Débat autour du Franc CFA

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INTRODUCTION

 Le débat sur le franc CFA a pris une certaine envergure ces dernières années, dans les pays africains de la zone franc (PAZF). Il a été amplifié depuis la crise militaro-politique qui secoue la Côte d’Ivoire, par des intellectuels ivoiriens (Pr Mamadou KOULIBALY, Dr PRAO YAO Séraphin ; Dr AGBOHOU Nicolas), qui reprennent en écho, la volonté d’une souveraineté monétaire des PAZF.

Si cette question du franc CFA était, il y a quelque temps, un sujet tabou, il reste que, depuis les festivités marquant le cinquantenaire des indépendances, les populations africaines ont épousé l’idée d’une souveraineté monétaire.

Il revient donc très souvent, parmi les intellectuels comme les politiques, la question de savoir quel régime de change adopter pour l’ensemble des pays de la zone franc ou du moins pour chaque pays si la zone se disloquait.

Dans la littérature économique, le régime de change optimal  pour un pays donné a toujours été un sujet de débat entre les experts en économie internationale, qu’ils appartiennent aux milieux universitaires ou politiques. Depuis l’effondrement du système de Bretton Woods, au début des années 70 et l’adoption du deuxième amendement aux statuts du FMI, les pays membres sont libres d’adopter le régime de change de leur choix.

Même s’ils sont obligés d’arrimer leur monnaie dans un système surveillé par le FMI, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent déterminer le régime de change (fixe, flottant ou intermédiaire) le mieux adapté à leurs besoins sur la base de critères solides.

Le régime de change a des impacts sur le taux de croissance et le bien-être des populations voire même, la stabilité du système monétaire international. 

Entre 1999, 2003 et 2009, le FMI a produit trois grandes études analytiques sur les régimes choisis par les pays (Mussa et al., 2000; Rogoff et al., 2004; Ghosh, Ostry, and Tsangarides, à paraître) qui s’inspirent des ouvrages empiriques publiés sur le sujet tant par l’institution qu’à l’extérieur (Ghosh et al., 1997; Ghosh, Gulde, and Wolf, 2002; Levy-Yeyati and Sturzenegger, 2003; Reinhart and Rogoff, 2004). Ces études, qui font partie de la mission de surveillance du FMI, indiquent aux membres comment leur régime de change peut influer sur leurs résultats macroéconomiques (inflation, croissance et vulnérabilité aux crises) et contribuer à la stabilité du système monétaire international.

En pratique, le régime de change optimal, surtout pour les économies de marché en développement ou émergentes, a beaucoup évolué ces vingt dernières années.

Il était très courant au début des années 90 de fixer le taux de change par rapport à une monnaie forte (souvent le dollar ou le deutsche mark), surtout dans les pays qui passaient d’une économie dirigée à une économie de marché qu’ils s’efforçaient de stabiliser une fois les prix libérés.

Cependant, une série de crises du compte de capital s’est déclenchée au cours des années 90 dans les pays émergents où des inversions brutales des entrées de capitaux ont provoqué un effondrement de la monnaie et fait ressortir la fragilité des régimes fixes.

En effet, de nombreuses crises de change ont frappé ces régimes, laissant alors apparaître un nouveau consensus autour des « solutions en coin » comme seuls régimes de change viables. Dans la réalité, les pays émergents sont confrontés, non pas au choix d’une des deux « solutions en coin », mais plutôt au choix du degré de rigidité – ou de flottement – du taux de change.

Notre présente contribution se propose d’entreprendre une discussion sur le choix du régime de change qu’un pays comme la Côte d’Ivoire pourrait adopter s’il devait quitter la zone franc.

Dans le souci de bien faire comprendre la question des régimes de change, il faudra bien topographier la cartographie des idées.

Pour ce faire, nous allons présenter dans un premier lieu, les régimes de change, les différentes typologies et les déterminants des taux de change.

Une fois cette étape franchie, nous pourrons expliciter les raisons de l’attrait des « solutions en coin », c’est-à-dire, la préférence des régimes de change fixes et flexibles.

Cette progression pourra nous aider à donner des indices de choix d’un régime de change pour la Côte d’Ivoire.

I.              RÉGIMES DE TAUX DE CHANGE, TYPOLOGIES ET DÉTERMINANTS

I.1. DES DÉFINITIONS UTILES Á SAVOIR

Le change est l’acte par lequel on échange les monnaies de différentes nations. Les monnaies prennent les mêmes formes que la monnaie à l’intérieur d’un pays. La monnaie de chaque pays a un prix en termes de la monnaie de chacune des autres nations. Ce prix est le taux de change.

Il y a deux types de taux de change, selon la date de l’échange réel des monnaies : le taux de change au comptant est le prix pour une transaction « immédiate » (un jour ou deux au maximum pour les grosses transactions) ; le taux de change à terme est le prix pour une transaction qui interviendra à un certain moment dans l’avenir, dans 30, 90 ou 180 jours.

Les transactions au comptant ne représentent que 40 % des transactions. Le marché des changes est donc nettement un marché à terme.

Un autre éclairage important à faire. Un taux de change peut être exprimé de deux façons : la cotation  « au certain » consiste à donner le nombre d’unités monétaires étrangères équivalent à une unité de monnaie locale ; la cotation, « à l’incertain » indique le nombre d’unités monétaires locales correspondant à une unité de monnaie étrangère. Par exemple, au 20 janvier 1999, l’euro cotait à Paris 1,1571 dollar (cotation au certain), ou encore le dollar contre euro s’échangeait à 0,86472 (cotation à l’incertain). Lorsque l’euro s’apprécie contre les autres devises, son cours coté au certain s’élève ; en revanche, son cours coté à l’incertain diminue.

On appelle marché de changes, le marché sur lequel s’échangent les devises les unes contre les autres. Á la différence des marchés d’actions (ou des marchés de futures ou options sur devises), sur le marché des changes il n’y a pas de cotations centralisées (fixing) mais uniquement des transactions de gré à gré (OTC, Over The Counter dans le jargon boursier).

