Un mot sur la présidentielle du peuple frère de Guinée

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Alpha Condé, 72 ans, opposant historique et leader du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), bat campagne en vue du second tour de la présidentielle, laquelle vient d’être reportée à une date ultérieure. Éloi Koussawo, ami de l’opposant historique guinéen livre ici un point de vue personnel sur l’homme et son combat.

Il semble que les hommes politiques écoutent parfois les inquiétudes de leur peuple. Ce qui se passe en Guinée est un tournant capital pour ce pays frère. De loin, j’ai regardé Alpha Condé manœuvrer. Je connais l’homme. Je connais sa ténacité, et son sens aigu des responsabilités. Voilà pourquoi je n’ai pas du tout été surpris par l’accord signé au Burkina Faso entre Alpha Condé et son grand rival, Cellou Dalein Diallo. Par ce «protocole d’entente pour une élection apaisée», les deux hommes se sont engagés, sur le papier, à «prendre des dispositions pour que leurs militants acceptent le résultat des urnes». La politique a besoin parfois de ces haltes-là, pour tenter de réfléchir, au risque de plonger les populations dans le désarroi.

De loin, j’ai écouté les deux hommes s’accuser mutuellement des pires intentions, faisant redouter des troubles. Cellou Dalein Diallo, technocrate peul, ancien Premier ministre sous Lansana Conté (un bouffeur, dit-on de lui en rigolant), soupçonne Alpha Condé de ne pas vouloir accepter une éventuelle défaite, et de préparer un coup de force avec l’armée. De son côté, Alpha Condé, condamné à mort sous Sékou Touré et prisonnier pendant 28 mois sous Lansana Conté, reproche à Cellou Dalein Diallo d’avoir fait campagne sur l’argument ethnique : les Peuls, 40 % de la population, n’ont jamais exercé le pouvoir en Guinée, et le message de Diallo consiste à dire que « c’est leur tour ». Et c’est vrai que Cellou Diallo a trop recours à la fibre ethnique pour essayer de contrer un adversaire qui lui fait une ombre puissante !

L’itinéraire d’Alpha Condé est celui d’un homme qui a donné une grande partie de sa vie à lutter pour l’avènement de la démocratie en Guinée. Après ses études à la Sorbonne, Alpha Condé obtient un diplôme d’Etudes Supérieures (DES) avant de devenir Docteur d’Etat en droit public à la Faculté de Droit de Paris, Panthéon. La carrière professionnelle d’Alpha Condé débute en tant que professeur : il dispense des cours à la faculté de Droit et Sciences Economiques (Paris I, Panthéon Sorbonne) pendant plus de dix ans, puis à l’Ecole supérieure des Postes, Téléphone, Télécommunications (P.T.T).  Depuis les bancs de l’université en France où il était militant et responsable  de la puissante Fédération des Etudiants d’Afrique Noire (FEANF), au sein de laquelle il a côtoyé de futurs hommes politiques comme le Togolais Messan Martin Aduayom, où encore actuellement comme membre de l’Internationale Socialiste, l’homme a fait la preuve de ses ambitions pour l’Afrique en général et la Guinée en particulier.  Personnellement, je connais et admire l’homme politique qu’il est.

Alpha est un patriote qui plaide pour le bien-être, la dignité des peuples de  Guinée dans des réunions internationales, un altruiste. Lui et moi avions beaucoup discuté de l’Afrique, du Togo, de la Guinée. Il m’a beaucoup parlé de la souffrance de son peuple. Je sais que son combat est sincère. Lors de sa dernière arrestation, nous avions participé à une  manifestation devant le Conseil européen pour réclamer sa libération (j’étais  aux côtés d’Aduayom): Un militant Belge des droits de l’homme  nous demandait: « Est-ce que le peuple guinéen sera reconnaissant un jour aux efforts d’Alpha ? ». Prémonitoire ? Diallo était aux affaires (plus de 10 ans) au moment où l’ami Alpha se battait, se sacrifiait pour la démocratie en Guinée.

Dans les cercles diplomatiques de Conakry, Alpha Condé incarne l’alternance tant rêvée par les Guinéens. Et même beaucoup d’intellectuels Peuls (critiqués pour leurs prises de position) osent le présenter comme une alternative crédible. Bravant par là le tabou imposé par Cellou Diallo. Gageons que la Guinée sorte gagnant de ces élections, et que la logique de l’alternance démocratique s’impose enfin à la Guinée comme elle devrait s’imposer un peu partout sur notre continent malmené.

Bruxelles, septembre 2010.

Eloi Koussawo.

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