«On nous a trop volé !», mais…c’est de notre faute

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De la période de l’esclavage jusqu’à celle de la colonisation, une grande partie des peuples noirs d’Afrique a su servir de pions aux Occidentaux dans le pillage de leur continent. De la colonisation à l’indépendance, ces Noirs, pour des raisons pécuniaires et de «prestige dans la soumission», ont continué de se mettre au service de l’Occident au détriment de leurs peuples et leurs pays.

Je dois préciser que cette réflexion m’a été inspirée d’une part par l’amère expérience que j’ai vécue lors de mon récent voyage à Abidjan où j’ai ressenti dégoût et indignation. Et d’autre part, par un récent article du Ghanéen Nana Kofi intitulé ‘’Afrique : la milliardaire mendiante’’.

Je voudrais le dédier au premier président ivoirien, feu le président Félix Houphouet-Boigny qui, malgré ses faiblesses et maladresses, dès 1944, a eu le courage de publier un mémorandum intitulé : ‘’On nous a trop volé’’. Pour dénoncer le traitement injuste et cruel que les colonisateurs français infligeaient aux planteurs africains en général et aux planteurs ivoiriens en particulier.

Je le dédie également à la petite poignée solitaire de dirigeants africains morts, vivants ou renversés avec le soutien des puissances occidentales, qui ont cherché finalement et de manière définitive à mettre fin à ce complexe d’infériorité qui lie la majorité des chefs d’Etat africains et à la main-mise des pays développés sur les richesses et la destinée des pays africains.

J’ai pris un vol Air France de Paris à Abidjan en août 2011. La première chose qui m’a frappée, c’est la différence de traitement ou de considération que le personnel d’Air France avait pour les passagers selon leurs origines, excepté le fait que nous étions tous entassés dans des cars pour aller du terminal à l’avion. Et que même le chauffeur du car (quelqu’un qui avait les traits maghrébin et que j’ai entendu parler arabe en s’arrêtant pour converser avec un autre chauffeur venant dans le sens opposé) n’a attendu qu’une fois arrivé près de l’avion pour mettre en marche le climatiseur. Que ce soit à l’enregistrement ou à bord de l’avion, l’arrogance, le manque de considération, le mépris et l’impolitesse avec lequel le personnel d’Air France s’adressait à tous ceux qu’il percevait comme africains, soit par leurs passeports, leurs noms (pour ceux qui avaient des passeports français) ou leur habillement étaient insupportables.

Ivoirien d’origine moi-même, non seulement je voyageais avec un passeport américain, donc je me sentais parmi les “privilégiés’’ ; car apparemment c’était le seul passeport que les agents d’Air France respectaient. Une fois à bord de l’avion, je constate que certains couples mixtes, sans doute pour diverses raisons, préféraient faire voyager leurs épouses d’origine africaine en classe affaire et eux mêmes en classe économique.

Les pays développés font ce qu’ils veulent en Afrique parce que les Africains le leur permettent. Le manque de considération et d’égard que les Occidentaux ont pour les Africains est lié à l’image que les Africains projettent d’eux-mêmes. Je me souviens d’un fait que j’ai vécu vers la fin des années 90 à l’aéroport d’Abidjan, précisément entre 1997 et 1998. Ce jour-là, nous débarquions d’un vol Air France en provenance de Paris, à bord duquel se trouvait un Français qui disait être là pour prendre part en tant qu’invité à une semaine de l’aviation organisée sur place.

Arrivé au service sanitaire où l’on contrôlait les carnets de vaccination, ce monsieur n’avait pas son carnet comme l’exigeait la loi. Quand la jeune dame de service tenta de lui faire comprendre que s’il n’avait pas son carnet, il devrait payer 5.000 F pour se faire vacciner afin qu’un carnet de vaccination lui soit délivré, il s’emporta et ne trouva rien d’autre à dire que de la couvrir de menace. Il menaçait d’appeler ses supérieurs si elle ne le laissait pas passer. Ne pouvant pas supporter cette arrogance, j’ai dû intervenir pour lui poser la question suivante : ‘’Si vous étiez en Amérique, en Chine ou au Canada, auriez-vous eu la même réaction devant les agents des services sanitaires ? ‘’. Comme vous pouvez le deviner, il ne put répondre.