Cela signifie que les opérateurs entrent en contact les uns avec les autres de façon individuelle, par téléphone ou réseaux informatiques.

Les principales bourses de change actuellement sont Londres avec environ 30% du marché, New York avec 20%, Tokyo avec 12%, Zurich, Frankfort, Hong Kong et Singapour avec environ 7% chacune, suivi de Paris et Sydney avec 3% chacune.

Le marché fonctionne donc 24h/24 et cinq jours par semaine, de Sydney le lundi matin (en réalité le dimanche après-midi) jusqu’au vendredi midi (fin d’après-midi à New York). Ainsi un investisseur (peu importe l’endroit où il vit) en contact avec un courtier de change sur chacun de ces marchés peut être actif 24h/24 !

Le marché des changes n’est pas un simple lieu de rencontre où des cambistes se crient mutuellement des ordres d’achat et de vente. Au centre du marché des changes se trouvent plutôt des banques et les cambistes qui travaillent dans les banques.

Qui sont donc les utilisateurs du marché des changes ? Sur le marché du détail, qui concerne les clients, au sein du marché des changes au comptant, des individus, entreprises et autres organisations peuvent acquérir des devises  étrangères pour effectuer des paiements, où vendre des devises étrangères qu’ils ont reçues en paiement.

Le plus gros des transactions sur devises, peut-être 90% ou plus s’effectue entre banques sur le marché des changes interbancaires. Le marché interbancaire a plusieurs fonctions. La participation au marché interbancaire donne à une banque un flux continu d’informations sur la situation du marché des changes grâce à un dialogue avec les cambistes des autres banques et à l’observation des cotations  des cours (taux de change).

Les opérations interbancaires permettent à une banque de réajuster rapidement et à bas prix sa propre position quand elle réalise séparément une importante transaction avec un client.

Les opérations interbancaires permettent aussi à une banque de prendre rapidement une position sur une monnaie étrangère si la banque et ses cambistes veulent spéculer sur les variations du taux de change dans un avenir proche.

Quand n’est-il de l’offre et de la demande d’une monnaie ?

Pour comprendre pourquoi la valeur d’une monnaie monte ou baisse, il faut passer les mêmes étapes que celles qui servent à analyser n’importe quel marché concurrentiel.

Sur le marché des changes, les particuliers et les entreprises souhaitent échanger des devises pour différentes raisons. Certaines effectuent des échanges de biens et services et souhaitent obtenir ou céder des devises en paiement.

Certains procèdent à des mouvements internationaux d’actifs financiers. Ils font des investissements ou des emprunts internationaux, et doivent convertir la monnaie d’une nation en une autre pour acheter et vendre des actifs financiers, contracter et rembourser des dettes etc.

Nous en arrivons à la définition d’une devise. On appelle une « devise » une unité monétaire que chaque pays possède. Chaque nation a sa propre devise. Mais il peut arriver que plusieurs pays aient une devise commune. C’est le cas de l’Euro pour les pays de l’Union européenne, le dollar pour les Etats-Unis et le Canada (dollar canadien et dollar américain), le Franc CFA pour les pays de la zone. 

Ainsi donc, on désignera par devises étrangères, tous les titres de créances libellés en monnaie étrangères (lettres de change, billets à ordre, chèques, valeurs immobilières, coupons, transferts télégraphiques).

I.2. LES DÉTERMINANTS DES TAUX DE CHANGE

Dans l’ouvrage de Jacques GÉNÉREUX (2008), il apparaît deux facteurs essentiels : les facteurs dits « fondamentaux » et  des facteurs dits financiers, psychologiques et politiques.

Etudions dans un premier temps, les déterminants économiques. Il paraît naturel d’expliquer les taux de change par l’ensemble des facteurs qui conditionnent les différents flux d’échanges entre le pays et le reste du monde (RDM). 

Le rythme de croissance économique d’un pays influence plus ou moins la demande de monnaie nationale. Ainsi, un pays connaissant une croissance économique soutenue attire plus facilement les investisseurs internationaux, ce qui alimente la conversion de devises en monnaie nationale. 

A titre d’exemple, les exportations de biens et services par la Côte d’Ivoire entraînent généralement la vente de devises étrangères nécessaire à l’achat de la monnaie ivoirienne. Cette dernière tend à s’apprécier  sur le marché des changes.

En revanche, un déficit extérieur entraîne une hausse de la demande de devises, d’où une baisse du taux de change. En effet, les importations de biens et services tendent parallèlement à faire vendre la monnaie ivoirienne en échange d’une devise étrangère.  

Pour nous résumer, les importations ivoiriennes de biens et services engendrent une demande de devises étrangères et une offre de monnaie nationale. Par contre, les exportations ivoiriennes de biens et services engendrent une offre de devises étrangères et une demande de monnaie nationale.

La théorie de la parité des pouvoirs d’achat voit dans les mouvements des prix relatifs des biens domestiques et étrangers le facteur déterminant essentiel du taux de change. Cette théorie comporte une variante absolue qui explique le niveau du taux de change, et une variante relative qui explique les variations du taux de change.

La version absolue de la théorie part de la loi du prix unique (LPU) qui prévaut sur un marché international concurrentiel, sans obstacles à l’échange, sans coûts de transport ou de transaction.

La parité relative des pouvoirs d’achat met en relation la variation du taux de change et la variation des prix (inflation).

Selon la théorie des parités de pouvoir d’achat, un pays qui connaît un taux d’inflation plus élevé que celui de son partenaire commercial doit voir son taux de change s’affaiblir.

Dans un deuxième temps, abordons les déterminants financiers et psychologiques. La théorie de la sur-réaction, développée par RUDIGER DORNBUSH, à long terme, le taux de change d’équilibre est déterminé par la parité des pouvoirs d’achat, mais dans le court terme, le taux de change réagit aux différentiels de taux d’intérêt. Ceci est d’autant plus plausible que les marchés financiers s’ajustent plus rapidement que les autres.

