Egypte : Oser et en finir une bonne fois pour toutes !

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L’Egypte se fait et se refait. Nation forte, tirant sa légitimité historique d’une longue légende de pharaons et d’une grande interférence avec les figures emblématiques de l’histoire biblique de l’Etat d’Israël en passant par les anciens empires européens qui la conquirent de temps à autres, l’Egypte est une Nation qui compte dans le concert des Nations.

L’Egypte d’un passé récent, celle de 1922 à 1953 fut un Royaume dirigé successivement par Fouad I, Farouk I et Fouad II (un Bébé né en 1952 qui fut proclamé Roi en 1953 après la chute de Farouk I mais ne régna point car la monarchie fut aussitôt abolie).

Avant cette période, soit de 1914 à 1922, l’Egypte alors Protectorat anglais  connut le règne de deux Sultans, Hussein Kamal et Fouad I. C’est ce dernier qui se proclama par la suite Roi d’Egypte.

Ce rappel fait, venons en à l’objet de la présente Chronique.

L’Egypte, comme la Tunisie et dans une mesure plus dramatique la Libye et la Syrie, est une des grosses victimes du programme franco-américain faisant l’apologie du terrorisme salarié comme instrument de conquête géostratégique et de rectification coloniale dans les anciens empires coloniaux et autres dépendances appartenant historiquement à ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui, le Bloc Offensif Occidental Décadent (BLOOD). En vous priant de porter une attention non négligeable à cet acronyme si révélateur.

Mais analyser la politique égyptienne en ne regardant qu’aux récents événements qui ont secoué l’Egypte avec le renversement de Monsieur Mohamed Morsi, c’est tronquer l’approche scientifique qui devrait sous-tendre toute analyse stratégique sur une question d’intérêt capital pour un peuple à la croisée des chemins.

J’ai entendu des Résistants africains de tous pays décrier la situation qui a conduit à l’éviction de Monsieur Mohamed Morsi, avec comme seule base d’argumentation, qu’il serait issu d’une élection qu’il aurait gagnée et que le renverser ainsi constituait un acte antidémocratique qu’il fallait condamner.

Quel raccourci simpliste ? ! Bref. Entrons dans le vif du sujet à présent.

Apprenons l’Egypte et apprenons de l’Egypte républicaine ; cela nous aidera à aider l’Egypte, ce pays frère, qui avec des moyens parfois limités faute d’en avoir plus,  n’a de cesse œuvré à l’avènement d’un panarabisme allié d’un panafricanisme certes embrouillé hier, mais qui se refait aujourd’hui sur les nouvelles bases que nous posons.

Ainsi, en apprenant de l’Egypte, nous comprenons que :

1.L’Egypte républicaine est une Etat qui a toujours été dirigé par des Officiers militaires

Faisons à titre d’illustration, l’exercice suivant :

Premier Président : Mohammed Naguib né 20 février 1901, mort le 29 août 1984. Il occupa ce poste après la proclamation de la République du 18 juin 1953 au 14 novembre 1954.

Mohammed Naguib était le leader du groupe des Officiers libres qui renversa le roi Farouk I, le 22 juillet 1952.

Il fut contraint à la démission parce qu’alors soupçonné d’être trop proche la Confrérie des Frères Musulmans.

Après la chute de Mohammed Naguib, le Conseil de commandement révolutionnaire égyptien fut mis en place. Il était dirigé par le Colonel Gamal Abdel Nasser qui en était le Président. Celui-ci conduisit une transition qui dura du 14 novembre 1954 au 23 juin 1956 (environ 1 an 7 mois)

Deuxième Président : Tout naturellement, le Colonel Gamal Abdel Nasser Hussein. Né le 15 janvier 1918 et mort le 28 septembre 1970 d’une crise cardiaque.

Colonel dans l’armée égyptienne, Nasser dirigea la révolution égyptienne de 1952, aux côtés de Mohammed Naguib. Il était le défenseur de l’Unité panarabe, fervent combattant de l’impérialisme dans le monde arabe et en Afrique et sur ce, il créa en pleine Guerre froide après la nationalisation de Canal de Suez, la ligue des Pays non-alignés.

Nasser devenu Général après la Révolution de 1952, fut un grand homme d’Etat africain et un stratège inégalé.

Troisième Président : Anouar el-Sadate, né le 25 décembre 1918 et assassiné le 6 octobre 1981.

Président de l’Assemblée du Peuple, vice-président de la République du Général Gamal Abdel Nasser, il occupe les fonctions de Président de la République arabe d’Égypte de 1970 à son assassinat, en 1981.

