En Côte d’Ivoire, la décision de la Chambre préliminaire III de la CPI fut diversement interprétée par la classe politique ivoirienne. Le camp des proches de Laurent Gbagbo a été le premier à jubiler, à l’annonce d’une telle nouvelle, croyant enfin voir dans cette décision de la CPI, la descente aux enfers de ses adversaires, les Forces Nouvelles et le RDR, parti d’Alassane Ouattara. Mais le camp Ouattara ne l’entendait pas de cette oreille. Il a, quant à lui, tenu à mettre un bémol à cette jubilation en soutenant qu’il est naïf de se réjouir si vite. Car pour lui, il existe des faits qui accablent de hauts responsables de la ‘’refondation’’, notamment sur cette même période, définie par la CPI.
Remarquons qu’à l’occasion, le discours de la ‘’réconciliation nationale’’, tant prêché par ces défenseurs de Ouattara, s’est subitement éclipsé pour faire place aux accusations gratuites. Une autre preuve que la fracture sociale en Côte d’Ivoire est plus profonde que l’on ne l’imagine. Par ailleurs, selon certains observateurs, la décision de la CPI « d’élargir son autorisation d’enquêter sur la situation en Côte d’Ivoire pour inclure les crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis entre le 19 septembre 2002 et le 28 novembre 2010 », devrait être prise avec beaucoup de réserves par le camp des proches de Laurent Gbagbo. Car selon eux : « les Etats qui subventionnent la CPI sont quasi exclusivement occidentaux, et ne sauraient se tirer une balle dans le pied en mettant hors jeu les forces politiques subventionnées par certains d’entre eux à coups de livraisons d’armes, de bombes lancées sur leurs adversaires et de centaines de milliards de FCFA dépensés à entretenir les troupes de Licorne et de l’ONUCI ». Ensuite, toujours selon ces observateurs: « (…) la lecture de la décision de la Chambre préliminaire III montre bien un procédé idéologique bien rôdé, dont l’objectif est de garantir l’impunité des «barons» du camp Ouattara-Soro ». Et de conclure enfin que: « Personne ne peut obliger Ocampo (Procureur de la CPI ndlr) à mettre en cause tel ou tel », selon son bon vouloir.Cependant, pour les ivoiriens, ce qui reste fondamental, dans ce casse-tête juridique, c’est bien tout ce qu’évoque la date du 19 septembre 2002. Pour l’ivoirien qui a vécu cette pénible période, la CPI, à coup sûr, vient de frapper dans un tas de fourmis. Elle devra même remuer le couteau dans la plaie, pour qu’elle guérisse, s’il le faut. Pour tout dire, c’est une décision qui vient à point nommé, afin que justice soit enfin rendue pour les crimes commis sur cette période. Pour notre part, nous l’avons dit et nous le rappelons encore: il faut toujours aller rechercher les faits à leurs sources, à leurs origines, pour mieux saisir ce que trament Ouattara et la France en Côte d’ivoire.
L’occasion est donc belle pour dire à l’opinion qu’une nuit du 18 au 19 septembre 2002, des rebelles, puissamment armés et déterminés, ont attaqué de façon ciblée, les bases de des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), l’armée régulière de Côte d’Ivoire. Les fusils et les canons ont tonné, cette nuit-là, dans ce pays naguère si paisible. Des ivoiriens sont morts par milliers, atrocement massacrés par cette rébellion sauvage qui occupa finalement la partie nord du pays après son coup d’Etat manqué. Septembre 2002 ou l’une des plus sombres pages de l’histoire de ce jeune pays. C’est aujourd’hui, soit 10 ans après, que cette rébellion appuyée par la France, finira par réaliser son ignominieux projet : renverser Laurent Gbagbo et installer Alassane Ouattara à la tête de ce pays. Rappelons qu’après avoir manqué son coup, cette rébellion qui n’a pas démordue, a opéré un ‘’repli stratégique’’, pour peaufiner un autre plan de déstabilisation. Elle est entrée au gouvernement de Laurent Gbagbo. Elle a même participé à « la flamme de la paix », à Bouaké. Mais c’était sans compter sur ce dicton qui dit à bon droit: « le chien ne change jamais sa manière de s’asseoir ». Pendant ce temps, son mentor Alassane Ouattara lui, était dans le starting block. Rendu ‘’candidat exceptionnel’’ par le Président Laurent Gbagbo qui accepta (par bonne foi ?) d’aller aux élections, alors que ces rebelles putschistes avaient encore en leur possession, leurs armes. Après l’élection présidentielle de décembre 2010, ils revinrent à la charge avec une ferme volonté de réussir leur coup.
Bénéficiant cette fois, à visage découvert, du soutient diplomatique, médiatique et surtout militaire de la France qui n’entendait pas simplement s’interposer, mais faire asseoir de coûte que coûte, son poulain Alassane Ouattara, dans le fauteuil présidentiel.Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que l’éviction de Laurent Gbagbo, en avril 2011, et l’intronisation d’Alassane Ouattara, n’est rien d’autre que l’aboutissement du 19 septembre 2002, date de la première tentative du coup d’Etat.Dans cette logique, peut-on raisonnablement, (si du moins l’on a su garder la raison), cautionner des personnes dont le seul savoir-faire se résume aux coups d’Etat ? Peut-on accorder, en tout état de cause, de la légitimité à un clan aguerrit aux mensonges, à l’hypocrisie et aux putschs ? Assurément non ! Et c’est bien à cette situation que sont actuellement confrontés Ouattara et ses ‘’sponsors’’. Les ivoiriens dans leur ensemble refusent de cautionner ce pouvoir de parvenus. Car ces individus, ceux qui portent sur leur front la marque ‘’19 septembre 2002’’, ils ne les reconnaissent que trop bien. Ils savent aussi, dans leur for intérieur, que ces tueurs du 19 septembre 2002, en alliance avec les prédateurs occidentaux, sont après des intérêts qui ne sont ni ceux des ivoiriens, encore moins ceux de l’Afrique.
Ce 19 Septembre 2002, où une rébellion armée, conduite par un certain Soro Guillaume, plongea la Côte d’Ivoire dans un profond deuil. Cette rébellion qui avoua: « (…) quand on se préparait au Burkina, c’est Alassane Ouattara qui envoyait 25 millions par mois. On n’a pas pris les armes pour IB (Ibrahim Coulibaly ndlr), on n’a pas pris les armes pour Soro. C’est pour Alassane». La Côte d’Ivoire a donc résolument besoin d’être ‘’exorcisée’’, définitivement délivrée de cette date du 19 septembre 2002. Car tant que ce pays demeure sous l’emprise des commanditaires de ce jour triste et sanglant, elle restera toujours divisée et dans la tourmente.
Mais cette délivrance devra venir d’elle-même, par l’action de ses dignes fils et filles. Et ce n’est certainement pas la CPI qui le fera à leur place.
Marc Micaèl