En effet, les taux d’intérêt réels constituent le rendement d’un placement financier. Lorsque le taux d’intérêt d’un pays s’élève par rapport à celui des autres places financières, cela attire de nombreux capitaux flottants à la recherche de la rémunération la plus élevée.

Ces entrées de capitaux dans le pays (Côte d’Ivoire) engendrent une offre de monnaie étrangère et une demande de monnaie nationale (monnaie ivoirienne). Il en découle une appréciation de la monnaie ivoirienne sur le marché des changes.

Cependant, les opérateurs financiers tiennent également compte des risques liés à l’état du marché financier ; celui-ci peut être plus ou moins liquide (ne pas permettre facilement les opérations de vente par exemple), plus ou moins volatile, plus ou moins transparent. 

A contrario, les sorties de capitaux du pays entraînent une demande de monnaie étrangère et une offre de la monnaie locale (monnaie ivoirienne). Il va en découler une dépréciation de la monnaie locale (monnaie ivoirienne).

Ajoutons également que, les informations véhiculées sur le marché des changes exercent un effet non négligeable sur le comportement des acteurs, au demeurant très enclins au mimétisme : une rumeur, l’annonce de la parution de statistiques sur le commerce extérieur ou le chômage d’un pays, sur l’orientation de sa politique économique, voire sur les démêlés amoureux d’un président… suffisent parfois à déclencher de véritables tempêtes monétaires.

I.3. LA TYPOLOGIE DES RÉGIMES DE CHANGE

Les classifications sont nombreuses et dépendent des auteurs.  REINHART et ROGOFF (2004), proposent quatorze (14) catégories tandis que GHOSH, GULDE et WOLF (2003) se contentent de neuf (9).

Si ces différentes classifications ne souffrent pas de faiblesses, nous avons choisi celle du FMI, puisqu’il utilise des informations quantitatives et qualitatives. En plus, tous les pays membres sont classés et cette classification est mise à jour de façon continue.  

Le système de classification est basé sur les membres actuels, arrangements de facto comme identifié par le staff du FMI, qui peut différer de leurs arrangements officiellement annoncés. Cette classification de taux de change sur la base de leur degré de flexibilité et de l’existence des engagements formels ou informels sur le choix du taux de change. 

Il s’agit de huit catégories de régime de change qui sont déclinées de la façon suivante.

·                    Régime des pays n’ayant pas de monnaie officielle distincte : Une autre unité monétaire est la seule monnaie ayant cours légal dans le pays, ou le pays est membre d’une union monétaire ou d’un mécanisme de coopération monétaire ayant adopté une monnaie commune qui a cours légal dans chacun des pays membres.

·                    Caisse d’émission : Régime monétaire en vertu duquel un pays s’engage explicitement en vertu de la loi à échanger à un taux fixe sa monnaie nationale contre une devise spécifique; cet engagement impose certaines restrictions à l’autorité émettrice pour garantir le respect des obligations imposées par la loi.

·                    Autre régime conventionnel de parité fixe : Le pays rattache (officiellement ou de facto) sa monnaie, à un taux fixe, à une grande monnaie ou à un panier de monnaies, le taux fluctuant à l’intérieur d’une bande étroite de plus ou moins 1% maximum de part et d’autre du taux central.

·                    Rattachement à l’intérieur de bandes de fluctuation horizontales : La valeur de change de la monnaie est maintenue à l’intérieur de bandes de fluctuation supérieures à 1% de part et d’autre d’un taux central fixe, officiel ou de facto.

·                    Système de parités mobiles : La valeur de change de la monnaie est ajustée périodiquement dans de faibles proportions, à un taux fixe annoncé au préalable ou en réponse aux variations de certains indicateurs quantitatifs.

·                    Système de bandes de fluctuation mobiles : la valeur de change de la monnaie est maintenue à l’intérieur de certaines marges de fluctuation de part et d’autre d’un taux central qui est ajusté périodiquement à un taux fixe, annoncé au préalable ou en réponse aux variations de certains indicateurs quantitatifs.

·                    Flottement dirigé sans annonce préalable de la trajectoire du taux de change : l’autorité monétaire influe sur les mouvements du taux de change par des interventions actives sur le marché des changes, sans spécifier ni s’engager à annoncer au préalable quelle sera la trajectoire du taux de change.

·                    Flottement indépendant : la valeur de change est déterminée par le marché, toute intervention sur le marché des changes étant plus destinée à modérer le taux de change et à en éviter les fluctuations indésirables qu’à le situer à un niveau particulier.

Le système monétaire international a profondément évolué au cours des années quatre-vingt-dix : alors que les pays européens réalisaient une union monétaire, et que certains pays émergents tentaient, avec un succès contrasté, de mettre en place des régimes de change extrêmement rigides (Argentine, Estonie par exemple), de nombreux pays devaient abandonner, en catastrophe (crises mexicaine, asiatique, brésilienne…), l’ancrage qu’ils étaient parvenus à établir, généralement sur le dollar, pour retourner, au moins temporairement, au flottement.

Selon FISHER (2001), vu la succession des crises monétaires depuis le début des années soixante-dix, les régimes intermédiaires ne se sont pas révélés viables à long terme, en particulier dans les pays intégrés ou en voie d’intégration aux marchés financiers internationaux.

Ce point de vue rejoint la thèse de l’“impossible trinité”, selon laquelle un pays ne peut poursuivre que deux des trois objectifs suivants : la fixité du taux de change, l’indépendance de la politique monétaire et l’intégration aux marchés financiers internationaux.

Des 22 pays développés de l’échantillon, aucun n’a de régime intermédiaire. La moitié d’entre eux ont un régime de parité “rigide” et les autres un taux de change flottant. Des 33 pays émergents de l’échantillon, 16 ont un régime de changes flexibles, 3 un régime de taux rigides, et 14 un régime intermédiaire.