Un autre exemple d’arrogance et de mépris pour les Africains s’est manifesté par la réaction disproportionnée, injuste et ridicule de la France et de son armée, face à un malheureux ‘’incident (?)’’ survenu le 4 novembre 2004 à Bouaké. A ce sujet, il est bon de rappeler que la Côte d’Ivoire et la France n’étaient pas encore en guerre (comme en avril 2011) ; donc cette riposte n’était ni plus ni moins qu’une manifestation de la raison du plus fort. Vous conviendrez avec moi que la France n’a jamais rêvé — même dans un sommeil profond — de réagir de la même façon face à ses 80 soldats tués en Afghanistan.

Tout au contraire, elle aurait demandé une commission bilatérale d’enquête pour savoir comment et pourquoi ces bavures sont arrivées. Souvenez-vous que tout au début de la guerre en Afghanistan, l’armée américaine avait causé un incident semblable envers celle du Canada ; et c’est ce que les deux Etats ont fait. Plus récemment, en juillet 2008, dix soldats français ont été tués en Afghanistan. Certains auraient été tués ou blessés par erreur par l’aviation américaine. Mais loin d’envoyer des avions aux Etats Unis pour bombarder les symboles de la République, nous avons vu la réaction “civilisée“ de la France face à cette tragédie. Plus récemment encore, en janvier 2012, quatre soldats français sont morts en Afghanistan. Au lieu de riposter comme ils savent le faire en Afrique, Sarkozy et son armée menacent de se retirer ; comme s’ils étaient indispensables.

Dans les pays développés, les populations et les partis politiques, tous bords confondus, auraient été unis pour condamner cette réaction indigne et injuste de la France. Mais en Côte d’Ivoire, ce cas d’agression dramatique et injustifiée a montré combien des gens sont prêts à monnayer leur dignité, juste pour des intérêts particuliers. Mais aussi et surtout par complexe d’infériorité. Ces concitoyens ont cherché à justifier la réaction de la France, exposant à la face du monde leur sens peu élevé de l’unité ou de solidarité nationale. A la limite, ils n’entendaient pas les cris du coeur de ceux qui condamnaient, sans équivoque et avec la dernière énergie, cette agression injustifiée.

Pendant que les pays développés s’efforcent de protéger leurs concitoyens et leur bien-être en adoptant des politiques socio-économiques adaptés à leurs besoins et aspirations, les pays africains se contentent de proposer ou d’offrir moins du strict minimum à leurs populations. Comme si les moyens de faire mieux leur manquaient. On voit des présidents ‘’offrir’’ des ambulances aux communautés comme si c’étaient des biens acquis avec leur propre argent. Et on applaudit bêtement, feignant d’ignorer que c’est l’argent du contribuable converti en budget ou fonds de souveraineté.

Après plus de 50 ans d’indépendance, les pays d’Afrique noire sont en nette régression par rapport à ceux du Maghreb qui ont très tôt compris qu’ils ne pouvaient rien accomplir en laissant la France gérer leur monnaie. Les pays d’Afrique noire sont en nette régression par rapport à certains pays d’Asie ou d’Amérique Latine avec lesquels ils avaient le même niveau de développement. Je ne dis pas que tout est parfait dans ces pays, mais au moins, vu leur niveau de développement, les dirigeants de ces pays sont aujourd’hui invités aux réunions des pays dits développés.

Nicolas Sarkozy a même essayé d’attirer vers l’Europe les pays nord africains (qui ont dans l’ensemble, une nette avance sur les pays sub-sahariens, à l’exception de l’Afrique du Sud), en voulant créer sa fameuse Union Pour la Méditerranée. Je voudrais rappeler que l’Allemagne, la Belgique ou l’Angleterre n’ont pas de frontières avec la Méditerranée. Pour moi, il n’y a rien de plus important pour un homme que sa dignité. Malheureusement, les Africains noirs préfèrent monnayer cette dignité contre des actes de peu d’intérêt, pour des intérêts égoïstes. Des dirigeants aux simples citoyens, tous sont vus du même oeil par les Européens : ils sont tous corruptibles et n’aiment que la facilité. Sinon comment comprendre qu’après plus de 50 années d’indépendance, les pays africains francophones acceptent que leurs monnaies dépendent encore d’un franc français inexistant ?

Pourquoi doit-on encore parler d’évacuations médicales vers l’Europe après avoir dépensé des milliards pour l’éducation et la formation de médecins, infirmiers et docteurs pendant plus de 40 ans ?

