Les opposants togolais résidant en Allemagne, signataires de la présente déclaration tiennent à exprimer leur stupéfaction et leur profonde indignation à l’annonce de la visite prochaine en Allemagne de M. Faure Gnassingbé, héritier du dictateur défunt Gnassingbé Eyadema et président autoproclamé du Togo.
Les opposants togolais réaffirment avec force à cette occasion leur position par rapport au pouvoir en place à Lomé, à savoir que la tactique par laquelle M. Faure Gnassingbé s’est emparé du pouvoir est purement et simplement celle d’un usurpateur, tactique contraire à la pratique démocratique et surtout dédaigneuse de la volonté du peuple togolais ; en conséquence les signataires ne reconnaissent aucune légitimité de Président de la République togolaise à cet usurpateur.
Est-il besoin de rappeler ici quelques-uns des faits inhérents à cette tactique ?
1 – Coup d’Etat militaire perpétré avec l’appui des généraux fidèles à Gnassingbé Eyadema au lendemain du décès de ce dernier en février 2005.
2 – Acte de piraterie de l’air dont le but était de séquestrer à Cotonou le président de l’Assemblée nationale d’alors, de retour d’un voyage à l’étranger, aux fins de l’empêcher d’assurer l’intérim de la présidence en vertu des textes constitutionnels.
3 – Parjure du fils de feu Gnassingbé Eyadema, revêtu des insignes de président de la République, devant des magistrats d’une Cour Constitutionnelle qui, dans un Etat démocratique, devraient être accusés de haute trahison.
4 – Coup d’État transformé, par suite de la réprobation générale, notamment de l’Union Africaine, en prétendue élection qui a toutes les caractéristiques d’une parodie sur fond de massacre et de violence : terreur provoquée par les militaires et des miliciens du parti au pouvoir, dans les maisons, dans la rue et dans les bureaux de vote ; vol des urnes, tuerie de civils dont le nombre est évalué à 2000 par la Ligue togolaise des Droits de l’Homme et 500 par une commission d’enquête de l’ONU ; fuyant ces actes de violence des dizaines de milliers de citoyens togolais ont abandonné leur famille, leur pays, leur domicile, leur gagne-pain.
5 – Proclamation de faux résultats par une Commission Electorale Nationale prétendue Indépendante et une Cour Constitutionnelle dont les membres acquis au régime sont coupables, devant l’Histoire, d’un acte de haute trahison.
Devant ce film, digne de figurer dans la série noire, de l’avènement au pouvoir de M. Faure Gnassingbé, les opposants togolais en général et ceux résidant en Allemagne en particulier s’étonnent que des États démocratiques occidentaux considèrent les gouvernants actuels du Togo comme des gens fréquentables.
Ces opposants déplorent par-dessus tout que la résolution B6 02 82 / 2005 du Parlement européen de Strasbourg n’ait pas été prise en compte par les Etats de l’Union Européenne, dont la République Fédérale d’Allemagne, dans leurs relations avec le pouvoir togolais. Cette résolution en effet dans ses points 4 et 5:
« considère que les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’élection du 24 avril ne respectent pas les principes de transparence, de pluralisme et de libre détermination du peuple garantis par les instruments régionaux et internationaux en la matière, et ne permet pas de reconnaître la légitimité des autorités issues de ce scrutin ;
souligne que ces élections ne répondent pas aux engagements préalables à la reprise de la coopération entre le Togo et l’Union européenne »
Les opposants signataires déplorent aussi que l’ONU n’ait pas tiré toutes les conséquences des conclusions de son enquête sur le Togo, à la suite des évènements d’avril 2005.
