Beaucoup de Togolais doivent se demander comment les diplomates en poste à Lomé, en privé, ont-ils jugé le tissu de mensonges que le président Faure Gnassingbé a déroulé devant leurs yeux à l’occasion de la cérémonie de présentation de vœux de fin d’année ? Contacté sur place, l’un d’entre eux qui a voulu garder l’anonymat, traite de « Basse œuvre » ce discours du président. « Il est fort probable que ce soit à peu près le même type d’allocution que le leader du RPT/UNIR va prononcer à l’adresse de ses compatriotes pour clôturer l’année qui finit », a confié ce diplomate qui a, par ailleurs, exprimé des craintes que « ses promesses de réformes, autant de fois remises aux calendes grecques qu’annoncées, restent lettres mortes, ce qui va continuer de vicier l’atmosphère »… « Ce président doit accepter l’évidence que son peuple ne le suit pas…que ce serait une erreur d’espérer mieux que les dix ans qu’il va bientôt passer à la tête de l’Etat. »
Qui peut encore faire confiance à un pouvoir disjoncté que tout le monde assimile à un clan mu par des intérêts contraires à ceux du peuple et qui, faute de décisions vigoureuses, commence à recourir, pitoyablement, à des schémas de coups de force imaginaires. Pour se donner du contenu. Pour se flatter d’un avenir, hélas, en pointillés ? Si, comme on le constate, les observateurs étrangers savent de quoi souffre notre peuple, celui-ci, naturellement, ne perd rien de vue. Les Togolais que le système croit pouvoir indéfiniment maintenir dans une posture de victime résignée, ont conscience que ce système RPT/UNIR est bien celui qui a bâti, au Togo et dans la sous-région, le plus gros silo de moignons de chair humaine et de fémurs moulinés. C’est une histoire récente que toute mémoire, quelque courte ou défectueuse soit elle, peut garder. A écouter Faure Gnassingbé lors de son discours devant les diplomates, on se retrouve sept ans en arrière. Dans ces périodes douloureuses. Que n’avait-il pas promis à sa prise de pouvoir ? Et pourquoi, avec la majorité confortable RPT/UNIR/UFC qu’il avait tout au long de la précédente législature, n’avait-il pas pu tenir ses promesses de réformes, décrispant, ce faisant, le climat politique?
A l’heure du bilan, les réformes sont introuvables, la « réconciliation entre fils et filles du Togo», gardée dans les tiroirs. Tel un publicitaire qui ne connaît pas son cap, le président compte sur les élections de 2013 qu’il n’est pas sûr de gagner, pour baliser la voie vers lesdites réformes. C’est du nonsense pour ne pas dire que le président a lui-même vendu la mèche : ces élections, c’est préfabriqué, c’est du pipeau. Que c’est difficile d’être un vendeur de vent ! Si on doit s’en tenir, rien qu’au discours présidentiel devant les diplomates et à celui qu’il s’apprête à délivrer à l’adresse de ces concitoyens, ceux-ci doivent s’attendre que l’année 2013 soit, au mieux, une parfaite copie de la précédente ou, au pire, l’année d’un cataclysme national. L’histoire nous apprend que le pire n’est pas toujours derrière et qu’il ne vient pas forcément du côté où on l’attend. Les exemples sont légion, suffisamment pour instruire le RPT et ses responsables.
Dans la damnation qui le frappait, Sisyphe, roi maudit de la mythologie grecque, gardait l’espoir de réussir, un jour, à déposer au sommet de la montagne le rocher qu’il était condamné à rouler indéfiniment. Peine perdue évidemment puisque la dégringolade était inscrite dans l’histoire. Mais Sisyphe, lui, ne le savait pas et c’est ce qui explique l’espoir fou qui l’animait, sa hargne à atteindre la cime libératrice. Quel rapport entre la légende et la réalité togolaise, me diriez-vous ?
