Christophe Boisbouvier (RFI) et Marc Perelman (France 24) : L’heure de nous faire respecter a sonné ! [Par Jean-Claude DJEREKE]

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Christophe Boisbouvier (RFI) et Marc Perelman (France 24) auraient contacté Laurent Gbagbo pour obtenir de lui une interview après l’assouplissement des restrictions qui pesaient sur son acquittement du 15 janvier 2019 et l’ancien président ivoirien leur aurait répondu ceci : “Avant d’accorder une entrevue à un media français, vos rédactions doivent commencer par rétablir mon intégrité morale et ma réputation qui ont été entachées pendant près de 20 ans de diabolisation contre les institutions ivoiriennes que j’ai gouvernées . Diffusez, pendant quelques jours, la décision de la justice française qui a condamné le journal “Le Monde” [en 2006]pour avoir accusé mon épouse Simone Gbagbo d’avoir orchestré les escadrons de la mort pendant mon mandat. Rétablissez notre honneur que vous avez traîné dans la boue. Ensuite, je jugerai s’il est opportun de vous consacrer cette interview.”

Gbagbo a-t-il bien parlé ? D’abord, il a dit tout haut ce que des millions d’Ivoiriens pensent tout bas. Ensuite, il a parlé comme doit parler un homme qui a de la dignité et des convictions. Ce qui distingue l’homme digne de l’homme indigne, stupide et opportuniste, c’est que le second oublie facilement les graves injustices que lui et son peuple ont subies, est prêt à passer par pertes et profits les torts qui leur ont été injustement causés, parle du pardon sans savoir que celui-ci exige, entre autres choses, que le bourreau fasse son mea culpa et répare ce qui peut l’être. L’homme indigne, stupide et opportniste ne cesse de dire qu’il faut avancer, qu’il ne sert à rien d’avoir la rancune tenace, qu’il faut tourner la page de ce qui arriva hier et tutti quanti.

Pourquoi raisonne-t-il ainsi ? Quelles sont ses motivations ? Que recherche-t-il ? Il veut être de nouveau sous les feux de la rampe, rejouer un rôle public. Lui manquent non seulement les ovations et les bains de foule mais aussi l’argent de la politique car n’oublions jamais que, si beaucoup de personnes s’engagent en politique en Afrique, ce n’est pas pour servir et changer la situation des pauvres et démunis mais pour se servir et s’enrichir rapidement sur le dos du peuple. Les souffrances endurées jadis par le peuple ne comptent plus chez l’homme indigne, stupide et opportuniste. Ce qui le préoccupe désormais, c’est comment rassurer le bourreau (la France), comment amener ce dernier à croire qu’il n’y aura pas de vendetta s’il retrouve le pouvoir. Il ne posera donc aucune condition avant de discuter avec les medias qui le diabolisaient hier alors qu’il se battait pour que son pays prenne son destin en main.

Je suis heureux que Laurent Gbagbo ait posé un certain nombre de conditions à RFI et à France 24 avant de leur accorder un entretien car la France, sa classe politique et ses medias aux ordres ont posé des actes trop graves contre Laurent Gbagbo. De mon point de vue, il est trop facile de jeter l’opprobre sur un homme, de lui imputer des crimes contre l’humanité, de l’accuser de persécuter les musulmans, les Nordistes et les ressortissants de la CEDEAO, uniquement parce qu’il est un président atypique, et de venir ensuite lui demander une interview sans avoir reconnu au préalable qu’on s’est trompé sur cet homme et qu’on lui a nui injustement. Cette façon de faire, qui banalise les souffrances du Noir, témoigne tout simplement du mépris et du racisme de l’Occident. Celui-ci s’excusera pour la persécution et le massacre des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale mais ne présentera jamais d’excuses pour l’esclavage, la colonisation, les tueries de novembre 2004 (devant l’hôtel Ivoire) et d’avril 2011, etc. Il ne demandera jamais pardon parce que Jules Ferry lui a enseigné que “les droits de l’homme ne sont pas faits pour les Nègres”, parce que Hegel lui a inculqué l’idée selon laquelle “le Nègre représente l’homme naturel dans toute sa sauvagerie et sa petulance”, parce que David Hume l’a convaincu que “les Nègres et en général les autres espèces humaines [sont]naturellement inférieurs à la race blanche”, parce que Charles Louis Montesquieu a osé écrire : “On ne peut se mettre dans l’idée que Dieu, qui est un être sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. (…) Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes.”

Nous devons faire cesser ce mépris et cette discrimination en refusant de tendre l’autre joue. Nous sommes d’autant plus contraints d’agir ainsi que ceux qui nous vantent l’importance du pardon sont les derniers à le mettre en pratique. Je veux être clair ici : tous ceux qui ont insulté et maltraité nos résistants n’ont pas droit à notre pardon. Tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre, ils doivent payer pour leurs mensonges et crimes. L’heure n’est plus au pardon ; l’heure de nous faire respecter a sonné. C’est la raison pour laquelle je suis d’accord avec Kemi Seba quand il s’adresse aux Africains en ces termes : “On vous tue, vous pardonnez, on vous viole, vous pardonnez, on pille vos richesses, vous pardonnez, on tabasse vos enfants dans des prétendues bavures policières, vous pardonnez, on tue ceux qui se battaient et résistaient pour nous, vous pardonnez. Il y a pourtant un moment où, tôt ou tard, il faudra bel et bien se dire que pardonner le mal systématiquement, c’est l’approuver.”

Avant de terminer ces lignes, je repense à une parole de Georges Clémenceau (1841-1929) : “Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire !” Certains Africains semblent ne pas savoir ce qu’ils veulent. Ils se plaignent à juste titre de la France mais ont du mal à rompre avec elle. Le plus désolant, c’est qu’ils ne tirent aucun enseignement de notre douloureux passé. Inconscience ? Légèreté ? ou bien les deux ? Fort heureusement, l’Afrique compte encore des fils dignes comme Laurent Gbagbo qui refusent de “sacrifier leurs convictions pour être dans l’air du temps et faire plaisir à des hommes sans conscience morale” (John Kennedy).

 C’est la prise au sérieux de cette dignité qui conduisit l’ancien président à ne pas prendre part au premier sommet France-Afrique organisé sous Nicolas Sarkozy à Nice en mai 2010 et à ne pas se rendre avec l’armée ivoirienne sur les Champs-Élysées le 14 juillet 2010 à la faveur du cinquantenaire des ex-colonies françaises.  Il ne voyait pas l’utilité de défiler à Paris alors que le lourd contentieux qui existe entre la France et la Côte d’Ivoire n’a pas été vidé.

Honneur à lui et que le Dieu de justice et de vérité continue de veiller sur lui !

Jean-Claude DJEREKE

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