Andoch Bonin: Nous n’avons pas confiance au clergé

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L’ancien collaborateur et interprète des feus Kwame Nkrumah dans les années 60 et Gnassingbé Eyadèma dans les années 70, Monsieur Andoch Nutépé Bonin, parle de l’ancien opposant historique et charismatique devenu depuis peu l’ombre de lui-même, de l’accord intervenu entre le RPT et Gilchrist Olympio, de l’Opposition togolaise et du FRAC, de la CVJR et de la détention jusqu’ici des membres du MCA, ainsi que des réformes institutionnelles et constitutionnelles au Togo.

Monsieur Andoch Nutépé Bonin, bonjour ! Tout comme M. Gilchrist Olympio, vous êtes l’un des leaders historiques de l’Opposition togolaise. A la suite de la dernière élection présidentielle, l’Opposition connaît des bouleversements internes liés à la participation de M. Gilchrist Olympio au gouvernement, tandis que le FRAC mené par Jean-Pierre Fabre refuse de s’associer à l’initiative et continue à multiplier les manifestations pour dénoncer la réélection de Faure Gnassingbé et réclamer la victoire. Quelle est réellement votre position par rapport à ces deux courants dont les divergences ne cessent de fragiliser l’action de l’Opposition ?

 

Andoch Bonin: Vous autres qui me connaissez, seriez-vous choqués de m’entendre révéler aujourd’hui que M. Gilchrist Olympio n’est pas, ni n’a jamais été de l’Opposition togolaise ! La non appartenance à l’Opposition l’a poussé à signer cet accord infâme avec ce gouvernement RPT dont le peuple togolais n’a jamais voulu. Il est donc normal que le FRAC et son leader, Jean-Pierre Fabre, refusent de s’associer à une initiative qui ne peut que retarder la libération du peuple, d’où la justesse des manifestations du FRAC pour revendiquer la victoire de leur leader.
Egoïste et perfide, il ne pense qu’à sa seule personne. Lâche et manquant du moindre courage, il se sait incapable d’assumer la magistrature suprême du pays et, pourtant, ne voudrait pas que quelqu’un d’autre y parvienne. Il a toujours été le principal obstacle dans la lutte ô combien noble que mène le peuple pour se libérer.
Pour ce qui me concerne, je ne crois pas qu’il existe deux courants divergents qui fragiliseraient l’action de l’Opposition. Cette situation ne fait plutôt que renforcer la détermination du peuple à se libérer.
Contrairement au parti au pouvoir, le RPT, depuis le début du processus de démocratisation caractérisé par l’avènement du multipartisme, l’Opposition n’arrive toujours pas à se souder pour parler d’une seule voix afin de constituer une alternative crédible pour sortir le pays de la crise. Ne pensez-vous pas que dans ces conditions, le RPT a des raisons de vouloir se maintenir au pouvoir surtout que le rapport de force reste défavorable à l’Opposition ?
Vous vous rappellerez ma conférence de presse du samedi 22 mars 2008 pour dénoncer l’infâme accord de défense franco-togolais où je disais que l’Opposition manquait de leadership. Cette Opposition que j’appelle le PEUPLE s’est de tout temps opposée au pouvoir brutal et rétrograde du RPT. Le manque de ce leadership pousse bien sûr le RPT à se trouver des raisons de vouloir se maintenir au pouvoir. Il va sans dire que le rapport de force reste défavorable au peuple qui demeure pour le moment sans moyens dissuasifs.

Selon l’accord intervenu entre le RPT et M. Gilchrist Olympio, les réformes institutionnelles et constitutionnelles devront être menées dans un délai de six mois. Pendant ce temps, le recensement général de la population et un partage de pouvoir au niveau des sociétés d’Etat et des préfectures sera effectif. Dans le même ordre d’idées, les élections communales sont prévues pour début 2011 au plus tard.

