Faure : l’homme « invisible» du Togo

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Il voulait le fauteuil doré dans lequel son feu père Gnassingbé Eyadema s’était scotché pendant 38ans contre la volonté du peuple togolais, il l’a eu au prix de mille têtes tranchées mais au final, il ne sait plus trop quoi en faire.

 Au moment où les Togolais ne savent plus à quel saint se vouer et où mettre la tête, celui qui s’est autoproclamé depuis 2005, leur chef d’Etat reste de marbre dans sa tour d’ivoire. Faure Gnassingbé puisqu’il s’agit de lui, contrairement à ce que ses proches essaiment au sein de l’opinion, n’était pas aussi préparé à exercer le pouvoir. Dans un Togo où les crocodiles et les requins aux dents longues se comptent par dizaine, le fils de son père devrait disposer d’un bagout naturel pour s’imposer. Mais non doté de l’aura naturelle d’un vrai chef, le prince se complaît dans l’acrobatie et surfe sur la vague de la passivité des Togolais pour se tirer d’affaire avec nonchalance.

La même sur laquelle a surfé 38 ans durant son père qui avait fini par se croire immortel. Italie, encore Italie et toujours Italie sans oublier ses autres voyages qui ne rapportent pas grand-chose aux Togolais, Faure semble s’ennuyer au sommet au point de fuir son pays comme d’une peste. Un prince que ses compatriotes voient aussi rarement comme les larmes d’un chien, est assis sur une seule fesse pour ne pas dire qu’il n’est même pas assis. « Un chef qui n’a plus pour trône, qu’un rocher et pour royaume, un coin dans le maquis. Combien de temps y restera-t-il caché ? ». Le Bassari Ouyi Tassane, de regrettée mémoire, ne croyait pas si bien dire lorsqu’il fredonnait ses belles mélodies au temps fort de la dictature de Gnassingbé père. Certes, le président ne doit pas se montrer n’importe comment à son peuple, sécurité oblige, mais que celui-ci se transforme en homme invisible dans un Togo où les uns et les autres ont besoin d’assurance, pose problème. Franchement, les Togolais ne sentent pas leur numéro un dont la tête semble être ailleurs. Grognes estudiantines dans les deux temples du savoir du pays, Lomé et Kara, tension sociale à un degré proche du survoltage, revendications salariales des fonctionnaires, Faure n’a que faire. Son sport favori, ce sont les voyages tous azimuts au frais du contribuable déjà esquinté par tant de sacrifices.

 A l’heure où nous écrivons ces lignes, le numéro un togolais est quelque part dans la nature après avoir prêché aux Nations Unies en faveur de l’aide des puissances du monde afin d’éradiquer les trafics de tout genre et la criminalité transfrontalière en Afrique de l’ouest. Ça y est, l’image d’un chef très préoccupé par la situation fragile des Etats de la région est affichée sur écran géant. Mais dans sa plaidoirie au siège du « machin » de l’ONU, l’autoproclamé président togolais a sciemment oublier de dire que, ce sont généralement les conditions explosives comme celles de son pays qui font le lit aux trafiquants et autres agents vecteurs de l’insécurité. La pauvreté s’accroît à une allure exponentielle en Afrique de l’ouest et en particulier au Togo avec en prime un peu partout dans les Etats, des nomenklaturas indéboulonnables et indécrottables qui ont fait mains basses sur les richesses. Les plus forts se sont accaparés tout laissant les autres dans un désespoir suicidaire. Les populations ainsi désemparées et à bout de souffle étant obligées de lutter pour la survie au lieu de jouir de la vie tout court. Dans ces conditions,  les agents vecteurs de l’insécurité et de la criminalité ne se font pas prier pour entrer en scène. Ceux-ci  se frottent les mains d’avoir à portée de mains des terreaux fertiles avec parfois la complicité de ce qu’il reste comme armée et forces de sécurité.