Pourquoi sommes-nous encore à parler de ventes de nos matières premières à l’état brut quand on a des milliers d’ingénieurs et chimistes assis dans des bureaux ou au chômage ? Je trouve honteux et dégoûtant, par exemple, que l’on parle de pauvreté et de manque du minimum d’infrastructures, dans les domaines tels que l’eau, l’électricité, les routes, la santé, etc. Dans des pays africains producteurs de pétrole qui ont moins de deux millions d’habitants et où plus de 70% de la population continue de vivre dans la misère, alors que les dirigeants ont des milliards de francs déposés dans des comptes en Europe, s’achètent des châteaux ou construisent des palais, juste pour impressionner et se donner des allures de bourgeois ou de personnes ayant beaucoup d’argent, alors que tout le monde sait comment cet argent a été obtenu.

Aussi longtemps que les chefs d’Etat africains ne comprendront pas qu’il est plus important de faire du bien-être de leurs citoyens la priorité, plutôt que de s’enrichir, ou d’enrichir les membres de leurs familles ou un cercle restreint d’amis proches, ils ne seront jamais considérés comme des dignes fils de l’Afrique. D’un autre point de vue, que doit-on espérer de ces chefs d’Etat quand une partie des populations sous leur autorité préfère faire la courbette devant eux et faire leurs éloges dans l’espoir d’être peut-être récompensés ? Des chefs d’Etat qui affectionnent ce jeu, persuadés qu’aussi longtemps que les populations se plieront en quatre pour obtenir d’eux des faveurs, si infimes soient-elles, ils pourront se remplir les poches, manipuler leur constitution à leur guise et rêver de rester au pouvoir au prix de simulacres d’élections.

Mettons fin à la politique dela main tendue

Les Africains semblent aimer vivre dans le chaos et l’anarchie tout en préférant la politique de la main tendue. Des dirigeants aux populations, on constate un laisser-aller total. Il m’est en effet difficile de constater que des maires n’ont aucun complexe à rouler avec leurs grosses cylindrées sur des routes à peine praticables et où le bitume a cédé la place à la terre rouge. Souvenez-vous qu’au cours d’une visite dans un village d’Abobo, le président Gbagbo avait publiquement interpellé le gouverneur du district d’Abidjan et le maire de la commune d’Abobo sur l’état de la route qu’il avait empruntée pour se rendre à la cérémonie.

Souvenez-vous aussi de la décision de la Sotra de ne plus faire circuler ses autobus sur le boulevard Nangui Abrogoua. Regardez un peu l’état de dégradation dans lequel se trouvent les immeubles de logement dans la ville d’Abidjan. Quelque chose m’a vraiment choqué à Cocody – St Jean et à la Sogefiha où la plupart des résidents n’ont aucune honte à vivre dans des immeubles en état de délabrement total ; là où un groupe a eu la merveilleuse idée de mobiliser des moyens pour donner une couche de peinture à un immeuble. Quelle image ! Hélas ! Ceci n’est pas spécifique à ce quartier car, partout où l’on passe à Abidjan, le constat est que les gens ne savent pas se faire respecter, mais aiment se faire voir.

L’anarchie qui règne sur les routes en Côte d’Ivoire est la conséquence d’une part de l’échec patent des dirigeants à offrir le minimum d’infrastructures de qualité à leurs concitoyens et d’autre part, du manque de discipline et de courtoisie des populations. Mais en réalité, à quelle attitude devrait-on s’attendre des usagers de la route quand les tracées pour délimiter les voies par exemple n’existent pas? En clair, la meilleure façon de maintenir l’ordre et la discipline, c’est de créer l’ordre et la discipline. Or des routes conçues à l’origine pour être à deux voies se transforment – dans l’indifférence totale des autorités – en routes à quatre, voire cinq voies.

Les Occidentaux donnent le minimum à l’Afrique car ils ont compris que nous mêmes nous ne nous aimons pas et aimons nous contenter du minimum. Une route en Europe est conçue pour durer 20 à 50 ans. Pour cela, on coule un béton de près de 20 centimètres avant de faire couler l’asphalte qui a une épaisseur de 5 à 10 centimètres. En Afrique, quand on ne coule pas l’asphalte directement sur la latérite, on se contente de la couler sur une fine couche de graviers. Ce qui fait qu’à la moindre pluie, tout se dégrade. En Afrique, ils construisent des réseaux ou systèmes électriques peu fiables à tel point que les consommateurs se voient obligés d’acheter dés régulateurs de tension pour protéger leurs appareils électroménagers.

Il y a aussi ces compagnies de téléphonie mobile avec des services et des résaux à peine fiables. Cela est-ce possible en Europe ? Parmi les sanctions que la France et l’Union Européenne ont prises contre la Côte d’Ivoire pendant ce qu’ils ont appelé “crise post-électorale”, il y avait l’embargo sur les médicaments. Le côté ridicule de cette décision est qu’en la prenant, Sarkozy et ses alliés européens pensaient punir les partisans du camp Gbagbo, comme s’ils étaient les seuls à tomber malades ou à se soigner. En fait, cette décision relève de l’immoralité, de la méchanceté et du racisme.