Pour autant, l’accord est moins large sur la pertinence de ce nouveau  consensus. Sur le plan empirique, de nombreuses études ont montré la persistance des régimes intermédiaires même après les crises de change des années 90 (LEVY-YÉYATI et STURZENEGGER (2005) ; BÉNASSY-QUÉRÉ et COEURÉ (2000)).

CALVO et REINHART (2001 et 2002)[i]ont quant à eux identifié une « peur du flottement » (fear of floating) liée au fait que les dépréciations monétaires n’ont pas les mêmes effets dans les marchés émergents que dans les pays développés.

Ces différents bémols n’entament en rien l’opinion courante depuis le milieu des années 90 qui estime que les ancrages simples sont trop vulnérables aux crises et que les pays devaient adopter soit un ancrage fixe (union monétaire ou caisse de compensation, par exemple), soit, à l’autre extrémité de l’éventail, un régime de flottement libre dans lequel le marché détermine la valeur de la monnaie sans intervention de l’État.

II.    LE CHOIX ENTRE LES SOLUTIONS EN COIN : LE RÉGIME DE CHANGE FIXE ET LE RÉGIME DE CHANGE FLOTTANT

Nous étudierons dans ce paragraphe le cas spécifique des régimes de change fixes et flexibles. Nous l’avons déjà mentionné que le point de vue actuel est de considérer les régimes intermédiaires comme n’étant plus viables, que les pays préfèrent les « solutions en coin », c’est-à-dire, le flottement pur ou une fixité stricte.

Avant de simuler les chocs frappant une économie à régime de change fixe et flexible, nous allons brièvement, en tout cas théoriquement, l’hypothèse de bipolarité des taux de change.

 II.1. LES FONDEMENTS THÉORIQUES DE L’HYPOTHÈSE DE BIPOLARITÉ

Premièrement, cette hypothèse apparaît être un corollaire au principe de l’impossible trinité : un pays ne peut pas réaliser les trois objectifs suivants en  même temps : stabilité du taux de change, indépendance monétaire et intégration du marché financier.

Deuxièmement, une justification avancée est l’importance des emprunts étrangers non-couverts en monnaie internationale (le plus souvent en dollar) contractés par les banques et les entreprises, qui sous-estiment une possible dévaluation de la devise.

Troisièmement, le coût politique d’une dévaluation : un gouvernement qui adopte une cible de taux de change attend trop longtemps avant d’abandonner la parité dans le cas d’un reflux important de capitaux.

Quatrièmement, la notion de vérifiabilité. J.A FRANKEL, E. FAJNZYLBER, S.L SCHMULKER et L. SERVEN (2001) introduisent la notion de vérifiabilité en suggérant qu’une fixité ou qu’un flottement simple sont plus facilement vérifiables par les agents économiques qu’un régime intermédiaire complexe. Cela peut réduire l’incertitude et donc influencer les décisions de consommation et d’investissements futurs.

Les fixations de type intermédiaires sont incohérentes car les autorités fixent le taux de change pour réduire le taux d’inflation, tout en ayant des objectifs de politique économique (emploi, croissance) qui induisent un biais inflationniste à la politique monétaire. Cette incohérence se traduit par une appréciation du taux de change réel et, en conséquence, une perte de devises.

Une telle incohérence peut subsister s’il existe un contrôle des capitaux assez efficace pour éviter la perte de réserves de change, ou si la capacité d’endettement des autorités est assez importante pour leur permettre de reconstituer celles-ci.

La libéralisation générale des flux de capitaux a accru les conséquences de l’incohérence des régimes intermédiaires et donc a contribué à leur effondrement, le plus souvent au terme de crises spéculatives (crise mexicaine en 1994, crise asiatique en 1998 etc…).

II.2. L’ÉTUDE DES RÉGIMES DE CHANGE FIXES ET FLEXIBLES

Si les années 60 ont été dominées par les parités fixes, les deux décennies suivantes ont l’introduction de systèmes intermédiaires : bandes de fluctuation et crawling peg ou ancrage à crémaillère.

En revanche, dans les années 90, les régimes intermédiaires ont régressé au profit des « solutions en coin ». Ainsi, les régimes intermédiaires n’étaient plus adoptés que par 59 pays en 2001 (39,9% de l’ensemble des pays membres du FMI) contre une centaine en 1990 (65,8% de l’ensemble).

Dans le même temps, le nombre de pays ayant choisi l’ancrage dur faisait plus que doubler (de 24 à 48) pour atteindre plus du quart de l’ensemble, tandis que 78 pays, soit 42,2% de l’ensemble, avaient choisi le flottement libre en 2001 contre 29 en 1990.

a)         Réactions aux chocs dans un régime de change fixe

Un taux de change fixe signifie que la valeur de la monnaie du pays est fixée par rapport à quelque chose. Cette dernière peut-être la monnaie d’un « grand » pays ou un panier de monnaie.

Pour défendre ce taux de change fixe, quatre moyens au moins sont à disposition.

–        le gouvernement  peut intervenir sur le marché des changes en achetant ou en vendant de la monnaie étrangère contre de la monnaie nationale, afin de maintenir ou influencer le taux de change réel sur le marché ;

–        le gouvernement peut imposer une forme de contrôle des changes afin de maintenir ou influer sur le taux de change par une contraction de l’offre ou de la demande sur le marché ;

–        le gouvernement peut encore modifier les taux d’intérêt nationaux pour influer sur les mouvements de capitaux à court terme, et maintenir ou influencer ainsi les taux de change en déplaçant la position de l’offre et de la demande sur le marché

–        le gouvernement peut ajuster l’ensemble de la situation macroéconomique du pays pour le faire « correspondre » à sa valeur choisi pour le taux de change fixe. Des ajustements macro-économiques, tels que des changements de la politique budgétaire ou monétaire, peuvent modifier la position de l’offre et de la demande sur le marché des changes, par exemple en ajustant les capacités d’exportation, la demande d’importation ou les mouvements de capitaux internationaux.

