Les supposés restes du chef de la révolution burkinabè « criblés de balles » (rapport d’autopsie)
Les rapports d’autopsie et d’expertise balistique montrent que les supposés restes du chef de la révolution burkinabè, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara (1983-1987) a été « criblés de balles », a affirmé mardi un des avocats des familles des victimes du coup d’Etat du 15 octobre 1987, Me Ambroise Farama, face à la presse à Ouagadougou.
Après plus de quatre heures d’audience avec le juge d’instruction militaire sur les résultats de l’autopsie et de l’expertise balistique, Me Farama qui soutient que des « éléments probants » montrent que les restes exhumés en mai pour des besoins d’enquêtes, « sont bel et bien » ceux des victimes du coup d’Etat de 1987, a confié que le capitaine Sankara a été « criblé de près d’une dizaine de balles ».
Selon l’avocat, ce qu’ils ont « pu relever » c’est que le père de la révolution renversé par son « ami » le capitaine Blaise Compaoré, ex-président du Burkina (1987 à 2014), a reçu « des balles un peu partout, dans sa poitrine, les jambes et même les aisselles ». Cela « montre certainement qu’il avait les bras en l’air », a-t-il précisé.
« Huit à neuf » soldats de « l’ex-Régiment de sécurité présidentielle ont été inculpés » pour l’assassinat de Thomas Sankara et de ses douze compagnons, ainsi que le médecin qui a établi l’acte de décès du chef de la révolution, le colonel Alidou Guebré, s’est réjoui Me Bénéwendé Sankara, également l’un des avocats des familles des victimes, présent à la présentation des rapports d’autopsie et d’expertise balistique à la justice militaire.
« Quinze jours » sont donnés aux avocats des familles des victimes du coup d’Etat et à ceux des personnes inculpées, qui sont « libres de demander une contre-expertise », pour faire des observations concernant les rapports qui leur ont été présentés, selon Me Sankara.
Quant aux résultats des tests d’ADN, Me Sankara a indiqué qu’ils « ne sont pas encore prêts » et ils sont toujours dans l’attente.
Après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre, le gouvernement de la transition mis en place fin novembre 2014, a affirmé sa volonté à faire la lumière sur l’affaire Thomas Sankara attendue, dont le dossier était classé sous Blaise Compaoré, qui a démissionné le 31 octobre à la suite de manifestations.
En mai, les tombes présumées de Thomas Sankara et celles de ses compagnons ont été mises sous scellés en vue de procéder à l’exhumation des corps. Plusieurs auditions ont eu lieu dans le cadre de cette enquête depuis la réouverture du dossier début mars.
DZO
Burkina: 28 ans après, premières inculpations dans l’assassinat de Sankara
Par AFP
L’ancien président charismatique du Burkina Faso Thomas Sankara a été «criblé de balles» lors de son assassinat en 1987 selon le rapport d’autopsie présenté mardi à Ouagadougou, alors que les premières inculpations ont été annoncées 28 ans après sa mort.
Icône du panafricanisme, le capitaine Sankara a été tué, après 4 années au pouvoir, le 15 octobre 1987 lors d’un putsch qui a porté son compagnon d’armes Blaise Compaoré au pouvoir.
L’enquête sur sa mort a été ouverte fin mars 2015, cinq mois après le renversement de Compaoré, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir. Les ossements de M. Sankara ont été exhumés fin mai et sont en cours d’authentification par une expertise ADN.
Cette enquête, dont les résultats étaient très attendus, vise à lever le voile sur le mystère entourant les circonstances de la mort de Thomas Sankara. Le sujet était entièrement tabou pendant l’ère Compaoré, qui a été soupçonné d’avoir commandité son assassinat. Officiellement, Sankara était décédé «de mort naturelle», à 37 ans.
En réalité, selon plusieurs témoignages publiés, un commando a abattu le «père de la révolution» le jeudi 15 octobre au Conseil de l’Entente, siège du gouvernement en plein centre de Ouagadougou, alors qu’il était en tenue de sport rouge (le jeudi étant une journée de sport de masse obligatoire pendant la révolution).
L’un des avocats de la famille Sankara, Me Bénéwendé Stanislas Sankara (sans lien de parenté) a indiqué mardi que les premières inculpations avaient été prononcées par la justice.
«Il y a huit ou neuf inculpés», dont certains «sont déjà déférés», a-t-il déclaré, précisant que parmi les inculpés figurent «des militaires de l’ex-RSP (Régiment de sécurité présidentielle)», l’unité qui a perpétré le coup d’Etat avorté du 17 septembre et qui a été dissoute.
Le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré, est largement soupçonné d’avoir été à la tête du commando qui a abattu Sankara en 1987. Il était alors l’homme de l’ombre et le bras droit de Blaise Compaoré. Il est actuellement écroué à Ouagadougou, inculpé «d’attentat à la sûreté de l’Etat» et de «haute trahison» pour le putsch avorté.
Le médecin colonel-major Fidèle Guébré, qui avait établi le certificat de décès de «mort naturelle» en 1987, en tant que directeur de la santé militaire à l’époque, a été inculpé pour «faux en écriture publique».
– ‘Ahurissant’ –
L’autopsie a révélé que Sankara a été «criblé de balles».
«Au niveau des impacts, ce qu’on a pu relever en ce qui concerne le corps de Thomas Sankara, c’est vraiment ahurissant. On peut dire qu’il a été purement et simplement criblé de balles», a déclaré Me Ambroise Farama, un des avocats de la famille.
«En ce qui concerne les autres (personnes assassinées en même temps que Sankara), on a pu retrouver par-ci, par-là un ou deux impacts de balles. Mais pour Thomas Sankara, il y en avait plus d’une dizaine à tous les niveaux, et même en bas des aisselles. Ce qui montre qu’il avait certainement levé les bras, si en tout cas c’est bien lui. Il y en avait partout, dans la poitrine, les jambes…
Me Farama a souligné qu’il fallait attendre le résultat de tests ADN, en cours en France, pour formellement identifier l’ancien chef d’Etat.
Il avait été enterré en catimini au cimetière de Dagnoën, en banlieue est de Ouagadougou avec d’autres victimes.
«A ce stade on ne peut pas être totalement affirmatif (…). Par contre, il y a des éléments qui ont été retrouvés dans les tombes qui portent à croire qu’effectivement ces tombes-là sont celles des personnes qui ont été assassinées le 15 octobre 1987», a-t-il précisé.
«Dans certaines tombes, les parents des victimes qui étaient présentes (dans le cabinet du juge d’instruction) ont pu reconnaître les vêtements (qu’elles) portaient le jour de l’assassinat».
Pour «Thomas Sankara, la famille reconnaît que ce jour-là, il était habillé en survêtement rouge», et des restes de survêtement rouge ont été retrouvés dans la tombe.
Dirigeant progressiste, réputé pour son honnêteté, Thomas Sankara est devenu après sa mort un mythe au Burkina Faso (littéralement le «pays des hommes intègres» ainsi qu’il l’avait rebaptisé en 1984) et au-delà dans toute l’Afrique. Les jeunes burkinabè se réclamaient volontiers de lui lors de la «révolution» d’octobre 2014, qualifiant Blaise Compaoré de «Judas».
AFP
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