Blaise Comparé : déprimé par le chagrin ou la tristesse ?

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Après les évènements que le Burkina Faso a connus et que Blaise Compaoré a vécus, tout est revenu à la normale: mise en place de la Transition, tenue des élections, mise en place des institutions de la République. Pour le Pays des Hommes intègres, c’est un nouvel espoir, une nouvelle expérience de la démocratie. Avec une nouvelle équipe. Pendant ce temps, Blaise Compaoré s’est fait naturalisé ivoirien. Mais apparemment, tout ne baigne pas dans l’huile. Sa récente photo laisse apparaître en effet un homme amaigri et déprimé au regard vague. Plutôt pleins de chagrins que de tristesses.

La connaissance de soi, l’amour de soi et l’image de soi composent en réalité les clés de voûte sur lesquelles vient prendre appui l’estime de soi. C’est la raison pour laquelle la fin brutale de Compaoré l’a chagriné. Humainement, il a dû perdre ses repères, il a dû avoir le sentiment d’un vide autour de lui, l’impression de ne plus exister en dehors de son pouvoir qu’il a exercé pendant longtemps et qu’il a été contraint d’abandonner. C’est justement la preuve que personne, pas même Blaise Compaoré le caïd et le condensé même du narcissisme, n’est à l’abri du chagrin. De la petite contrariété qui chiffonne à la grande peine inconsolable, de la simple morosité à la dépression la plus profonde.

Chute politique inattendue, histoire personnelle ou familiale, trahison, maladie, casseroles en tous genres peuvent en être la cause ou la conséquence. Le chagrin, cette souffrance morale, ce déplaisir est causé par une déception. Un sentiment de désolation. Le chagrin est un état d’âme. Lorsqu’on en souffre, on identifie clairement sa cause: c’est de la tristesse démasquée, une émotion qui avance à visage découvert, une affliction qui connaît précisément son origine. Alors que la tristesse nous plonge dans un état émotionnel inexpliqué, le chagrin nous permet de reprendre la main, car la cause de notre état est dévoilée.

Blaise Compaoré est aujourd’hui pleins de chagrins. Car militaire puis chef d’Etat, médiateur avisé, stratège politique, il avait toutes les clés en mains pour être un héros. Pour marquer de façon indélébile l’histoire du Burkina. Mais l’entêtement, l’orgueil, la folie du pouvoir ont fait chuter le sphinx. Cela suffit à lui rendre la vie impossible. Qui plus est, devenu citoyen comme les autres, finie l’immunité et tous ses avantages. Il doit répondre des crimes de sang, crimes économiques… dont il est accusé. Acculé et humilié, il doit avoir le sommeil difficile. Normal donc que le stress permanent qu’il vit rejaillisse sur son physique. En fait, il est prisonnier. Prisonnier de la Côte d’Ivoire! Qui l’eût cru?

Arrivé au pouvoir le 15 octobre 1987 à la suite d’un sanglant coup d’État contre Thomas Sankara, il est le fondateur de l’Organisation pour la démocratie populaire-Mouvement du travail (ODP-MT), qui fusionne avec douze autres partis politiques pour donner naissance, le 5 février 1996, au Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), ancien parti au pouvoir.

Élu président du Faso en 1991 à la suite d’un scrutin contesté et boycotté par l’opposition, il est réélu en 1998, 2005 et 2010. Le 31 octobre 2014, après 27 ans au pouvoir, il est obligé de démissionner à la suite d’un soulèvement populaire. En effet, le 30 octobre 2014, Blaise Compaoré fait face à un soulèvement populaire contre son projet de modification de l’article 37 de la loi fondamentale limitant le nombre de mandats présidentiels, afin de se représenter en 2015. À la suite des émeutes, Blaise Compaoré quitte le pouvoir. De force.

Exfiltré par les Français, il trouve refuge, avec le soutien du président français François Hollande, en Côte d’Ivoire le 31 octobre, puis au Maroc le 20 novembre 2014. Il est naturalisé ivoirien par le président Alassane Dramane Ouattara. Le décret de naturalisation de Blaise Compaoré a été publié à Abidjan au Journal officiel du 18 janvier 2016.

L’ancien président burkinabè, qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour son implication présumée dans la mort de l’ancien chef de l’État Thomas Sankara, devrait ainsi échapper à une éventuelle extradition vers son pays.

Mais on peut être un Blaise Compaoré sans peur d’être extradé et vivre en ivoirien en Côte d’Ivoire mais nourrir des regrets, des regrets dévastateurs. Cela s’appelle cas de conscience. Souffrance intérieure pour les uns, remords pour les autres. Cette souffrance-là est comme un cancer qui ronge silencieusement, lentement, mais sûrement. Les victimes ont toujours une personne invisible pour les défendre. Le faible et le petit, l’orphelin et la veuve ont toujours un défenseur puissant et efficace.

Mais en vérité, que Blaise Compaoré soit devenu «un vrai sahélien-somalien», qu’est-ce que cela fait aux Burkinabè? Ni chaud ni froid. Car la plupart d’entre eux voient en Blaise Compaoré un traître, quelqu’un de déloyal qui a renié son peuple et son pays. Pourquoi en effet fuir son pays si l’on ne se reproche rien? Alors, une trahison pour sauver sa peau? Par pur intérêt, en parfaite connaissance de cause? Quelle que soit la réponse et quel que soit l’état physique dans lequel Blaise se trouve, la seule solution qui lui reste pour redorer son blason et se montrer digne fils du Burkina Faso, c’est de revenir au pays répondre de ses actes. En aurait-il un jour le courage? Rien n’est moins sûr.

Théophile MONE

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