   La charité bien ordonnée commençant par soi-même, Faure et ses conseillers feraient mieux de s’inscrire vite et bien à l’école de la bonne gouvernance et de la démocratie, gages d’une sécurité durable et pérenne au lieu d’aller mendier le soutien des plus grands de ce monde à New York à coups de millions de francs du contribuable. Un pouvoir sérieux et crédible qui fait siens les principes de bonne gouvernance et de démocratie n’a pas besoin de mégaphone pour solliciter un quelconque soutien de ses partenaires.
 
  Sur le plan intérieur, le prince a de sérieux ennuis. Las d’attendre sans fin, le peuple crie et menace. Depuis 6 ans, Faure et ses thuriféraires n’ont cessé d’appeler les populations à la patience enchaînant des promesses d’ivrognes. Aucune lueur d’espoir ne profilant à l’horizon, les Togolais semblent enfin décider à prendre le taureau par les cornes pour souffler un temps soit peu. De 2005 à nos jours, tout ce que le prince a pu réaliser de bien dans son agenda, c’est qu’il a permis à tous ses amis sans exception de s’enrichir vite, bien et immensément, les ministres n’étant pas en reste. Alors qu’au même moment, le peuple qui était déjà pauvre, s’est appauvri davantage. Ce dernier a tellement consenti des sacrifices que lui en demander encore est synonyme de signer sa mort.

Enfermé souvent dans sa tour d’ivoire en compagnie de ses proches, celui que ses intimes appellent « Mandja » qui signifie mon père en Kabyè, langue du « patron », a tout d’un prince mais rien d’un chef. 7ans déjà mais Faure hésite encore dans sa démarche.
   
Dans un autre registre, le gardien de la fortune personnelle de Gnassingbé père n’a jamais éprouvé la moindre difficulté pour mesurer ce que peut vivre le Togolais moyen sous la chaumière chaude et poussiéreuse. Lorsque ce dernier crie son ras-le-bol, Faure croit à une manipulation et s’énerve. Lui qui n’était pas proche du peuple s’en éloigne au fur et à mesure que le soleil se couche et se lève au Togo. Faudrait-il le garder encore longtemps au sommet de ce bout rectangulaire de pays ?

Pour un président invisible, Faure en est vraiment un. Au Bénin voisin, Yayi Boni en si peu de temps est en train de changer de fond en comble le visage de son pays. Le président béninois n’hésite pas à faire usage du bâton et de la carotte pour discipliner ses collaborateurs tandis qu’au Togo, le prince a fait de l’impunité son cheval de course. Au Togo, tout collaborateur du chef, ministre ou DG indélicat se retrouve à un autre poste pour continuer sa basse besogne au lieu qu’il soit écarté pour lui permettre de mieux de se mettre en cause. Le camouflage est très prisé par le régime en place au Togo.

 Beaucoup puisent dans les deniers publics sans être inquiétés et pendant ce temps, l’argentier du clan, Adji Otèth Ayassor vient parler de bonne gestion des fonds publics. Ce dernier se fait ridicule lorsqu’il chante sous les toits sa prétendue rigueur qui ne trompe personne. Où se cache-t-il souvent quand dame Ingrid Awadé, conseillère financière de son prince charmant et directrice générale des impôts convoie des sous vers des destinations bien connues ? Ayassor et sa rigueur sont où au juste lorsque le chef du service matériel des Impôts Noël De pouk’n multiplie des villas et mène un train de vie d’enfant de riches ? Que dit Ayassor des agents des douanes togolaises comme Paniah Gagnon qui prenne soin de dissimuler 2 milliards de F CFA sur les comptes de leurs rejetons à peine sortis de l’âge de puberté ?

Les Togolais ont assez souffert de la gestion chaotique de leur pays pour que Faure et ses amis viennent en rajouter.  De leur passivité légendaire à la lutte finale, les Togolais sauront-ils franchir le pas salvateur comme d’autres avant eux?

Désiree Bigui  Lynx.info

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