Anouar el-Sadate a étudié à l’Académie militaire royale du Caire et en est sort diplômé en 1938. Il participa à la création du Mouvement des officiers libres (il avait alors le grade de lieutenant-colonel). Le but de ce mouvement était de libérer l’Égypte du contrôle britannique (comme la Révolution Permanente lutte aujourd’hui pour libérer la Côte d’Ivoire du contrôle meurtrier français), et participe en 1952 au coup d’État qui détrône le roi Farouk Ier

Pour la petite histoire qui amena l’assassinat, il est bon de savoir que l’Anouar el-Sadate Résistant, pan-arabiste n‘est pas le même Anouar el-Sadate quand il devint Président. Soucieux de se rapprocher du Bloc Occidental, il fut couronné par ces derniers conjointement avec  le premier ministre israélien Menahem Begin, d’un prix Nobel de la Paix après les accords de Camp David signés le 17 septembre 1978.

Anouar el-Sadate est alors accusé de trahir le combat panarabiste de Nasser.  Pour écraser la contestation, el-Sadate lance une offensive majeure contre les intellectuels et les activistes de tout bord idéologique. Il fait emprisonner des communistes, des nasséristes, des féministes, des islamistes, des professeurs d’université, des journalistes et des étudiants. Il fait également assigner le patriarche copte orthodoxe Chénouda III à résidence, dans un Monastèredu nom de Saint-Bishoy et emprisonna aussi un grand nombre de prêtres et évêques de son Église. Au total, près de 1 600 personnes sont arrêtées.  Cette « trahison » et la folie de la répression sauvage lui coûtèrent la vie dans un attendant perpétré le 6 octobre 1981 durant une parade militaire au Caire. L’attentat fut l’œuvre des membres de l’armée qui appartiennent à l’organisation du Jihad islamique égyptien, fondée par d’anciens membres des Frères musulmans.

Quatrième (vrai) Président (l’autre ayant assuré un intérim de 8jours): Mohammed Hosni Moubarak, né le 4 mai 1928. Il était Vice-président de la République arabe d’Égypte au moment de l’assassinat d’Anouar el-Sadate. Il lui succède le 14 octobre 1981, à la suite de son élection à la Présidence de la République. Il est resté au pouvoir jusqu’à sa démission forcée, le 11 février 2011.

Mohammed Hosni Saïd Moubarak, après le Lycée, entra à l’Académie militaire égyptienne où il obtint un diplôme en sciences militaires. C’est en 1950 qu’il entra à l’Académie de l’Armée de l’air égyptienne où il obtit un diplôme en sciences de l’aviation, terminant major de sa promotion.

Il progresse ensuite dans la hiérarchie militaire, en occupant d’abord un poste de pilote tout d’abord sur Spitfire puis successivement les postes, d’instructeur, de chef d’escadrille et enfin de commandant de base.

Après sa démission forcée dans un contexte de soulèvement populaire et d’abandon par l’Armée, le Conseil suprême des forces armées présidé par le Maréchal Mohamed Hussein Tantawi conduisit une transition du 11 février 2011 au 30 juin 2012.

Cinquième Président : Mohamed Morsi, né le 20 août 1951. Il était Président du Parti Liberté et Justice, une formation politique issue des Frères musulmans. Il représente les couleurs de ce parti islamique lors de l’élection présidentielle qui suivit la chute militaro-civile de Moubarak de janvier 2011. Il l’emporte au second tour, sur l’ancien Premier ministre Ahmed Chafik avec 51,73 % des voix.

Mohamed Morsi fut le tout premier Président civil en Egypte.

Il a été déchu par un coup d’État militaire, le 3 juillet 2013, à la suite d’un vaste mouvement protestataire populaire.

Après son renversement, le Conseil suprême des forces armées prend les rênes du pouvoir. Il est alors présidé par le Général Abdelfatah Khalil al-Sisi. Mais depuis le 4 juillet 2013, Adli Mansour, né le 23 décembre 1945, Magistrat et Président de la Haute de la Haute Cour constitutionnelle est désigné par assurer les charges de Président de la République par intérim.

Au terme de ce rappel illustratif, quelle leçon peut-on tirer comme « exception » égyptienne ?

La réponse est toute simple : pour diriger l’Egypte républicaine, il faut être un Officier militaire.

A présent, la deuxième Leçon à retenir en apprenant l’Egypte.

2.       Pour diriger l’Egypte, il faut échapper à l’influence de la Confrérie des Frères Musulmans

C’est une vérité de lapalissade tellement l’histoire de l’Egypte regorge d’exemples frappants. Tenons nous en à trois indicateurs.

