Il y a quelques semaines nous apprenions qu’un sous-marin russe était entré dans les eaux du Golfe du Mexique sans que les Américains s’en aperçoivent et les déclarations des uns et des autres ne peuvent que surprendre : agressivité latente de Romney peut-être pas seulement en quête de voies électorales, différents divers entre l’Occident et la Russie, la guerre de l’information fait rage.
Elle fait d’autant plus rage que les enjeux sont en faits extrêmement importants. En 1989 à la chute du Mur de Berlin puis dans les années qui voient l’effondrement du bloc de l’Est, le camp occidental assistait à la défaite d’un ennemi qui faisait peur, souvenons-nous de la psychose de la 3ème Guerre mondiale, des abris atomiques et des films américains de l’époque, de Rambo à l’Aube Rouge… Mais pendant que l’Occident savourait « sa victoire », et s’endormait sur ses lauriers dans la satisfaction d’une opulence de plus en plus évidente, à l’Est, la Russie n’est pas restée statique. Jugée comme un pays « arriéré » plombé par 70 ans de communisme et de stalinisme, il y a peu de personnes en Europe ou aux USA qui auraient prédit un réveil aussi spectaculaire de la Russie.
Car durant cette période de 20 années où l’Occident a vu l’apogée de sa domination, elle a connu également une suite ininterrompue de crises économiques et sociales dans la plupart des pays : chômage, immigration, fracture sociale, appauvrissement, croissance en berne, moral dans les chaussettes, étrange contraste de « vainqueurs » fatigués et à cours d’idées, qui se retrouvaient en fait face aux problèmes du futur, la guerre pour les hydrocarbures, une guerre de religion dont personne ne parle, et la guerre de l’eau et des ressources alimentaires en général qui ne fait que commencer, sous fond de réchauffement planétaire, de productions céréalières en chute, le tout dans un univers de concurrence commerciale féroce.
Mais à l’Est, la Russie a relevé la tête non pas en 21 ans, mais en une grosse décennie, ayant connue une crise économique grave en 1998. Après la terrible période de 1985 à cette dernière date, la Russie s’est ouverte et à force de travail est en train de reprendre toutes les « places » auparavant cédées. Aux USA, les analystes ne s’y trompent pas, c’est ainsi que les Américains n’hésitent pas à courtiser les anciennes républiques soviétiques du Sud de la Russie, à s’aventurer jusqu’en Afghanistan et à tenter de mettre échec et mat tous les adverses dangereux qui se trouveraient en position de jouer un rôle dans les futurs conflits commerciaux, stratégiques ou militaires. Cette guerre du futur, les USA la mènent depuis déjà bien longtemps s’engageant profondément dans des interventions de plus en plus lointaines.
Les enjeux comme je l’ai déjà dit tournent avant tout autour de ressources, qui sont en fait convoitées par ceux qui de fait en consomme le plus : les pays de l’Occident. Les hydrocarbures ne sont qu’une des composantes de ces enjeux, purement commerciaux. Tandis que des pays comme la France se désarment en partie, d’autres et même beaucoup d’autres s’arment, s’équipent, en Asie, en Orient, mais aussi en Amérique du Sud, il est flagrant de voir que dans le Monde, l’industrie de l’armement ne s’est jamais mieux portée que ces dernières années.
Tandis que les armes prolifèrent, il est certain que la Russie qui a repris sa place de manière magistrale peut être inquiète des manœuvres américaines. Le fameux bouclier antimissile curieux dispositif de défense ressemble avant tout à une protection préventive qui malgré les dires des uns et des autres est étrangement tourné vers la Russie, la montrant clairement comme un ennemi potentiel, le candidat américain Romney n’hésitant pas un instant à la montrer du doigt.
La Russie fait-elle peur à ces ennemis ? Probablement assez pour que nous puissions clairement voir qu’il existe désormais à nouveau deux blocs dont les contours ne sont pas très clairs du côté occidental. La France qui était sortie de l’OTAN pour bien montrer son indépendance a montré sa faiblesse en l’intégrant à nouveau. En quelques années, la politique indépendante suivie par le général de Gaulle a été ruinée, de la passivité, au sursaut de la non intervention en Irak, la France semble sans ressort, un ministre socialiste totalement inconscient préconisait même l’abandon de l’arme nucléaire alors que les nuages s’accumulent dangereusement un peu partout. Ces dangers ne progressent par ailleurs pas uniquement dans des pays lointains, mais au cœur de l’ONU lui-même.