Dans le cas d’une dépréciation de la monnaie, comment défendre donc ce taux fixe ?

Pour répondre à cette inquiétude, considérons le cas où les pressions de l’offre et de la demande privées sur le marché des changes s’efforcent de porter le taux de change au-dessus du plafond autorisé.

Les autorités doivent vendre des devises et acheter de la monnaie nationale. S’il arrivait que la balance des règlements officiels du pays soit déficitaire, ce qui suppose que la monnaie du pays est soumise à des pressions à la baisse, la banque centrale doit intervenir en vendant des devises étrangères et en achetant de la monnaie nationale.

Cela aboutit naturellement à la réduction de la masse monétaire. Mais les autorités monétaires peuvent entreprendre une action compensatrice afin d’éviter l’effet sur la masse monétaire. C’est ce qu’on appelle la stérilisation. Dans le cas d’un déficit de la balance des règlements qui aboutit normalement à une réduction de la masse monétaire, la banque centrale peut stériliser l’intervention officielle en achetant des titres d’Etat nationaux.

Dans le cas d’une appréciation de la monnaie, comment défendre donc ce taux fixe ?

Supposons cette fois que  la balance des règlements officiels d’un pays soit excédentaire. Des pressions à la hausse s’exercent sur la monnaie du pays, la banque centrale doit donc intervenir en achetant des devises et en vendant de la monnaie nationale.

Dans son bilan, cela se traduit par une augmentation de ses avoirs internationaux officiels de réserves et par une augmentation de ses engagements. Cette augmentation peut prendre forme par un accroissement de la monnaie réellement en circulation.

Ici encore, si la banque centrale peut faire la stérilisation, afin d’éviter l’effet expansif de la masse monétaire, elle peut effectuer une opération sur le marché libre en vendant des titres d’Etat nationaux.

b)        Réactions aux chocs dans un régime de change flottant

L’un des moyens de concilier les objectifs d’équilibre interne et d’équilibre externe consiste à laisser au taux de change le soin de l’équilibre externe et à orienter les mesures de politique économique vers le problème de l’équilibre interne.

Si on laisse flotter le taux de change librement, sans intervention gouvernementale, les variations conduisent à l’équilibre externe.

S’il n’y a pas de transactions portant sur les réserves officielles, la balance des règlements officiels est nécessairement nulle et le taux de change doit varier pour prendre la valeur requise par l’obtention de l’équilibre externe. Les variations  du taux de change sont un mécanisme « automatique » d’ajustement qui permet d’assurer l’équilibre externe.

Quelle influence exerce le recours à des taux de change flottants sur le comportement de l’économie et sur l’efficacité des mesures de politique budgétaire et monétaire susceptibles d’être orientées vers l’atteinte de l’équilibre interne ?

·                     La politique monétaire dans un système de taux de change flottants

Disons-le tout de suite, en présence de taux de change flottants ou flexibles, la politique monétaire exerce une forte influence sur le revenu national. Pour le comprendre, supposons qu’on augmente expressément la masse monétaire dans le pays, par des achats de titres d’Etat nationaux sur le marché libre. Cette expansion de la masse monétaire accroît la capacité des banques à consentir des prêts.

Les taux d’intérêts vont donc baisser. Les emprunts et les dépenses augmentent. Cette baisse tend à dégrader dans le court terme la balance globale des paiements. Les sorties de capitaux dégradent le compte des opérations en capital. La demande de devises étrangères dépasse maintenant l’offre. Ces pressions conduisent à une dépréciation du taux de change de la monnaie du pays (les devises étrangères prennent de la valeur).

La dépréciation de la monnaie nationale accroît la compétitivité internationale des prix des produits fabriqués par les entreprises du pays. Il est probable que le renforcement de cette compétitivité des firmes nationales par rapport aux entreprises étrangères améliore par la suite le solde du compte courant.

L’amélioration du solde du compte courant réduit le déficit global des paiements, diminue et élimine finalement les pressions qui poussent à une nouvelle dépréciation du taux de change de la monnaie nationale. L’équilibre externe est rétabli par l’intermédiaire de la variation du taux de change.

La dépréciation peut aussi avoir des effets sur le niveau des prix et le taux d’inflation puisque elle augmente le prix intérieur des biens importés, et toute demande supplémentaire peut engendrer une pression générale à la hausse sur les prix.

·                     La politique budgétaire dans un système de taux de change flottants

La politique budgétaire expansionniste élève les taux d’intérêt dans la mesure où l’Etat emprunte davantage.  La hausse des taux d’intérêt nationaux tend à attirer les capitaux étrangers, du moins temporairement. 

Dans l’intervalle, la dépense globale, le produit et le revenu augmentent sous l’effet de l’accroissement de la dépense publique ou de la baisse des taux d’imposition. Cela accroît les importations et dégrade la solde du compte courant et la balance globale des paiements du pays est donc soumise à des mouvements de sens opposé, de même que le taux de change de la monnaie du pays. 

La hausse des taux d’intérêt tend à attirer des entrées de capitaux qui renforceront la monnaie du pays, mais la hausse de la demande globale et des importations affaiblit cette dernière.

Différentes configurations sont possibles.

–        Si les capitaux internationaux sont mobiles, l’effet initial des entrées de capitaux sera sans doute suffisamment grand pour que la monnaie du pays s’apprécie. En fin de compte, l’effet de la demande globale sera probablement plus fort et plus durable si bien que la monnaie finira par se déprécier.  Les « effets retour » sur l’économie nationale dépendent du sens de variation du taux de change.

–        Si ce dernier commence par s’apprécier, le pays a des prix moins compétitifs. Les exportations du pays diminuent et ses importations s’accroissent. La dégradation du compte courant  du pays réduit les effets expansionnistes du changement de la politique budgétaire sur le produit national. L’effet expansionniste est réduit par une éviction internationale, par l’appréciation de la monnaie du pays et la dégradation consécutive de son compte courant.