Du moment où les autres courants de l’Opposition se désolidarisent de l’initiative de Gilchrist Olympio, ne pensez-vous pas que c’est l’Opposition elle-même qui se mord la queue ?
Vous semblez avoir un Premier Ministre, le sieur Gilbert Houngbo qui s’était donné six mois à sa prise de fonction pour changer le quotidien des Togolais en faisant des miracles. Qu’un Gilchrist Olympio déclare se donner un délai de six mois pour faire des réformes institutionnelles et constitutionnelles, tout homme bien réfléchi ne peut qu’en rire.
Pour parler de partage de pouvoir, je suis persuadé que Gilchrist Olympio se leurre en toute inconscience. Parler de courants au sein de l’Opposition, c’est faire insulte au peuple qui est uni et unanime dans sa lutte contre la barbarie. Pour moi, l’Opposition est tout simplement le peuple qui ne peut se mordre la queue.
De 2005 à nos jours, Faure Gnassingbé a multiplié les démarches d’ouverture en direction de l’Opposition en collaborant au plus haut niveau de l’Etat, successivement avec Edem Kodjo, Zarifou Ayéva, Yawovi Agboyibo, Léopold Gnininvi et maintenant Gilchrist Olympio Toutefois, en dépit de toutes ces collaborations, il saute aux yeux que les problèmes politiques du Togo ne sont pas toujours réglés. Le processus démocratique a du plomb dans l’aile. La kyrielle d’accords signés ne sont pas traduits dans les faits.

Connaissant bien le régime RPT et l’Opposition togolaise, à votre avis, qu’est-ce qui cloche ?

Edem Kodjo, Zarifou Ayéva et Yawovi Agboyibo ne peuvent pas être de l’Opposition. Ils sont pour nous autres qui les connaissons, des rptistes purs et durs avec qui on ne peut pas faire d’ouverture. Nous nous sentons très malheureux du fait que notre frère Léopold Messan Gnininvi se fût laissé aller à un jeu qui l’a diminué aux yeux du peuple.
Dans ces circonstances, les problèmes politiques du Togo ne peuvent nullement être réglés. La kyrielle d’accords dont vous parlez, vu les protagonistes qui en sont les auteurs, ne peuvent se traduire dans les faits. Le RPT que nous connaissons presque parfaitement et que nous disons n’être pas un parti politique, est une machine brutale. Ce qui cloche, c’est le manque de leadership pour le peuple qui le pousserait à se défaire des animateurs de cette machine et regagner sa dignité d’antan.

Autre problème important, les militants du MCA sont toujours maintenus en détention pendant que la Commission Vérité, Justice et Réconciliation poursuit ses travaux pour amener le peuple togolais au pardon et à la réconciliation. L’apaisement du climat politique et social étant indispensable pour le bon déroulement du processus de réconciliation, quels messages avez-vous à l’endroit du Chef de l’Etat, du FRAC, de la Commission dirigée par Mgr Barrigah et à l’ensemble de la classe politique ?

Que reproche-t-on en fait à nos frères militants du MCA ? Nos frères du MCA n’ont pas été pris en flagrant délit en possession d’instruments de violence pour qu’on les accuse de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Le slogan : « Alternance ou la Mort » de nos frères militants du MCA n’a été qu’un moyen de mobilisation du peuple et dont il a besoin pour continuer la lutte pacifique de libération. En même temps, c’est un moyen de dissuasion pour faire baisser la garde aux forces du mal.
En ce qui concerne la CVJR, étant donné qu’elle est dirigée par le clergé, nous n’y avons aucune confiance. Le pardon et la réconciliation se feront naturellement dès la libération du peuple dans la Nation qui a toujours été une et indivisible. D’ailleurs, la CVJR n’aurait-elle pas dû, si elle croyait vraiment être investie d’une mission, exiger et obtenir la libération de nos frères militants du MCA ?
Que dire au Chef de l’Etat ? Sinon que de lui demander de prêter une oreille attentive aux aspirations du peuple togolais et de prendre des mesures pour soulager ses souffrances. La misère devient de plus en plus accentuée.
Je voudrais dire au FRAC auquel nous appartenons, de ne pas se leurrer en pensant que les seules marches que nous faisons libéreraient le pays.
Quant à Mgr Barrigah, évêque catholique, je lui conseillerais de descendre sur terre pour pénétrer le peuple afin de se rendre compte de sa souffrance pour réfléchir. Réfléchir pour agir en se libérant de la torpeur dans laquelle eux tous, les commissaires, se trouvent

Un dernier message ?

Pour mes frères et sœurs, je leur demande de maintenir leur position, de conserver la détermination qu’ils ont maintenant, de se faire confiance et d’avoir l’assurance qu’ils finiront par vaincre les forces du mal.

Interview réalisée par
Délali OBOBI

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