D’abord l’opinion du Conseil suprême des forces armées sur la Confrérie des Frères Musulmans. Ni plus ni moins, ils sont considérés depuis toujours par l’Armée comme  des  « dangereux agitateurs de l’ordre social ». Soupçonnés d’être des conspirateurs alliés du Hamas et du Hezbollah et, une menace pour les Forces de Sécurité égyptienne, Confrérie des Frères Musulmans est perçu comme une organisation infréquentable ; passer outre cette opinion équivaut à un acte de haute trahison.

Ensuite, l’affaire Mohammed Naguib. Accusé par Nasser et les autres Officiers d’être trop proche des Frères Musulmans, il fut contraint de démissionner le 14 novembre 1954. À la fin de l’année 1954, Naguib est mis en résidence surveillée jusqu’à la mort de Nasser en 1970 (soit 16 ans de vie en résidence surveillée).

Enfin, l’affaire Mohamed Morsi. Il portait le « péché » originel en lui. Et ça n’a pas raté. Le fauteuil présidentiel en Egypte est incompatible avec un statut de membre ou sympathisant de la Confrérie des Frères Musulmans.

L’armée a alors pris ses responsabilités pour rectifier le Droit du peuple à l’erreur, ce que d’aucuns appellent la Démocratie.

La dernière des trois leçons, enfin.

3.Pour stabiliser l’Egypte, il faut créer un cadre d’alternance politique proche du modèle israélien

Le peuple égyptien est un peuple qui s’assume et qui ose. Il sait dire non quand il n’est pas d’accord. Il a la capacité de défier n’importe quelle dictature dès lors que l’Armée lui en donne l’onction de soutien.

Mais, la propension de ce peuple à exprimer sa volonté par la contestation populaire est en passe de devenir, le talon d’Achille de l’Egypte. N’importe quelle puissance déstabilisatrice peut exploiter à tout instant, « l’instinct » contestataire du peuple pour réaliser des desseins inavoués de positionnement géostratégique par une « déstabilisation d’usure ».

C’est ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Réussir à dresser les Frères Musulmans et leurs alliés réels ou supposés du Hamas ou du Hezbollah contre les Egyptiens, ouvre la boîte de pandore dans une Egypte dans laquelle la convoitise du pouvoir par les militaires et l’idéal de bien être du peuple qui pousse des millions d’Egyptiens dans les rues, fonctionnent comme un mauvais tandem, un dialogue de sourds entre une bourgeoisie militaire qui n’ose pas accaparer par la force le pouvoir d’Etat bien longtemps et instituer une discipline de fer afin de museler le peuple et, le prolétariat populaire, ce peuple aspirant à un mieux être dont la naïveté et la bonne foi dans sa lutte sont exploitées hypocritement par l’Armée.

Il faut donc oser. Mais en faisant quoi

Premièrement, il faut peut-être inscrire dans la Constitution égyptienne « le Statut d’Officier supérieur  des Forces Armées Egyptiennes» comme condition première pour briguer la Magistrature Suprême du pays. C’est totalement aberrant mais cette exigence fait corps avec l’histoire du pays et son positionnement géostratégique dans un Monde Arabe à la croisée des chemins impose que celui qui veut diriger l’Egypte les 20 ou 30 années à venir doive épouser le patriotisme, le nationalisme et le panarabisme nassériens, la rigueur du civisme militaire et au-dessus de tout ça, jouir d’une autorité de corps et d’une légitimité militaire, gage unique pour garder un contrôle effectif sur les Forces Armées égyptiennes. Pour un temps bien long.

Deuxièmement, adopter un système parlementaire de type israélien et prévoir les mécanismes de changement à tout moment, du Premier Ministre ou du Président de la République, par un système de grands électeurs (les Parlementaires) qui voteront une « Motion d’éviction » si par exemple, une pétition remportant l’adhésion de plus de la moitié des électeurs venait à décider qu’un tel ou un autre de l’Exécutif fusse remplacé avant la fin de son mandat.

C’est peut-être une proposition plus aberrante que la première. Mais elle a l’avantage d’éviter que la Place Tahrir ne devienne un étang de sang, une sorte de Golgotha du Peuple égyptien faisant son harakiri pour le bonheur des prédateurs du Monde Arabe et de l’Afrique digne.

Si l’Egypte ose franchir ces pas qui s’imposent à elle en tant que Nation, elle pourra en finir avec la menace impérialiste qui ne rêve qu’à déstabiliser durablement ce pays pour réaliser sa résurrection à un moment où les jours de son règne d’arrogance et d’immoralité sont comptés face un Bloc Emergent qui s’impose.

A Très Bientôt.

Hassane Magued

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