En revanche, si le taux de change se déprécie, la plus grande compétitivité des prix et l’amélioration  consécutive du compte courant donnent une nouvelle impulsion, fondée sur les échanges extérieurs, à la production nationale.

III.          QUEL RÉGIME DE CHANGE POUR LA CÔTE D’IVOIRE ?

Le choix d’un régime de change résulte à la fois des objectifs économiques du pays et des contraintes qu’il doit supporter.

III.1. LE RÉGIME DE CHANGE FIXE ET FLEXIBLE FACE AUX CHOCS MONÉTAIRES ET REELS

A)        LE CAS D’UN REGIME DE CHANGE FIXE

     A.1. LES CHOCS INTERIEURS

§     Chocs monétaires

Considérons un choc monétaire interne qui modifie la relation d’équilibre entre l’offre et la demande de monnaie parce que la masse monétaire change ainsi que les décisions de détention de monnaie. C’est le cas par exemple lorsqu’on fait face à une innovation financière (généralisation de la carte bancaire, des billetteries automatiques). Mais l’effet est annulé par l’intervention de la banque centrale en stérilisant les dispositions officielles.

§     Chocs réels

Supposons un choc réel dû à un changement exogène dans la dépense intérieure en biens et services. Il peut aussi s’agir d’un changement dans l’état d’esprit des chefs d’entreprises ou dans le sentiment des consommateurs, qui aboutit à un changement de l’investissement réel ou de la dépense de consommation.

A.2. LES CHOCS EXTEIEURS

Ces chocs peuvent être associés aux mouvements des capitaux. Les sorties de capitaux entraînent la dégradation du compte des opérations en capital. Il se produit une pression à la dégradation du taux de change de la monnaie nationale. Pour défendre le taux fixe, la banque centrale intervient en achetant de la monnaie nationale et en vendant de la monnaie étrangère. Cela a pour  conséquence, une augmentation des taux d’intérêt.

B)        LE CAS D’UN REGIME DE CHANGE FLEXIBLE

    B.1. LES CHOCS INTERIEURS

Des chocs monétaires internes influent sur la relation d’équilibre entre la masse monétaire et la demande de monnaie, et entrainent un déplacement de la courbe LM. Les chocs monétaires internes ont de puissants effets sur une économie dont le taux de change flotte.

Si le choc monétaire tend à une expansion de l’économie, le taux de change de la monnaie nationale tend à se déprécier, ce qui augmente encore le produit national (ou exerce une pression supplémentaire à la hausse sur le niveau des prix ou le taux d’inflation du pays). 

Si le choc monétaire tend à contracter l’économie, la monnaie nationale tend à s’apprécier et le produit national diminue. 

Les chocs internes liés à la dépense modifient la dépense intérieure et déplace positivement la courbe des biens et services. Un changement de la politique budgétaire en est un exemple.

L’effet de ce type de choc sur le taux de change dépend de celle des deux grandeurs suivantes qui varie le plus : les mouvements internationaux de capitaux ou le compte courant du pays.

    B.2. LES CHOCS LIÉS AUX MOUVEMENTS DE CAPITAUX INTERNATIONAUX

Les chocs liés aux mouvements de capitaux interviennent à cause de changements, sans la prospection que les investisseurs ont de la situation économique et politique des divers pays. 

Considérons le cas défavorable associé à des mouvements de capitaux internationaux, conduisant à des sorties de capitaux du pays considéré, peut se produire parce que les taux d’intérêt étrangers augmentent, puisque les investisseurs s’attendent à une plus grande dépréciation de la monnaie nationale à l’avenir, ou parce que les investisseurs craignent une évolution négative de la vie politique ou de la vie économique nationale.

Cette situation entraîne des sorties de capitaux qui exercent une pression à la baisse sur le taux de change de la monnaie nationale, et la monnaie se déprécie. 

Cette dépréciation améliore la compétitivité internationale des prix des produits locaux, les exportations augmentent et les importations diminuent, améliorant ainsi le compte courant. La demande supplémentaire tend à accroître le produit national.

On voit donc que, dans le cas d’un régime de taux de change flottants, des chocs externes dus à des mouvements de capitaux peuvent influer sur l’équilibre interne, en modifiant le taux de change et la compétitivité internationale des prix du pays.

Les chocs liés aux flux d’échanges internationaux modifient également le solde du compte courant national. A titre d’exemple, un choc défavorable lié aux échanges internationaux peut apparaître en raison d’une baisse de la demande étrangère des biens d’importation du pays, d’un goût plus élevé des nationaux pour des biens importés, ou d’une diminution de l’offre d’une importation importante telle que le pétrole. 

Ce choc réduit à la fois le compte courant et le produit national ou le revenu tout court. Avec la dégradation du compte courant, la balance globale des paiements tend à devenir déficitaire et la monnaie locale se déprécie. L’amélioration de la compétitivité des prix accroît les exportations et réduit dans le même temps les importations. Le compte courant commence par s’améliorer, le produit national et le revenu croissent.

Si les choses se déroulent normalement sans un changement dans les mouvements de capitaux internationaux, la monnaie locale va se déprécier suffisamment pour annihiler totalement la dégradation du compte courant et ramener ainsi à zéro le solde de la balance globale des paiements.

III.2. LE FLOTTEMENT DIRIGE : LE REGIME DE CHANGE DE LA MONNAIE IVOIRIENNE ?

Il n’est pas facile de dire que tel régime est meilleur qu’un autre. Soyons donc clair : il n’y a pas de régime meilleur, il faut d’abord savoir quelle est la nature des chocs qui domine, leur fréquence tout comme leur ampleur.

L’utilisation des VAR structurels permet de connaître si une économie fait face à des chocs de demande ou d’offre. Au niveau interne, une économie qui fait face à des chocs monétaires gagnerait à adopter l’Etalon-or ou un régime de change fixe. Si par contre, cette économie fait face à des chocs réels, le flottement est le meilleur régime.

