finir, le troisième objectif concerne la refonte de notre système éducatif. Le Togo reste un pays avec un taux d’alphabétisation très élevé, et ceci est un objet de fierté. Cependant, notre système fabrique de plus en plus des automates, qui assimilent plus l’enseignement livresque que ne le comprenent. Résultat, et pour cela il suffit de demander au directeur de l’ANPE, nous avons beaucoup de demandeurs d’emploi au Togo, mais peu sont qualifiés. Sur le cours terme, il faut refaire les états généraux de l’éducation nationale togolais. En se posant la question suivante. Que type de togolais voulons-nous avoir dans 20 ans ?

Pour atteindre tous ces objectifs, nous avons plusieurs moyens d’action. Bien entendu, le premier est la conquête du pouvoir par les moyens pacifique. Mais cette ambition est encore embryonnaire. Nous sommes si jeunes, nous avons le temps. Mais nos moyens d’action véritable sont la formation militante, la sensibilisation citoyenne, et la solidarité nationale. Par formation militante, nous considérons que le Togolais qui ne comprend pas les enjeux politiques, jette son vote pas la fenêtre. Depuis longtemps dans ce pays, on nous a dit que le vote était identitaire. Regardez la composition de notre bureau directeur. De quelle région sommes-nous ? Il existe deux régions au Togo : celle des vautours (ceux qui pillent le pays) et celle des misérables (cette  misère étant soit matérielle ou psychologique). Il faut que le Togolais comprenne son vote, et pour ce faire, il faut le lui expliquer. Nous nous y attèlerons avec énergie. Notre siège est en même temps un centre de formation, et tous nos sièges, partout sur le territoire national, seraient conçus ainsi. Nos militants doivent maitriser les enjeux pour mieux convaincre, pour mieux susciter l’adhésion. Le second pilier est la sensibilisation citoyenne. Au NET, nous considérons qu’un mauvais citoyen est un danger pour le développement de son pays. Mais nous ne nous contenterons pas de dénoncer les attitudes inciviques, non. Nous irons dans vos maisons, sur vos espaces de travail, dans vos champs pour vous dire ce qui est bien pour le pays et votre communauté, afin que vous soyez de vrais acteurs de développement. Notre troisième pilier est la solidarité nationale. Au NET, nous considérons qu’il ne faut pas attendre d’être au pouvoir pour être utiles à sa communauté. L’entraide dans nos villages est un mode de vie. Nous devons pouvoir nous l’approprier, pour nous rendre solidaires avec ceux qui souffrent et vivent dans l’extrême précarité.

J’ai commencé cette communication en empruntant une citation à Kenedy :  » Sois toi même le changement que tu veux voir pour ton pays ». Nous pouvons changer ce pays. J’en ai la conviction, vous tous qui êtes dans cette salle, vous en aviez la conviction, mais il ne suffit pas de le proclamer pour que cela soit. Nous disons ensemble, nous voulons envoyer des députés à l’assemblée nationale dès 2012. C’est possible, c’est réalisable. Mais il ne faut pas juste le vouloir. Il faudra des sacrifices, de la sueur, et des larmes parfois, pour y arriver. Certains parmi vous auront des doutes, parfois. D’autres retournerons leur veste, certains parmi nous ici, peut être sont en service d’information sur notre action. Tout ceci est normal. Mais voyez-vous, et je terminerai sur cette évocation religieuse : lorsque Jesus (pour les chrétiens présents dans cette salle) ramena Lazare du royaume des morts, ils ne dit pas à ces disciples : « Aidez Lazare à marcher, il vient de loin, de l’au-delà. » non, dès l’instant où Lazare avait le souffle de la vie, il lui a dit : Lazare, lève toi et marche. Aujourd’hui, si j’ai une chose à vous dire, mesdames et messieurs, c’est : « jeunesse togolaise dotée de raison, lève-toi et prend ton destin en main, lève toi et marche ». Nous sommes 70 % de la population. Il y a 70% de pauvres dans ce pays. Pourtant, il faut juste 50% de Togolais pour élire nos gouvernants. Si nous continuons à avoir les mêmes dirigeants depuis des décennies, ce n’est plus eux qui ont un problème, mais nous plutôt.

 » Sois-toi même le changement que tu veux voir pour ton pays »

Je vous remercie.

BP: 13BP414
Tel: 90 32 47 27/ 99 53 53 23
Mail: gerry@taama.net

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