La Côte d’Ivoire comptant quelque vingt deux millions d’habitants, comment comprendre ces sanctions qu’on inflige à toute une population quand on sait qu’à peine un quart de cette population a participé à l’élection ? Si laisser mourir des gens par manque de soins, après s’être caché derrière une résolution pour prétendre venir protéger la population n’est pas un crime contre l’humanité, alors je comprends mal de quoi on se mèle en voulant donner des leçons à la Turquie pendant qu’on a fait pire en Afrique.

Souvenez-vous que pendant la prémière guerre du Golfe, ces mêmes pays avaient pris des sanctions contre l’Iraq et le régime de Sadam Hussein. Mais ces même pays avaient, pour des raisons ‘’humanitaires’’, mis sur pied, un programme appelé ‘’Pétrole Contre Nourriture’’ dans le but de permettre à l’Iraq de pouvoir vendre une partie de son pétrole pour pouvoir offrir le minimum de besoins vitaux à sa population. Ce programme avait été mis en place pour ‘’réduire les souffrances prolongées du peuple irakien dues aux sanctions économiques’’ mises en place par l’ONU suite à l’invasion du Koweït par l’Irak en août 1990. Selon certaines estimations, au moins deux millions d’Irakiens auraient péri par manque de nourriture ou de médicaments durant l’embargo international.

Après un refus initial, l’Irak signe un accord en mai 1996 pour la mise en place du programme proposé dans la résolution. Le programme a commencé réellement en octobre 1997 et les premières livraisons de denrées alimentaires dataient de mai 1998. Disons au passage que certains africains et non des moindres, comme Kofi Annan fils, en ont tiré profits. Si cette option avait été offerte au gouvernement iraquien, comment comprendre ce qui a été imposé au peuple ivoirien si ce n’est purement du racisme et du mépris pour les peuples noirs ? Le drame ici est que nous avons vu des Ivoiriens (y compris ceux qui dirigent le pays aujourd’hui) et d’autres Africains cautionner cette autre forme de génocide en supportant ces sanctions sous le prétexte que c’était la faute du président Gbagbo qui refusait de quitterle pouvoir.

L’exemple d’Areva au Niger

Soixante pour cent de l’énergie consommée en France est fournie par les mines d’uranium du Niger. Pourtant ce pays qui a la deuxième plus grosse mine d’uranium au monde a plus de 61% de ses 14 millions d’habitants de sa population qui vit dans la pauvreté, privée de l’accès à la nouriture et à l’eau.

Quand le pillage dont Areva est coupable au Niger fut démasqué par le président d’alors (monsieur Mamadou Tandja), le président français Nicolas Sarkozy fut obligé de reconnaître que la France y était présente parce qu’elle avait besoin de l’uranium nigérien. Officiellement, le Niger produit environ 150.000 tonnes par an, mais Areva, bien que connaissant le cours mondial moyen de l’uranium sur le marché mondial qui est d’environ 180 euros (117.000 FCFA), l’achète nettement en dessous de ce prix, soit à environ 40 euros (26.000 FCFA).

Nous voyons bien que le manque à gagner pour le Niger dans ce contrat de dupe se chiffre à plus de 20 milliards d’euros (13 mille milliards de FCFA) par an. Alors, pour se donner bonne conscience comme d’habitude, la ‘’généreuse’’ France, n’hésite pas à apporter de l’aide au gouverment et au peuple nigérien pour leur développement en finançant une grande partie de leur budget. Un philosophe dit pourtant qu’il est préférable de montrer la force de notre exemple que de montrer l’exemple de notre force. Et le révérend Martin Luther King de marteler : “Il pourrait avoir des gaz lacrimongènes ou toute autre genre d’armes qui nous attendent dans nos marches. Mais je préfère mourir sur les routes d’Alabama que de faire une boucherie de ma conscience ”.

Comment est-il possible et acceptable que le continent le plus riche en ressources naturelles et le 2ème continent le plus peuplé de la planète puisse permettre à ses populations de vivre et subir des traitements aussi humiliants ? La réponse est simple, et je répète : ce qui a été dit par notre ‘’PAPA Houphouet-Boigny’’ : ‘’On nous a trop volé’’… Par notre faute.

Chris Zououa de Kpapekou

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