En effet, ce qu’on veut limiter, c’est la volatilité de l’output. Cependant, un régime de change fixe peut être adopté précisément en raison de la discipline anti-inflationniste qu’il suppose.

La fixité du taux de change est utilisée alors comme une contrainte externe que s’impose le pays pour réussir la désinflation. La politique de désinflation compétitive menée par les pays membres du SME repose en partie sur ce type de mécanisme, qui justifie également la politique de change de certains pays émergents.

Ainsi, en Argentine, l’adoption d’un currency board est apparue comme le dernier moyen de préserver la monnaie, profondément ébranlée par les hyperinflations qui ont affecté le pays dans les années quatre-vingt.

Cette stratégie d’ancrage peut être d’autant plus justifiée que les régimes de change orientés exclusivement sur le maintien de la compétitivité (donc du niveau du taux de change réel) peuvent accélérer l’inflation : lorsque le taux de change est dévalué régulièrement pour compenser les écarts d’inflation, cela peut conduire à un processus où l’inflation est importée, ce qui impose une nouvelle dépréciation.

L’histoire récente des crises de change a révélé que ces modèles (et leurs variantes) indiquent que les dévaluations effectives et les changements de régime sont précédés par des déséquilibres monétaires et budgétaires qui sont incompatibles avec le dispositif de taux de change.

Parmi les variables indicatives de déséquilibre figurent : une croissance des différentiels de taux d’intérêt, un déclin des réserves extérieures, une surévaluation de la monnaie nationale, une augmentation des déficits budgétaires financés par la création de crédit interne et un important déficit des paiements courants.

Un régime de change fixe suppose la définition d’une parité de référence entre la monnaie du pays considéré et une devise (ou un panier de devises), à laquelle la banque centrale s’engage à échanger sa monnaie.

–        Lorsque le marché des changes est libéralisé, le respect de cet engagement lui impose d’intervenir sur le marché des changes dès que le taux de change s’éloigne de la parité établi, par l’achat de la monnaie nationale si la monnaie tend à se déprécier sur le marché des changes, par sa vente dans le cas contraire.

–        Lorsque le marché des changes est contrôlé, la monnaie est inconvertible, la parité est définie arbitrairement et soutenue artificiellement.

En régime de taux de change nominal fixe, l’économie est forcée d’absorber pleinement les effets des mouvements des prix mondiaux au moyen de variations des salaires et des prix nominaux intérieurs.

Le fardeau de l’ajustement tombe d’abord sur la production et l’emploi et, seulement par la suite, s’étend à la plupart des salaires et des prix. Et comme les salaires intérieurs ont particulièrement tendance à être rigides, les changements dans la production et l’emploi doivent être considérables.

Pour nombre de personnes et d’entreprises ainsi que pour l’économie en général, l’ajustement devient alors plus difficile et coûteux que ce ne serait le cas en régime de changes flottants.

En reproduisant très bien la variance des termes de l’échange, une étude D’AKITOBY Bernardin (1997), semble montrer que dans un pays comme la Côte-d’Ivoire, gros exportateur de matières premières, les termes de l’échange sont une variable endogène dont la dynamique doit être expliquée tant par des chocs internes qu’externes.

Le rôle non négligeable des chocs de demande extérieure laisse supposer que la transmission internationale des cycles économiques par le canal du marché d’exportation peut être validée pour la Côte-d’Ivoire.

L’objectif de ce texte a été d’expliquer la variabilité des termes de l’échange (en Côte d’Ivoire) par les chocs d’offre et de demande sur le marché d’exportation. Pour ce faire, nous avons construit un modèle de cycles économiques réels dans lequel les termes de l’échange sont endogènes.

Le modèle reproduit bien les variations des termes de l’échange et révèle l’importance des chocs de productivité interne et de demande étrangère. Par ailleurs, les résultats montrent l’impact significatif des chocs du marché d’exportation sur les cycles économiques en Côte d’Ivoire.

Les effets non négligeables des chocs de demande étrangère laissent penser que le marché des matières premières joue un rôle comme canal de transmission internationale des cycles économiques.

 La Côte d’Ivoire comme la plupart des petites économies ouvertes font face régulièrement à une détérioration des termes de l’échange. On se souvient qu’à la fin de 1986, le choc des termes de l’échange posait à la Côte d’Ivoire un problème épineux. Il s’agissait d’un choc négatif qui a entraîné les termes de l’échange à un niveau historiquement bas.

Cette détérioration durable a été expliquée par l’augmentation des capacités de production, en particulier en Côte d’Ivoire où la production avait pratiquement doublé entre 1978 et 1988 et à l’entrée de nouveaux producteurs du sud-est asiatique sur le marché mondial des produits agricoles d’exportation, répondant à des incitations du marché.

D’après la Banque Mondiale, les termes de l’échange ont baissé en moyenne de plus de 41% entre 1986 et 1990. En Côte d’Ivoire, durant la période 1971-1975, on note une détérioration des termes de l’échange au cours du quinquennat, 3% par an en moyenne, qui s’explique par une croissance plus forte des prix à l’importation (taux moyen de hausse de 12.7%) par rapport à l’accroissement des prix à l’exportations (9.7%) au cours de la période.

Le régime de changes flottants est une option sérieuse envisageable dans  les économies comme les nôtres. Un taux de change fixe peut être justifié dans les économies – surtout très petites – où il s’avère difficile de mener une politique monétaire indépendante. En pareille situation, les coûts liés à une monnaie flottante peuvent l’emporter sur les avantages.

Cela dit, pour de nombreux pays, et notamment pour la plupart des grandes économies, un taux de change flexible peut au contraire se traduire par des avantages économiques nettement supérieurs aux coûts.   

