A moins que ce soit le substantif qui modifie le sens de l’adjectif. Par exemple, tenez : que diriez-vous de cette belle tournure « opposition participative »? Laquelle opposition participative s’autoriserait aussi à se proclamer (sur la base de quels critères?) le principal parti d’opposition! Le problème dans cet énoncé, n’est pas vraiment dans la grammaire, ni dans la sémantique, puisque nous sommes capables d’inventer notre sémantique et même notre grammaire propres. Cependant, on peut s’interroger sur la pragmatique, l’un des composants, le plus important peut-être, de l’argumentation, c’est-à-dire au sujet de l’effet que nos inventions, créations, slogans, incantations, néologismes, réflexions, nos énoncés en général, pourraient avoir sur notre entourage, sur ceux pour qui et à qui nous parlons (si toutefois des personnes de ces catégories existent ).
A propos de proposants, par exemple, je me suis demandé d’abord qui seraient leurs interlocuteurs, les destinataires de leur message et l’effet que leur conférence donnée à Paris, dans une annexe de l’Assemblée Nationale Française ferait sur ceux-ci. Il est évident que le pouvoir qu’ils étaient censés défendre a suivi cette conférence de très près, donc les écoutés. Mais dans la pragmatique, en fait, les propos tenus par les conférenciers lui apporteraient-ils vraiment un bénéfice, changeraient-ils favorablement le regard que l’opinion internationale porte sur lui? Ce pouvoir, soupçonné, toujours par les mauvaises langues ( dont je suis, je l’avoue), d’ être le commanditaire, donc le vrai émetteur, connaît ce genre de discours qu’il débite depuis des décennies, à savoir que tous va très bien dans le meilleur des Togo, que l’on se prépare à des élections démocratiques, transparentes, libres etc., que les prétendus opposants sont des irresponsables sans programme réel, qui refusent le dialogue ( n’étaient-ils pas hier déjà des aventuriers, y compris alors Glchrist Olympio aujourd’hui chef de file de l’opposition participative?). En attendant de nous proclamer fièrement, ou plutôt de chercher à nous faire croire, quand les prétendues élections se seront déroulées, que tout s’est très bien passé. Dans ce genre d’argumentation (pure propagande, selon les mauvaises langues) le pouvoir utilise différents supports, différents canaux et médias (discours officiels, journaux, conférences, déclarations, slogans…). Je suis arrivé à cette idée que, au fond, même connaissant le discours à la virgule près depuis des décennies, le pouvoir en a besoin, sinon il ne ferait pas toujours répéter, massivement relayer ces « vérités », connues d’avance. Vérités! Certains spécialistes de la philosophie du langage estiment que pour qu’un énoncé, un argument soit reconnu comme une vérité, certaines conditions préalables doivent être remplies. Les conditions, ce n’est peut-être pas le cadre choisi pour cette conférence, les ors de l’Assemblée Nationale Française, le prestige et la crédibilité que l’institution confère à ceux qui ont accès à ses locaux où n’entre pas le premier venu. Les belles cravates scintillantes et les chaussures bien cirées, bien claquantes de nos klaké parisiens ne constituent non plus une condition suffisante.
Voudrais-je dire par là que dans les conditions que nous connaissons, les « vérités » proférées par les proposants sont dépourvues de toute valeur malgré les éblouissantes et bien sonnantes apparences? Il faut être généreux. Je tâche de l’être. Ce pouvoir a besoin de s’entendre parler lui-même, ou d’entendre parler ceux qui, d’une façon ou d’une autre le défendent. Faut-il encore préciser que d’énormes sommes d’argent sont investies dans cette tactique du régime?
Mais que deviendrait-il donc, ce régime, s’il ne pouvait pas s’assurer, que des gens disent, quand même, du bien de lui, parlent de lui en des termes favorables? Il en a besoin pour se sentir exister. Et qui sait si, là-bas, à Paris, certains députés, certains ministres français ne seraient pas convaincus des vérités des proposants, même si, d’une façon générale, les hommes politiques français sont plus au courant du contexte politique togolais, comme de celui de plusieurs autres pays africains, que nous ne le croyons?
S’il y avait une troisième catégorie de personnes à qui le message serait destiné, ce serait celle des Togolais hostiles au pouvoir, en particulier ceux de la diaspora. Parmi ceux-ci, il y en a qui semblent s’offusquer du fait que l’on cherche à nous présenter un tissu de mensonges comme des vérités. Mais, vaut-il la peine de se faire du mauvais sang pour si peu? Moi, que le démon du rire hante souvent, je prendrais cela plutôt avec humour, puisque, analysant ce que les proposants ont proposé dans ce contexte que je connais bien, j’en conclus qu’ils n’ont rien proposé du tout. Je dirai même que leur conférence était dépourvue de tout vrai propos (en dehors, bien entendu, du fait de donner au pouvoir le sentiment d’exister ), que demain, dans une situation semblable à celle d’aujourd’hui, de préparation d’élections injustes et frauduleuses que l’on veut faire passer pour démocratiques, transparentes, libres… aux yeux de l’opinion internationale, ces messieurs-dames reviendront avec les mêmes arguments. Et puis, entre les membres de « l’opposition participative » et les proposants, je ne vois pas tellement la différence. Il y a peut-être là une nuance subtile qui m’échappe, à moi qui ressemble au premier venu. Je parlerais donc comme le premier venu, qui n’a pas accès à l’Assemblée Nationale Française, sans rien inventer, usant d’un barbarisme, peut-être pas plus méchant que celui inventé par les brillants conférenciers de Paris, juste par le procédé du verlan « Proposants? Pourquoi pas zan-propos? Et si on disait, simplement, pour s’amuser aux dépens des proposants qu’ils sont des zan-propos sans propos? Ma cousine Alugba, pas klaké du tout, donc parfaitement illettrée dirait d’eux « Mu ko wo agbana » (Je me moque d’eux à crédit).
Sénouvo Agbota ZINSOU