Zakaria Koné m’a cité parce que j’étais avec le ministre Tagro aux rencontres qui ont eu lieu avec lui, et que Dieu merci, je suis vivant. C’est pour cette raison qu’il m’a cité. Je profite de cette occasion pour dire ce que je sais sur la question. Effectivement, il y’a quelqu’un qui est venu nous voir pour dire que Zakaria Koné souhaitait voir les principaux acteurs de l’Accord Politique de Ouagadougou (APO), dans le cadre de la mise en œuvre effective dudit accord. Comme Zakaria Koné n’était pas à Abidjan, et qu’il était en exil, on ne pouvait pas le rencontrer à Abidjan, ni ailleurs en Côte d’Ivoire. C’est comme cela que le ministre Tagro m’a appelé, et on est allé à sa rencontre à Lomé, au Togo.
Nous nous sommes rencontrés à l’hôtel Sarakawa. Zakaria Koné semblait vraiment préoccupé par la situation. De son point de vue, après l’accord politique de Ouagadougou, il pensait que la crise finirait, pour qu’on puisse passer à autre chose. Son plan qu’il envisageait, c’était de donner Vavoua, la partie qu’il occupait, dans la rébellion, aux FDS (Forces de Défense et de Sécurité), et puis par la suite, la fin de la crise allait être précipitée. J’ai vu que le général Mangou parle de l’est, en vérité, il ne s’agit pas de l’est. Zakaria Koné n’avait aucun contrôle sur l’est, ni sur le nord-est de la Côte d’Ivoire, mais il avait le contrôle de Vavoua. C’est donc de Vavoua que Koné Zakaria a parlé. Il a dit comme il y’a longtemps qu’il est en exil, et qu’il y’a longtemps qu’il est loin de ses troupes, il leur manquait quelques armes, et si on pouvait voir l’État major pour lui céder certaines armes pour mener l’opération, ce serait bien.
Honnêtement, nous lui avons dit : « ok , mais comme nous ne sommes pas des militaires, nous allons rendre compte et puis à la suite, on va revenir à toi ». Et c’est comme cela que dans les analyses (rires !), on a trouvé que c’était un peu trop gros qu’on vienne demander à l’ennemi de donner des armes, même si on dit que c’est pour mettre fin à la crise. C’était un peu trop gros ! Et donc nous sommes revenus, et le ministre Tagro a rencontré le chef d’État major, le général Mangou pour évoquer avec lui, la question. Et nous avons été d’accord avec le général Mangou pour dire que ce n’est pas possible qu’on donne des armes à l’ennemi pour nous abattre.
Donc, le ministre Tagro et moi sommes repartis avec cette réponse avec laquelle nous étions d’accord, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de donner nos armes à un ex-ennemi, même repenti.. Vraiment, même un illustre stratège ne va pas prendre ses armes les donner à son ennemi, même si celui-ci est devenu un saint, entre-guillemets. Nous sommes donc repartis une seconde fois à Lomé pour aller faire le compte-rendu à Zakaria Koné . On lui a dit : « voilà ce que le chef d’État major dit… ». Et Zakaria a estimé que c’était «juste», et il a ajouté que lui-même à notre place, il ne le ferait pas. Et je lui ai dit : « si toi-même tu sais qu’à notre place, tu ne le ferais pas, pourquoi tu nous demandes alors de le faire ? ». Et on en a ri (…) Mais comme il tenait à l’opération, et que ce n’était pas possible d’avoir des armes avec nous, il a demandé s’il pouvait avoir quelques moyens pour les acheter pour mener à bien l’opération. C’est comme cela que nous avons été amenés à parler d’argent dans le cadre de l’opération.
Mais, entre temps, lorsqu’il a fini d’exposer, comme nous étions dans le renseignement, nous avons essayé de nous renseigner autour de lui. C’est là que nous avons compris que c’était une arnaque ; c’est-à-dire qu’il voulait nous mettre dans un piège : prendre nos moyens pour renforcer la rébellion pour nous attaquer, et faire autre chose. Lorsque nous sommes revenus et avons compris son stratagème avec toutes les informations coupées et recoupées, nous avons mis fin à l’opération. Pour être très clair avec vous, jamais, le président Gbagbo n’a remis 5 Francs à Zakaria pour céder une partie du territoire, à plus forte raison pour infiltrer le commando invisible d’Abobo. Le général Mangou est beaucoup informé, mais malheureusement, il n’a pas toutes les informations. Il aurait mieux fait d’appeler des sachants pour lui donner de vraies informations sur la question.