Etant donné que la Côte d’Ivoire est une petite économie ouverte, le flottement impur serait peut-être adapté. La flexibilité du taux de change favorise un ordre financier libéralisé et fondé sur le marché, dont le grand avantage est de permettre que des ajustements continus soient effectués en réaction aux signaux de prix.

Le taux de change flexible s’ajoute aux autres prix déterminés par le marché. Non seulement, il absorbe les chocs, mais il utilise les prix pour faciliter les changements. En même temps, il faut toujours garder à l’esprit qu’un régime de changes flottants n’est qu’un élément parmi d’autres au sein d’un éventail de politiques essentielles à l’efficience économique. Un taux flexible est néanmoins indispensable aux pays qui entendent mener une politique monétaire indépendante et axée sur la stabilité des prix.

La Côte d’Ivoire étant une économie ouverte de taille moyenne et un important producteur de matières premières, nos termes de l’échange peuvent varier sensiblement au gré de l’évolution des prix relatifs des produits de base, des biens manufacturés et des services.

Ces mouvements des prix relatifs sont un signal qu’il convient de déplacer des ressources de secteurs dont la rentabilité est en baisse vers des secteurs où les profits augmentent. En régime de changes flottants, les variations du cours de la monnaie facilitent ce processus et contribuent à réduire au minimum les ajustements dans d’autres secteurs de l’économie.  Le taux de change flottant favorisera ces ajustements et évitera à notre économie de subir des variations très pénibles du niveau global de la production, des salaires et des prix.

Avec un taux de changes flottants, le recul du taux de change nominal, monnaie nationale, les secteurs autres que celui des matières premières verront leur position concurrentielle s’améliorer. Ces secteurs seront capables d’absorber certaines des ressources dont se départissent rapidement les industries productrices de matières premières. Grâce au taux de change flottant, nous arriverons à faire baisser les salaires réels sans faire diminuer les salaires nominaux, et maintenir l’inflation près d’un taux acceptable.

Mais il faudra faire des réformes du système financier garantissant le meilleur fonctionnement de celui-ci puisqu’il est indispensable pour permettre l’affectation efficace du capital au pays et pour faciliter l’amortissement des chocs externes.

Dans une petite économie ouverte, la mobilité des capitaux est relativement faible. Une politique monétaire expansionniste entraîne le déficit des transactions courantes et de la balance des capitaux, donc de la balance globale. Ce déficit entraine une tendance à la dépréciation du taux de change mais la banque centrale n’intervient pas. Il n’y a ni entrée ni sortie de devises, l’ajustement se fait par les taux de change, ici la dépréciation est effective. La monnaie initialement créée n’est pas détruite comme dans le cas des taux de change fixes.

En régime de taux de change flexibles, comme le dit Patrick ARTUS et Pierre MORIN (1991), « la masse monétaire est complètement déconnectée du marché  des changes ». La dépréciation favorise les exportations et a donc tendance à  résorber le déficit. L’accroissement des exportations stimule encore plus l’activité économique.

Une politique budgétaire expansionniste entraîne un déficit de la balance des transactions courantes et un léger excédent de la balance des capitaux en raison de la faible mobilité des capitaux. La balance globale est déficitaire puisque la balance des transactions courantes l’emporte sur celle des capitaux.

Le déficit de la balance globale implique une sortie de devises. Il y a tendance à la dépréciation du taux de change, la banque centrale n’intervient pas, l’ajustement se fait par les taux de change, la masse monétaire n’est pas modifiée, et la dépréciation renforce l’effet de compétitivité, stimule les exportations et donc l’activité économique, le déficit initial sera résorbé. La relance budgétaire initiale sera même renforcée par la dépréciation. Le libre flottement du taux de change est cohérent avec une politique dévouée à la réalisation d’objectifs locaux.

En général, la faiblesse de la demande de petite monnaie conduit les pays en développement (PED) à libeller leurs engagements en grande monnaie. Les ressources locales (l’épargne locale) sont généralement considérées comme insuffisantes par les investisseurs publics et privés au sein des PED, ils recourent alors à l’endettement externe.

Il est cependant rare que les créanciers étrangers acceptent de fournir des créances libellées en monnaie locale car ils craignent la variabilité du taux de change. En conséquence, les engagements en devises dans le bilan de l’économie locale sont importants.

Ainsi, toutes variations du taux de change étaient parfaitement prévisibles, celles-ci seraient indexées, cependant elles ne le sont pas, ce qui incite les gouvernements à intervenir pour éviter les variations trop amples voire pour stabiliser le taux de change. On dit alors que les gouvernants ont peur du flottement. Le flottement impur fait peut-être moins peur puisque le gouvernement ne souhaite pas laisser aller le taux là où le conduisent l’offre et la demande privées.

Le gouvernement essaie souvent d’avoir un impact sur le taux par des interventions officielles. Les autorités monétaires entrent sur le marché des changes pour acheter ou vendre de la monnaie étrangère (en échange de la monnaie nationale).

CONCLUSION

Le choix d’un régime de change revêt une grande importance. Il met en cause la politique économique d’un pays, ses marges de manœuvre et son mode d’ajustement macro-économique. Il implique également les partenaires du pays considéré, qui sont sensibles aux conséquences d’un régime de change sur leur compétitivité relative, ou qui peuvent être amenés à soutenir une monnaie liée à la leur, par un système de parité fixe.

Les régimes de change déterminent ainsi les conditions de l’insertion internationale des économies.

Pour les pays membres de l’UEMOA, l’histoire a voulu qu’ils soient dans une union monétaire. Cela suppose qu’ils remplissent des critères or ces derniers sont quelque part endogènes.  Lorsqu’on fait une analyse coût-avantage, on conclut qu’on ne peut pas conclure.

Ce qui est décisif, c’est la décision politique. C’est la volonté de partager ensemble une certaine souveraineté. Aujourd’hui, avec un éclatement possible de l’Union, la Côte d’Ivoire pourrait adopter un système de flottement impur.

Dr PRAO YAO Séraphin

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