– Président de la République
– Président du Sénat
– Président de l’Assemblée Nationale
Le 28 novembre 2010 s’est tenue en Côte d’Ivoire le second tour de l’élection présidentielle, la compétition opposant Laurent Gbagbo Koudou, candidat de l’alliance politique LMP, à Alassane Dramane Ouattara, représentant l’alliance RHDP.
La double proclamation des résultats, d’abord le 2 décembre 2010 par la Commission Electorale Indépendante en faveur d’Alassane Ouattara, et ensuite celle du 3 décembre 2010 par le Conseil Constitutionnel, donnant Laurent Gbagbo vainqueur, a plongé la Côte d’Ivoire dans une grave crise sociale et politique, qui s’est muée en véritable guerre civile, chacun des deux candidats appelant le peuple et ses partisans à défendre sa victoire.
Ce n’est que le 11 Avril 2011, que fut mis fin à cette guerre des tranchées, mais à quel prix ! Après quatre longs mois d’intercessions et médiations où s’investirent toutes les Institutions Africaines les Nations Unies, l’Union Européenne et toutes les grandes puissances.
Période où alternèrent espoir, déceptions et désespoirs sur fonds d’engagements militaires et d’atrocités infligées aux populations civiles.
Pour la quasi-totalité des populations Ivoiriennes, à l’époque, seules importaient la cessation des hostilités et la fin des privations et des exactions.
Et, s’il ne leur est pas aisé de marquer leur reconnaissance à la grande hydre onusienne aux 154 visages, les populations Ivoiriennes retinrent qu’au final, c’est la ferme implication de l’armée Française, par les airs, les eaux, puis au sol jusqu’à la résidence bunkerisée de Laurent Gbagbo qui fit la décision.
Leur expliquer que l’armée Française agissait sous mandat de l’ONU est un exercice tout aussi byzantin que stérile.
De cet épisode naquit et s’installa dans la conscience collective des Ivoiriens une sorte d’association, entre le pouvoir d’Alassane Ouattara et les autorités de la République Française.
Cette espèce de tutorat s’installa d’autant plus aisément dans les esprits que les rapports personnels, entretenus de longue date, entre les deux Présidents (Ouattara et Sarkozy), ont toujours été associés à l’image publique de Ouattara ; ses communicateurs ont régulièrement puisé dans ce filon.
Et, aujourd’hui encore, est restée vivace dans l’esprit de tous en Côte d’Ivoire, la belle envolée du Premier Ministre Français, François Fillon, qui, le 14 juillet 2011, à LA résidence de France à Abidjan, déclarait au monde entier que : ‘’ la France est le partenaire de référence de la Côte d’Ivoire’’.
La vie reprit son cours en Côte d’Ivoire.
Ainsi, alors que les Ivoiriens reprenaient une vie normale où importaient reconstruction, désarmement, réconciliation et harmonie sociale, voilà que, comme un coup de tonnerre, éclata la nouvelle du transfèrement de Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI) à la Haye, le 29 novembre 2011. .
Ce transfèrement, qui surprit tout le monde en Côte d’Ivoire, fut unanimement désapprouvé en Afrique Noire.
A commencer par les Chefs d’Etat qui furent nombreux à le faire savoir.
En effet, l’envoi en exil d’un ancien chef d’état Africain déclencha, sur tout le continent noir, une effervescence historico- culturelle que les Français qui, dans leur histoire, ne subirent que très peu le joug de la colonisation, ne peuvent appréhender.
Dans la condition du colonisé se trouvent entremêlées des imageries de douleur et d’humiliation sous le lourd couvercle d’arrogance hégémonique du colonisateur.
Que n’a-t-on pu pressentir que le souci d’écarter d’éventuels mouvements incontrôlés des partisans de Laurent Gbagbo, peut être couplé avec une punition que l’on voulait stigmatisante et exemplaire, risquaient à terme de transformer le prisonnier en mythe ?
Aujourd’hui , cinq années plus tard , et au vu du déroulement du procès entamé à la Haye depuis le 28 janvier 2016, il ne fait pratiquement plus de doute que l’on a imposé au Procureur de la CPI la mission impossible d’arriver à prouver qu’un chef d’état pouvait répondre de sa personne de débordements et exactions commis par des éléments de ses forces armées sur le terrain en période de guerre.
L’ONU et son bras judiciaire, la CPI, se sont, de toute évidence, englués dans une affaire engagée dans l’impréparation la plus totale, peut être pour ne pas contrarier un partenaire dont l’engagement signale se devait d’être récompensé.
Mais, en Afrique Noire, le cas Laurent Gbagbo c’est désormais une houle montant de la base vers le haut, et les élites ne l’ont bien réalisé qu’en écoutant le silence lourd et réprobateur des braves populations.
Ce n’est point un problème d’ethnie ou de séduction devant le charisme d’un individu ; c’est un saut dans la revisitation d’une partie de l’histoire africaine enfouie dans les consciences.
La France de 2016, grandement impliquée et active sur le Continent Africain, et dont l’armée est engagée au Nigéria, au Tchad, en Centrafrique, au Mali, etc.…,
La France à qui semble échoir naturellement la conduite de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme religieux armé sur le Continent Africain, cette même France peut elle se permettre de traîner un tel boulet de frustration devant les masses d’Afrique Noire ?
Quel paradoxe, lorsque l’on pense aux vaillants soldats Français qui ne cessent de donner leur vie au Sahel pour la défense de la même Afrique Noire !
– Il est par ailleurs un autre fait, qui interpelle le même Etat Français, qui a été aux premières loges pour le retour à une situation de paix en Côte d’Ivoire depuis la survenue du conflit armé de 2002.
C’est que, encore cinq années après la fin de la crise post électorale, très peu de pas significatifs ont été faits vers une véritable réconciliation des Ivoiriens.
A la fracture initiale entre les deux blocs politiques qui se disputaient le pouvoir se sont ajoutés d’autres avatars – pauvreté aggravée, chômage généralisé et jeunes diplômés aux abois, le mal vivre, etc.… – auxquels les Ivoiriens opposent désormais une indifférence résignée, pour ne rêver qu’au retour du prisonnier de la Haye, attendu tel un Messie.
Le phénomène n’a pu échapper à la France qui a bien vu que, à la dernière présidentielle il ya six mois, tous les candidats concurrents d’Alassane Ouattara ont mis en avant une relation particulière avec le prisonnier de la Haye.
Cela aussi, la France doit se résoudre à en tenir compte.
Les voies et moyens pour mettre un terme à la détention de Laurent Gbagbo, sans porter atteinte à la crédibilité et au prestige du système des Nations Unies, de la CPI et des puissances occidentales, sont multiples, et l’imbroglio CPI / Laurent Gbagbo
Peut être dénoué par le droit, sous la conduite d’une volonté politique forte.
Et pour cette volonté politique, les braves populations Ivoiriennes et Africaines ne regardent que la France.
Nous accompagnons la présente adresse de l’assurance de notre considération distinguée.
Abidjan le 23 Mai 2016
Le Président du MFA
KOBENA I. ANAKY
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