Un grand homme, c’est quoi ? [Par Jean-Claude DJEREKE]

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Dans leur hommage à Hamed Bakayoko, certaines personnes ont présenté ce dernier comme un grand homme. Mais un grand homme, c’est quoi ? Pour être qualifié ainsi, que faut-il faire ou quels actes doit-on poser ? Être un gros trafiquant de drogues ? Persécuter et humilier des adversaires politiques ? Geler et vider leurs comptes bancaires pour les empêcher de se soigner ou de scolariser leur progéniture ? Garder injustement en prison ou en exil des centaines de pères et de mères de famille ? Entretenir et protéger des enfants drogués qui agressent, terrorisent et tuent d’honnêtes citoyens ? Gaspiller l’argent public dans des futilités et aller ensuite se soigner en France aux frais du contribuable ivoirien et français alors qu’on aurait pu construire des hôpitaux modernes et des entreprises qui donnent du travail aux jeunes ?

Les grands hommes ne jettent pas en prison ceux qui les critiquent, ne tuent pas pour arriver ou se maintenir au pouvoir, ne volent ni ne braquent les banques pour devenir riches, n’ont pas besoin d’appartenir à telle ou telle société secrète pour briller. Ceux qui font ça ne sont que de petits esprits, voire des minables. Pleurer ou encenser des criminels et des médiocres, tout simplement parce qu’ils vous ont donné un jour un peu de l’argent qu’ils ont acquis de façon malhonnête, relève non pas de l’humanisme mais du crétinisme. Demain, quand Ouattara tirera sa révérence, les mêmes crétins demanderont sa canonisation au pape François.

Le comble, ce qui m’horripile le plus, c’est que, pour justifier leur indécent hommage à un individu qui jusqu’à sa mort travailla avec et pour un régime qui martyrisa les Ivoiriens, des gens se réclamant du Christ n’hésitent pas à rappeler la recommandation du Christ : “Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent” (Matthieu 5, 44). Prompts à traiter de haineux et d’inhumains ceux qui refusent de faire semblant et de verser des larmes de crocodile, ces gens-là pousseraient-ils toutefois la logique jusqu’à soutenir avec l’apôtre Paul que “tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu” (Rm 8, 28) et que tout ce qu’a fait Dramane Ouattara dans et contre notre pays depuis 1993 (tentative d’éviction de Konan Bédié après le décès d’Houphouët, embargo sur les médicaments, fermeture des banques, coups d’État à répétition, bombardement des symboles de notre souveraineté, déportation de Laurent Gbagbo à la Haye, Ivoiriens assassinés, emprisonnés et exilés, papiers et terres ivoiriens donnés aux étrangers, viol de notre Constitution, etc.), c’était pour le bonheur des Ivoiriens ?

À voir la facilité avec laquelle certains Africains oublient leurs souffrances et respectent leurs bourreaux, on est tenté de désespérer de l’Afrique. Je trouve indigne leur propension à baiser la main encore couverte de sang du bourreau, à dire du bien de Jacques Chirac après sa mort alors qu’il fit entrer dans le gouvernement de Laurent Gbagbo des personnes ayant attaqué et endeuillé leur pays le 19 septembre 2002, alors qu’il détruisit nos avions militaires et que son armée tua une soixantaine de jeunes ivoiriens devant l’hôtel Ivoire d’Abidjan en novembre 2004. On le décrivait tantôt comme un ami de l’Afrique, tantôt comme un grand homme d’État. Mais on avait oublié ses nombreux crimes en Afrique, la guerre atroce qui fit des milliers de morts au Congo-Brazzaville en 1997 et dans laquelle il soutint Sassou Nguesso, l’argent qu’il prenait en Afrique pour financer ses campagnes électorales, etc. Chirac et les autres présidents de la Ve République sont peut-être grands dans leur pays mais, vus de cette Afrique francophone qu’ils ont toujours cherché à contrôler, à dominer et à piller, ils ne sont rien d’autre que des “voyous et assassins” (Maître Jacques Vergès)

Les Grecs avaient leur conception de la grandeur. Cette conception, que je juge bonne, se trouve dans la phrase suivante :“Nous avons vécu, nous avons fait, nous avons construit, nous avons élevé l’homme, aussi faible et vulnérable soit-il.” Et Aristote, fils de cette Grèce ancienne, d’ajouter que “le grand Homme est nécessairement un homme dont les actions sont bonnes et justes”.

Jean-Claude DJEREKE

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