Le Conseil de l’ONU montre en effet la dissension qui y règne tandis qu’en Syrie une guerre civile fait rage. Ce petit pays, grand par sa culture et son histoire, démontre comme ce fut le cas autrefois de la SDN qu’il existe à nouveau deux blocs et quelques électrons libres qui ne comptent plus pour grand-chose. Menacés dans leur suprématie, les Etats-Unis se réveillent avec une gueule de bois, ayant laissé filer 20 années où les opérations militaires qu’ils ont entrepris ont sévèrement aggravées les problèmes, déstabilisant des régions entières, livrant des communautés minoritaires à la vindicte, livrant pieds et poings liés des milliers de chrétiens à la mort ou un à joug honteux. Commencées en Irak et en Yougoslavie, ses opérations se sont déroulées dans l’espace d’un moment où la Russie était de fait atone, sans voix, comme en convalescence.
Aujourd’hui, la Russie est debout, et forte, et elle peut compter sur sa principale force, l’immensité de son territoire. De l’Europe à l’Extrême-Orient, elle reste peu sensible aux luttes pour des ressources qui ne lui manqueront jamais, ces réserves étant colossales, ses possibilités hors du commun, son économie et sa société plus que jamais prometteuses, son avenir est déjà assuré, un avenir avec un grand A pour un grand peuple. La Russie est éveillée depuis déjà quelques années, elle représente donc un heureux contrepoids aux folles entreprises américaines, cette République de marchands qui ne conçoit le monde que comme un immense potentiel pour faire quelques bonnes affaires ou alimenter les mannes financières d’un système qui montre toutefois de larges lézardes en Europe.
L’Europe… elle a rêvé en effet de représenter un bloc assez fort pour se trouver un sérieux concurrent et une force que personne ne pourrait ignorer, c’est ainsi que l’Union monétaire européenne, et son extension politique a été menée tambours battants, un projet qui dans certaines mesures pouvait se trouver inquiétant lorsque que cette Europe de la dictature de la pensée unique venait chatouiller la Russie en Ukraine ou dans le Caucase, en Géorgie.
Mais dans l’absolu, si autrefois la Russie avait besoin de l’Europe et devait se tourner vers elle pour s’inspirer et avancer, il est certain que la situation s’est inversée. L’Europe cependant est aveuglée par quelques Pussy Riot ou Femen étrangement arrivées bien à propos, elle est aveugle. Cette Europe ne voit pas que sa continentalité l’intéresse à une coopération plus étroite, à des soutiens plus profonds, à des échanges et des supports plus importants, car l’Occident désormais devrait penser très sérieusement à se tourner vers l’évidence. Déjà les Italiens ont compris, les entreprises italiennes déferlent sur la Russie, les Allemands sont bien implantés, la France semble se contenter de quelques succès.
Et pendant ce temps, quelques agences aux noms bien anglo-saxons dont personne à part quelques économistes n’avaient jamais entendu parler auparavant ont surgis sur le devant de la scène, retranchant, menaçant, mettant en garde, donnant des leçons dans l’affolement général de toutes les économies, montrant du doigt l’Europe… étrange moment en effet, et nous pouvons nous demander assurément l’intérêt de ces quelques « gratteurs de chiffres » à distribuer des mauvaises notes au sein même du système dans ce qui ressemble trait pour trait à une balle de fusil qui serait tiré par le Capitalisme lui-même, dans son pied. Quel intérêt et à qui profite en réalité cette sombre histoire de notation ? Comment quelques employés de ces agences peuvent ainsi plonger l’Europe dans un drame économique qui ressemble beaucoup à une profonde anarchie ? Comment est-ce possible ?
Le coup pourtant est limpide, les Etats-Unis sont les seuls à désirer, malgré qu’ils s’en défendent, avec la Grande-Bretagne qui ne s’en défend elle pas beaucoup, que l’Europe soit placée dans une telle situation que la poursuite de son unité deviennent un cauchemar et la rende totalement inactive, lascive, un corps dominé et sans vie, tout juste capable de s’ébouriffer autour du couple franco-allemand et de suivre les agitations de populations aussi changeantes et aux opinions aussi fluctuantes que le Peuple français pour ne citer que lui. La Guerre Froide n’a finalement connu qu’une pause, comme ce fut le cas durant la guerre de Cent ans, espérons que la France saura voir clair dans les orages qui s’annoncent.
Laurent Bayard