Peut-on arguer des faits que certains dirigeants de l’opposition togolaise ont signé un Accord Politique Global (APG ) avec M. Faure Gnassingbé et sont entrés dans son gouvernement pour en déduire un changement dans la nature et les méthodes du pouvoir ? Les vraies questions que l’on doit se poser en ce sens sont :
– d’un côté, à quel titre M. Faure Gnassingbé et son parti, ou ses partisans ont-ils négocié avec l’opposition ? au titre d’un groupe de personnes qui a su s’imposer par la force, la violence, le massacre, le viol de la Constitution, le parjure … ?
– d’un autre côté quel mandat les dirigeants de l’opposition en question avaient-ils reçu pour négocier avec M. Faure Gnassingbé, l’usurpateur ?
Il s’agit en fait, dans le cadre de l’APG, d’un accord de partage du pouvoir par des gens qui, ni d’un côté, ni de l’autre n’ont reçu mandat du peuple togolais pour poser les actes qu’ils ont posés et continuent de poser. Il s’agit d’un COUP D’ETAT CONSENSUEL perpétré au mépris total de la volonté du peuple et de la démocratie par des individus, usurpateurs les uns autant que les autres de la res publica, de la chose publique.
Ce n’est donc pas un régime républicain que nous avons au Togo et celui qui est à sa tête ne peut se prévaloir du titre de Président de la République.
Pourrait-on se consoler à l’idée que ce régime-là garantit au moins la paix, la sécurité des citoyens et un certain bien-être pour les populations togolaises ? En matière de sécurité, l’assassinat de l’opposant Atsutsé Agbobli, président du parti Modena, affaire non élucidée jusqu’à ce jour et plus récemment la fusillade au domicile d’un des propres frères de M. Faure Gnassingbé, Kpatcha Gnassingbé sont des preuves patentes que le régime n’a changé, ni de nature, ni de tactique, pour se débarrasser de ses adversaires. En matière de bien-être, c’est au quotidien que les Togolais vivent dans leur chair et dans leur esprit la misère, la pauvreté, le désespoir dans lesquels le régime clanique Gnassingbé les a plongés.
Or nous sommes aujourd’hui dans un contexte de préparation de la perpétuation de ce régime dangereux pour le peuple togolais et rejeté par le peuple togolais : il suffira que l’on nous dise, au lendemain des prétendues élections présidentielles de 2010, que M. Faure Gnassingbé a gagné pour que l’on s’y installe, pour quarante ans ou même définitivement. Et tout est en place, avec les méthodes que l’on connaît, le refus délibéré de réformes des textes constitutionnels et de renouvellement profond des institutions, pour que M. Faure Gnassingbé et ses complices parviennent à leurs fins.
Par conséquent :
1°-Les opposants signataires de la présente déclaration considèrent que tout acte de soutien au pouvoir de M. Faure Gnassingbé est fortement contraire à l’avènement de la démocratie au Togo et contraire aux intérêts du peuple togolais.
2°- Les opposants signataires de la présente déclaration jugent inopportune la visite de M. Faure Gnassingbé en Allemagne, comme dans tout pays démocratique et respectueux des Droits de l’Homme.
3°- Les opposants signataires de la présente déclaration demandent aux autorités allemandes, de concert avec leurs partenaires de l’Union Européenne et en accord avec l’Union Africaine, de se conformer à la résolution B6 02 82 / 2005 du Parlement européen de Strasbourg pour ne pas entraver les efforts des Togolais qui veulent mettre en oeuvre les réformes indispensables à l’avènement de la véritable démocratie et d’un régime respectueux des droits de l’Homme au Togo.
Les signataires invitent tous les compatriotes démocrates résidant aussi bien en Allemagne que dans d’autres pays à ajouter leurs noms à cette liste qui reste ouverte.
Fait en Allemagne le 14.juin 2009
Les signataires :
1- Zinsou Agbota Senouvo (Bayreuth, Allemagne)
2- Katakpaou-Toure Moudassirou (Francfort, Allemagne)
3- Boccovi Emmanuel (Paris, France)
4- Alofa Justin (Liège, Belgique)
5- Gligli-Amorin Mouta Wakilou (Bruxelles, Belgique)