Que devient le « Vivre ensemble », ce fameux slogan que prônait – en son temps – le RDR (Rassemblement Des Républicains), parti politique aujourd’hui au pouvoir en Côte d’Ivoire ? La question n’est pas fortuite. Les développements passés et récents de l’actualité socio-politique ivoirienne, nous l’imposent ; tant le contraste entre le « vivre ensemble » et les agissements de ses concepteurs est frappant. Le « vivre ensemble » aurait-il été rangé aux calendes grecs par ses auteurs – manifestement – plus préoccupés à conserver et à consolider le pouvoir – y comprit par des moyens plus ou moins détournés – qu’à inciter les ivoiriens à vivre réellement ensemble ?
Pour le régime en place, conserver et consolider le pouvoir – semble t-il – rime avec piétiner les droits fondamentaux de l’opposition, en lui interdisant – entre autre – l’accès à certaines zones du territoire ivoirien. Le récent « scandale d’Odiénné » illustre bien cet état de fait cet état de fait. Odienné, ville du nord de la Côte d’Ivoire, où monsieur Pascal Affi N’guessan, président du FPI (Front Populaire Ivoirien), principal parti de l’opposition en Côte d’Ivoire, s’est vu – une fois de plus – empêché d’entrer. Mais Odiénné n’est pas le seul endroit où l’opposition a été empêchée d’accéder. Il y a aussi eu Abobo, dans la commune d’Abidjan, et Doropo, au Nord-Est, où les manifestations prévues par l’opposition ont été purement et simplement interdites.
A ces divers endroits, le mode opératoire a toujours été le même : des jeunes (en réalités des proches du RDR) seraient opposés à la venue d’Affi N’guessan, chef de l’opposition et projetteraient de s’attaquer violemment à la manifestation qu’il prévoit organiser, au motif qu’il tiendrait – partout où il passe – des propos injurieux ou qu’il refuserait de « demander pardon » aux victimes de la crise post-électorale. Le Maire de la localité, à son tour, prendra un arrêté interdisant la manifestation. Le régime en place « entérinera » ledit arrêté, au motif qu’il ne peut garantir la sécurité de la manifestation. Et la boucle est bouclée.
Point de meeting. Affi N’guessan et le FPI peuvent s’offusquer autant de fois qu’ils le veulent ; le régime d’Abidjan ne fera rien pour que de telles déconvenues ne se répètent plus. Bien au contraire. A l’évidence, ce ne sont pas les braves populations qui refuseraient d’accueillir Affi et sa délégation. L’histoire passée et récente du peuple hospitalier de Côte d’Ivoire ne nous montre aucun exemple de ce genre. C’est plutôt le résultat d’une honteuse instrumentalisation dont le régime en place se rend coupable. D’une part, en se déclarant incapable de garantir la sécurité de l’opposition et de son chef, le régime en place ne serait-il pas en train de laisser croire que certaines zones du territoire ivoirien sont hors de son contrôle ? Dans tous les cas, il faudra s’inquiéter sérieusement pour les échéances électorales à venir en Côte d’Ivoire ; pour tous ces citoyens ivoiriens qui n’épousent pas forcément la politique du régime en place, mais qui souhaitent mener librement et en toute sécurité leurs activités partout dans leur pays. Il faudra craindre pour tous ces ivoiriens.
Car le constat est qu’en Côte d’Ivoire, les manifestations projetées par l’opposition mais interdites in extremis ; empêchées directement ou indirectement par le régime en place ne se comptent plus. Celles réprimées dans le sang non plus. Pourtant le FPI a eu à tenir des manifestations dans bien d’autres endroits du pays, bien entendu, avec l’accord des autorités ivoiriennes. La question est donc: pourquoi le régime en place entend-t-il se montrer bienveillant, les jours pairs, et inique les jours impairs ? La réponse qui se dégage d’emblée est celle-ci: ce régime entend ruser avec la démocratie dont elle a – visiblement – une conception vague et très aléatoire. Or, dans un Etat qui se veut démocratique, la liberté d’expression plurielle ; le droit de manifester de l’opposition, les libertés publiques doivent être garantis. En Côte d’Ivoire, l’on se rend malheureusement compte que ce n’est pas le cas. Dès lors, il ne serait pas excessif d’affirmer que la démocratie en Côte d’Ivoire, sous le régime Ouattara, est en pleine déconfiture. Remarquons, d’autre part, que les évènements malheureux qui ont émaillées la tournée de remobilisation d’Affi N’guessan dans le Bafing et notamment son interdiction d’accéder aux villes d’Odiénné et de Touba, surviennent aux lendemains de l’échec – c’est le cas de le dire – des discussions entre le pouvoir et le FPI, visant à faire lever le mot d’ordre de boycotte du RGPH (recensement général de la population et de l’habitat), lancée par l’opposition. Aussi, ces interdictions apparaissent-elles – ni plus, ni moins – comme la riposte immédiate d’un régime frustré, face à une opposition qui s’avère d’emblée, intransigeante.
De ce qui précède, l’on retiendra que le régime d’Alassane Ouattara ne laisse véritablement le jeu démocratique se dérouler que lorsque cela sert ses propres intérêts ou lorsqu’il y est contraint. Au quel cas, les intimidations, l’abus de pouvoir, les menaces…, bref, la violence politique ont toujours eu raison des droits démocratiques de l’opposition. A certains esprits grincheux qui auraient encore quelques griefs contre le principal parti d’opposition, rappelons à toutes fins utiles que l’existence même du FPI en tant que parti d’opposition, dont découle – malgré tout – une sorte d’acceptation d’Alassane Ouattara en tant que chef de l’Etat de la Côte d’Ivoire, est une preuve manifeste que ce parti politique a opté pour une reconquête pacifique du pouvoir, là où d’autres ont préféré porter le glaive à la mère patrie. Il faut le reconnaitre, c’est un gage pour la paix en Côte d’Ivoire que ce parti ait opté pour le jeu démocratique. Voilà ce qu’il faut comprendre pour l’essentiel. Ne pas l’accepter, c’est se laisser aveugler par la haine ; c’est se laisser inutilement animer par un esprit de vengeance. Certains estiment d’ailleurs que c’est le désir de vengeance du régime en place qui serait justement à l’origine des mauvais traitements subis aujourd’hui par le FPI. Ont-ils raison?
Une chose est certaine : nous avons assisté, ces trois dernières années à un regain de la violence politique. La violence politique sous toutes ses formes : le non respect de la liberté de la presse ; le refus du libre accès aux médias d’Etat aux autres partis de l’opposition, les violations des libertés publiques et de manifestations…, pour en arriver aujourd’hui à l’interdiction à des citoyens ivoiriens – notamment Pascal Affi N’guessan, président du FPI et toute sa délégation – d’accéder à certaines zones de leur propre pays. En définitive, l’on est en droit de se demander : comment pourront-ils, ces ivoiriens, répondre favorablement à l’appel du « vivre ensemble » ? Ou, le « vivre ensemble » finalement qu’un slogan creux ; un masque tombé une fois le pouvoir conquis ?
Marc Micaèl
La Riposte