Le rapport est évident : Faure, c’est notre roi maudit. Dans la descente aux enfers, dans l’absurdité qui caractérise cette légende de Sisyphe, il y a pire au Togo.
Ceux qui règnent en maîtres absolus sur le pays, sans jamais aménager, dans leur conception de la démocratie, une quelconque place pour l’alternance politique au Togo, lui ont trouvé un nom : le surplace. Le surplace qui immobilise, qui enchaîne, qui anéantit tout espoir et contrarie l’avenir de la jeunesse. Le Sisyphe national, Faure, a l’air de demander à son peuple d’attendre. Attendre, encore et toujours. Alors que son parti aux allures d’un parti-état, s’est donné pour devise « Ô temps suspends tes mouvements » et pour meilleure politique de ne décider de rien. Passer des mois entiers à attendre, des années insupportables à compter les trimestres. Attendre que la justice finisse ses cirques d’injustice et que la caste des magistrats reste des subordonnés soumis. Attendre que la CENI continue d’être cette troupe d’individus dociles, apprivoisés pour fossoyer les urnes. Que tous les militaires de l’armée nationale possèdent la carte UNIR, que les miliciens d’Adéwui, impunément, sèment périodiquement la terreur, au lieu d’apprendre eux aussi à militer normalement dans un parti politique, sans hache ni gourdin. Attendre et voir les autres écuries, celles de l’administration pourrie, maintenues en l’état, jamais nettoyées! Attendre, que le pouvoir d’Etat dont la tâche première consiste à servir les intérêts quotidiens de la population, soit toujours craint et perçu par celle-ci comme une menace d’apocalypse sur sa tête. Attendre et attendre, peu importe si le régime du RPT doit, à l’infini, durer.
Pendant que le peuple est soumis à l’attente de ces ‘impossibles’, le génie a foutu le camp. Pour laisser la place à l’amertume, à la déprime. Les Togolais sont devenus un peuple déprimé. Gallup l’a mentionné dans son rapport de 2012 sur les nations positives. Cela saute d’ailleurs aux yeux dans les attitudes quand on visite le pays. Nul ne peut s’étonner que l’effet boomerang se manifeste. Parce que Faure et son clan rament dans les périphéries de l’histoire, ils ne voient rien venir. Aussi grimacent-ils une sérénité gênée, faisant croire que tout marche.
« Les peuples se laissent docilement emmener ; elles obéissent à tout ce qui les entoure, aux volontés et aux désirs de ceux qui sont plus puissants qu’elles, à l’hérédité, à la suggestion, et à toutes les autres causes extérieures qui les dirigent comme de simples pions sur l’Echiquier de la Vie », avait écrit Pr. Régis DUTHEIL dans «L’homme super lumineux»… Mais le jour où ce même peuple se rendra compte qu’il a dos au mur et n’a plus rien à perdre, rien ne peut l’empêcher de prendre son destin en main. Et, c’est sur les décombres de ses oppresseurs, qu’il fonde son avenir. Les togolais n’y sont-ils pas depuis ?
Lorsqu’on se réfère à la simple raison que toute cause a son effet, et tout effet est dû à une cause, le président Faure Gnassingbé, bientôt, sera victime de l’école inférieure qu’il pratique, année après année, cette école de l’arrogance et du déni, de l’entêtement et du fanatisme, du défi et du négationnisme dans laquelle il s’est tapi. C’est toujours au regard du même principe de cause à effet et du devoir d’équilibre de la nature qu’il est facile de prophétiser que bientôt, un plan supérieur va s’exécuter, pour rendre Faure à son sort, tel un dindon de la farce. Attention ! Au Togo les mouches changent vite d’âne. Jusqu’où le Roi de la République togolaise, notre sacré Sisyphe, va-t-il continuer de rouler, à contre-courant, contre son peuple, le rocher des impossibles ! En attendant qu’il découvre, par lui-même, ces propres limites ou que celles-ci le découvrent, souhaitons-lui Bonne Chance et Bonne Année 2013.
Kodjo Epou
Washington DC
USA