Nous nous sommes rencontrés à l’aéroport international Félix Houphouët Boigny l’année passée, et il m’a fait l’amitié de me remettre sa carte de visite. Il aurait pu me passer un coup de fil pour me demander, « est-ce que l’opération là a été achevée ? » Je lui aurais répondu : « non, à partir du moment où nous avons vu que c’était un piège, nous avons tout arrêté. Il n’était pas question d’infiltrer un commando, mais il était plutôt question de céder, la partie qu’il maîtrisait, en occurrence, le département de Vavoua, aux FDS, mais lorsque nous avons vu que l’opération était une arnaque nous avons tout arrêté. Et donc il n’y a pas eu de transaction financière entre le président Gbagbo et Zakaria Koné, à quel que niveau que ce soit ». S’il y avait eu transaction c’est soit à Mangou que le président remettrait cet argent, soit à nous, hors cela n’a pas été le cas.
Du côté de Mangou, encore moins de notre côté, parce qu’on avait compris la forfaiture. (…) Quand, Mangou dit que le président Gbagbo a donné 500 millions à Zakaria Koné pour infiltrer le commando invisible, moi, je vous avoue que je ne comprends pas cette attitude. Si on voulait vraiment donner 500 millions de Fcfa à un soldat, pourquoi on ne donnerait pas ce montant à IB (Ibrahim Coulibaly, le chef du commando invisible : Ndlr) en même temps ? Pourquoi on ne donnerait pas ces 500 millions à IB pour l’acheter, pour qu’il arrête de tuer les gens, plutôt que de les remettre à Zakaria Koné pour qu’il parte infiltrer le commando invisible ? Il ne faut pas insulter notre intelligence. Il n’y a pas eu de transaction, je le répète et je le signe ! Mais ce n’est pas le seul point sur lequel il faut interpeller Mangou.
Le premier jour de son témoignage, Mangou a dit que le président Gbagbo avait fait l’erreur d’envoyer, seulement une délégation civile à Ouagadougou. Et le ministre Tagro et moi avons été nommément cités. Nous sommes tout de même les acteurs de l’Accord Politique de Ouagadougou, et il n’est pas normal qu’on laisse une telle contrevérité passer. Je respecte énormément le général Mangou, mais je dois avouer que quand il s’agit de ce genre de question, l’humilité aurait voulu qu’on s’informe auprès de ceux qui sont là, surtout lorsqu’ils sont encore vivants. Et qu’on respecte au moins la mémoire du ministre Tagro, qui est quand même mort dans cette crise, assassiné. Il a donné toute son âme, toute son énergie, tout ce qu’il avait comme intelligence pour la Côte d’Ivoire et il a, malheureusement été assassiné comme un vulgaire personnage. Je voudrais qu’ici, on lui rende hommage et qu’on respecte, je le dis encore, sa mémoire.
Nous sommes partis à l’Accord politique de Ouagadougou avec une délégation désignée par le président Laurent Gbagbo qui avait à sa tête, le ministre Désiré Tagro. Il y’avait également au sein de cette délégation officielle composée de civils, Konaté Navigué et Alcide Djédjé. Et la délégation de l’Armée avait à sa tête le Colonel Gouri André qui était le chef des opérations à Yamoussoukro que le Cema (Chef d’État major des armées, Philippe Mangou : Ndlr) nous a donné dans le cadre de cet accord politique de Ouagadougou.
Chez nous, nous avions le colonel Gouri André, et chez les Forces nouvelles, ils avaient Koné Adama. Je ne connais pas son grade. Et toutes les questions militaires étaient traitées par Gouri de notre côté, et de leur côté par Koné Adama. C’est après qu’on faisait la synthèse, et puis on voyait comment on pouvait mettre ce qui a été arrêté en application. Quand il n’y a pas de point militaire à l’ordre du jour, quelques fois Gouri restait à Abidjan parce qu’entre Ouaga et Abidjan, c’est une heure de vol. Et lorsqu’il y’avait un point militaire Gouri venait nous rejoindre, ou partait avec nous. Il venait apporter son expertise.
C’est un monsieur très intelligent que je respecte, qui a fait un Bac E. C’est un monsieur qui a un très bon raisonnement, et qui a répondu à la confiance du président Laurent Gbagbo. Ce n’est donc pas juste de dire qu’on est allé à l’Accord politique de Ouagadougou avec que des civils et des politiques. On peut, ne pas être d’accord avec un certain nombre de points dans la mise en application de cet accord, mais on ne peut pas dire qu’on y est allé avec que des politiques et des civils. Je refuse cela et je pense que la mémoire du ministre Tagro mérite respect, et que nous nous avons fait cet accord méritons plus de considération.
Konaté Navigué
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